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Actualités - RENCONTRE

Rencontre Françoise Nyssen, ou le flair d’une éditrice

Edgar DAVIDIAN Qui dit Actes Sud dit Françoise Nyssen. Pour la direction de cette institution, une femme qui parle bien sûr de flair, de coup de cœur, d’éclectisme, mais aussi et surtout de curiosité… Dans le cadre du 15e Salon du livre francophone à Beyrouth, rencontre avec Françoise Nyssen. Simplicité, franchise et une magnifique culture métissée de curiosité pour une éditrice qui n’en est pas à son premier voyage au pays du Cèdre où, par-delà la frappante vivacité des Libanais, elle aime se balader dans les rues et rencontrer des gens. « Non, je n’ai jamais voulu écrire, confie-t-elle tout de go en toute simplicité. Être écrivain, c’est un talent. Bien sûr, on a tous envie de s’exprimer d’une manière ou d’une autre… mais je suis paresseuse. Écrire est un engagement entier. Pour l’édition, il faut toujours penser au texte de l’autre… » Mais pour tous ceux qui l’ignorent, au départ Françoise Nyssen n’est pas une littéraire. « Au départ, je suis une scientifique, précise-t-elle. J’ai fait des études de chimie et de la recherche en biologie moléculaire. Tout a commencé en 1978 à Arles, lorsque mon père a fondé Actes Sud. C’est lui qui m’a engagée avec lui dans cette aventure livresque... Remarquez que si je devais expliquer le déclic, je sais que, depuis que j’étais petite, j’avais le goût et la passion de la lecture. Et puis je voulais par ailleurs ouvrir une librairie… » Directrice d’Actes Sud, Françoise Nyssen est aujourd’hui à la tête d’une montagne de livres où tous les lecteurs du monde ont plus d’une discipline et plus d’un horizon à découvrir. Le monde arabe se taille une belle part dans cette production monumentale et dont le succès va grandissant. Six mille titres sur le marché entre essais, littérature pour enfants, théâtre et section sur la nature pour cette maison d’édition qui va sur ses trente ans. Un des premiers titres qui a marqué est Pierre pour mémoire d’Anne-Marie Roy, sur le traumatisme de la guerre d’Algérie. Ensuite, les ventes ont grimpé et ce sont les ouvrages de Nina Berberova, L’accompagnatrice et C’est moi qui souligne (pourtant un vrai pavé), et ceux de Paul Auster avec le Pourquoi j’ai mangé mon père de Roy Lewis qui caracolent en tête des listes de vente. Aujourd’hui, Millenium de Stieg Larsson (plus de 2 millions d’exemplaires) a pulvérisé les records. Mais pour en revenir aux lettres arabes qui semblent bien avoir le vent en poupe chez Actes Sud, il faut dire que tout a commencé par la traduction…Lettres scandinaves d’abord, ensuite lettres arabes où la section s’est enrichie de plusieurs auteurs et d’innombrables titres. De la Palestine à l’Égypte, en passant par le Maroc, la Syrie et le Liban, les auteurs témoignent et analysent la vie dans cette région de la planète. Entre rêves, réalité et aspirations les plus profondes et les plus secrètes, les auteurs orientaux et arabes ont grossi le rang des écrivains dont la voix porte. On peut citer parmi ceux qui ont le plus de succès : Mahmoud Darwich, Sambar, Néguib Mahfouz, Alaa el-Aswany (le roman Immeuble Yacoubian s’est vendu à plus de 250 000 exemplaires), Mohanad Barada, Moustafa Khalifi, Sélim Barakat, Hanane el- Sheikh, Rachid el-Daif, Élias el-Khoury (le roman La porte du soleil s’est vendu à plus de 10 000 exemplaires) et Vénus Khoury Ghata avec un texte écrit directement en français, Le moine, l’Ottoman et la femme du grand argentier… Même chez un éditeur qui a réussi il y a des regrets. Surtout des auteurs qu’il aurait voulu avoir dans sa nacelle, sa bergerie, son sérail ! Et qui Françoise Nyssen aurait voulu avoir sur sa liste de protégés, dans les antichambres de ses imprimeries, au-devant de ses vitrines ? Grand sourire et vive agitation d’une éditrice qui, jusque-là, parlait plutôt avec une certaine réserve. « Oui, je regrette beaucoup de personnes, dit-elle en toute franchise. Dans le domaine français, je regrette surtout Sylvie Germain… j’ai été emballée par son premier ouvrage, Le livre des nuits… Mais il y a aussi Michel del Castillo, Marquez, Echenoz, Jonathan Coo, Yann Appery… » On revient au cœur et au vif du sujet. Comment choisir un livre, comment repérer un texte ? Comment détecter un bon auteur ? Comment pressentir un succès, un nouveau talent ? Quel est le secret de cette chasse au texte rare, nouveau, émergent, un texte qui capte et accroche ? « Le flair n’est certainement pas un mot qui définit cette quête. Il faut parler surtout des livres qui font impression. Des livres qui, brusquement, nous habitent. Ce qui veut dire, l’importance de la littérature. Pour cela et en ce sens, je recommande un ouvrage d’une vision unique, celui de Nancy Huston et qui s’intitule L’espèce fabulatrice… Personnellement, je vais surtout vers le roman… Les qualités d’un bon éditeur ? L’ouverture et la curiosité. Il faut être éclectique. Surtout avoir la capacité d’un certain recul par rapport au texte. Être perméable aussi aux autres. Mais la curiosité c’est fondamental… »
Edgar DAVIDIAN


Qui dit Actes Sud dit Françoise Nyssen. Pour la direction de cette institution, une femme qui parle bien sûr de flair, de coup de cœur, d’éclectisme, mais aussi et surtout de curiosité…
Dans le cadre du 15e Salon du livre francophone à Beyrouth, rencontre avec Françoise Nyssen. Simplicité, franchise et une magnifique culture métissée de curiosité...