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Actualités - CHRONOLOGIE

Vol à l’étalage : les supermarchés contraints au système D

Sur le petit écran de surveillance en noir et blanc, un homme d’une trentaine d’années avance dans un rayon du supermarché, les mains dans les poches. S’arrêtant devant un stand, il sort discrètement un sac de sa veste, le déplie et y glisse en vitesse quatre cartouches contenant des paquets de cigarettes. Puis, l’air de rien, il se dirige vers la sortie « sans achats » et quitte le magasin. « Il nous a échappé ce jour-là, mais on le connaît bien, on l’aura la prochaine fois », explique le directeur du magasin. Nous sommes dans les bureaux d’un grand supermarché situé à la périphérie de Beyrouth. Ici, tous les mois, les pertes liées à ce type de vol s’élèvent à près de 1 000 dollars ; une bagatelle, certes, par rapport au chiffre d’affaires d’un tel établissement, mais cette valeur pourrait être bien plus élevée si les gérants ne mettaient pas en place quelques mesures de prévention. « Nous avons créé notre propre système de surveillance, continue le directeur. Nos vendeurs ont pour consigne de rester à l’affût, et des caméras filment les rayons les plus exposés. » Pour limiter la tentation, les clients sont invités à laisser leurs sacs à l’accueil, tandis que des gardiens en uniforme sont postés près des caisses pour intimider les fraudeurs potentiels. Dans d’autres magasins, un système de magnétisation des produits déclenche une alarme, à la sortie, lorsque ceux-ci n’ont pas été payés. Ces méthodes sont efficaces contre un certain type de voleurs : les kleptomanes et les resquilleurs, qui tentent d’économiser quelques dollars quand ils en ont l’occasion. D’après une caissière, il n’est pas rare de surprendre une cliente en train de glisser une brosse à dents ou une tablette de chocolat dans son sac à main, alors qu’elle allait régler des achats pour plus d’une centaine de dollars. Ces actes « ordinaires » et sans préméditation, dont la majorité des coupables sont des femmes, peuvent sans doute être imputés à une situation économique difficile, qui pousse les consommateurs, au quotidien, à ne pas ignorer les petits profits. Le directeur du magasin préfère nous parler de ceux qu’il appelle les « professionnels ». Ceux-ci s’attaquent généralement à des produits plus chers, pour profiter d’un meilleur rapport taille/prix : bouteilles d’alcool, cigarettes et rasoirs sont destinés à être revendus à des réseaux qui fournissent les marchands ambulants. Mais la tâche des voleurs devient plus difficile à mesure que leur « carrière » avance, car on finit par les reconnaître. Après quelques hésitations, le directeur accepte de nous montrer le « dossier » : sur son ordinateur apparaissent des fiches correspondant à différents voleurs. Ceux-ci y sont photographiés de face et de profil, avec à la main les articles qu’ils ont tenté de dérober. Leurs noms, les méthodes qu’ils ont employées ou encore les lieux où ils opèrent sont soigneusement consignés et accompagnés d’une photocopie de leur carte d’identité – ces informations circulent sur un réseau mis à jour régulièrement, et auquel ont accès tous les supermarchés de la chaîne. Une sorte de coopération parallèlement au le travail de la police ? La question semble amuser le directeur : « Je n’ai aucune relation avec les autorités. Si je portais plainte contre les voleurs, je ne m’en sortirais plus… Les procès durent longtemps, on me convoque tous les trois jours pour des formalités, et ces gens se défendent bien : j’ai parfois fini par être accusé de diffamation ! » La peine moyenne pour un vol à l’étalage est d’un mois de prison, mais le taux de récidive est élevé et les gérants des magasins préfèrent prendre les devants avec ces méthodes de surveillance et de fichage. Ils se passent ainsi d’une organisation officielle inefficace pour plutôt faire confiance à un système privé qui satisfait directement leurs intérêts. Au Liban, cette attitude semble devenir à tous les niveaux une habitude. George ACHI
Sur le petit écran de surveillance en noir et blanc, un homme d’une trentaine d’années avance dans un rayon du supermarché, les mains dans les poches. S’arrêtant devant un stand, il sort discrètement un sac de sa veste, le déplie et y glisse en vitesse quatre cartouches contenant des paquets de cigarettes. Puis, l’air de rien, il se dirige vers la sortie « sans...