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Côte d’Ivoire À l’« université » du marché d’Abobo, on apprend à écrire sur les étals

Seulement une fille sur trois a accès à l’école primaire et plus de 60 % des femmes sont analphabètes. Tous les midis sur le grand marché d’Abobo, un quartier très populaire d’Abidjan, des étals se transforment en tables d’étude pour « l’université », un centre d’alphabétisation où des dizaines de commerçantes apprennent à lire et écrire. « Je ne connais pas papier (“ Je suis illettrée ”). Ça me fait mal ! » expliquent plusieurs femmes qui viennent de s’installer sur de petits bancs en bois. Pendant deux heures, elles vont suivre les cours au cœur même du marché, un immense bâtiment de deux étages, et poser leurs cahiers sur de larges étals rectangulaires en ciment, d’ordinaire réservés aux marchandises. En face d’elles, deux vieux tableaux noirs sont accrochés au mur. « Ces femmes sont très motivées et aspirent à la connaissance », explique à un journaliste de l’AFP Mme Jacqueline Doué, la fondatrice du centre. Présidente de l’Association des couturières du marché d’Abobo depuis 1988, Mme Doué a lancé « l’université » en 2005, après avoir constaté le « trop-plein des femmes analphabètes » dans sa structure. Au début, le centre ne comptait que 20 femmes contre près de 200 aujourd’hui. « Je ne savais ni lire ni écrire, et j’avais des problèmes pour tenir ma comptabilité. La lecture des notices des produits pharmaceutiques constituait aussi une difficulté. Tout cela m’a poussée à surmonter mon illettrisme », témoigne l’une des premières élèves, Mme Aline Bahi. « C’est une fierté de savoir lire et écrire », souligne cette vendeuse de pagnes. « Pour moi, c’est un pari gagné », explique une autre élève, Monique Bolou, qui arrive désormais à remplir les formulaires pour retirer de l’argent à l’agence de microcrédits de son quartier. L’inscription à l’« université », qui fonctionne du lundi au samedi, même pendant les vacances scolaires, coûte 1 500 FCFA (2,29 EUR) à l’inscription. Les élèves payent ensuite 100 FCFA (15 centimes d’euro) après chaque cours. Pour Makan Kanouté, le seul homme du groupe, « apprendre à lire et écrire constitue l’avenir ». « C’est quelque chose qui n’a pas d’âge », ajoute Monique Allahau, 60 ans, surnommée la « mémé » par ses camarades. Pour tous, il s’agit de rattraper le temps perdu. Mlle Awé Traoré, 21 ans, sait désormais « lire un journal et les prix des étiquettes des magasins » après deux ans passés à « l’université ». « Du coup, j’ai pardonné à mes parents qui ne m’ont pas scolarisée à temps », ajoute la jeune femme. Selon le ministre ivoirien de l’Éducation nationale, Gilbert Bleu-Lainé, la scolarisation des filles demeure une préoccupation pour le système éducatif, dans un pays où une fille sur trois a accès à l’école primaire. « Les filles représentent plus de la moitié des 45 % des enfants qui n’ont pas accès à l’éducation » et « la proportion d’adultes analphabètes (56 % en moyenne) a atteint plus de 60% chez les femmes », constate le ministre. À « l’université » du marché d’Abobo, les élèves sont appelés les « apprenants » et le maître « l’auditeur ». Les cours correspondent aux niveaux CP à CM2 et sont dispensés par quatre enseignants, de vrais étudiants du supérieur qui ont accepté ce travail en échange d’un peu d’argent. L’un d’entre eux, Paulin Konan, ne cache pas sa satisfaction de « donner du savoir », l’aboutissement, selon lui, d’un « combat personnel ». Quatre de ses élèves vont même se présenter cette année à l’examen du certificat d’études primaires. Pour la fondatrice de l’« université », c’est aussi une victoire sur le manque de moyens et de matériels didactiques.
Seulement une fille sur trois a accès à l’école primaire et plus de 60 % des femmes sont analphabètes.
Tous les midis sur le grand marché d’Abobo, un quartier très populaire d’Abidjan, des étals se transforment en tables d’étude pour « l’université », un centre d’alphabétisation où des dizaines de commerçantes apprennent à lire et écrire. « Je ne connais...