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Actualités - OPINION

Combattre la peur Par Dominique Strauss-Kahn

Les restrictions sur les prêts interbancaires n’ont pas sitôt enregistré un allégement après le sauvetage des systèmes financiers déployé dans les pays développés, que la baisse des indicateurs économiques a fait chuter les Bourses. Et, comme on exige le remboursement des prêts étrangers et qu’on cède les actifs, les pressions subies par les pays émergents, que beaucoup avaient crues « découplés » du reste du monde, se sont intensifiées. Les consommateurs, les entreprises et les pays du monde entier sont en proie à la peur et on est passé, dans le langage, d’une récession moyenne des pays développés à une dépression mondiale aggravée. Le découragement est survenu, avec le sentiment qu’on ne peut rien faire pour enrayer les choses. Que se passe-t-il ? Les mesures prises, il y a deux semaines, pour affermir le système financier étaient-elles tout simplement mauvaises ? Absolument pas. L’alimentation en liquidité, la recapitalisation des banques, une assurance des dépôts plus uniforme et étendue aux pays développés – toutes ces mesures étaient justes et indispensables. Mais il ne s’agissait que d’une première phase. Dans les pays développés, la dépréciation des actifs et, plus largement, la peur de l’avenir ont anéanti la confiance dans l’économie. La consommation a diminué et les entreprises ont réduit leurs investissements. La crise financière a provoqué une baisse abrupte de la demande, phénomène qualifié par les économistes de « récession keynésienne ». Pour restaurer la confiance, la seule solution est d’avoir recours aux outils macroéconomiques, afin de relever la demande et de maintenir la productivité. Un plan monétaire peut s’envisager dans les pays où les taux d’intérêt restent élevés, mais l’assèchement du crédit risque de limiter l’efficacité de cette mesure. Par conséquent, c’est un plan fiscal qui doit jouer le premier rôle. L’élargissement fiscal comporte toujours des risques, car il ajoute à la dette et augmente la probabilité des dangers. Mais, au point où nous en sommes, les bénéfices qu’on en tirerait seraient supérieurs aux dépenses, pour les pays dont l’endettement est surmontable. Les pays émergents sont confrontés à un problème supplémentaire. Il ne s’agit pas seulement pour eux de tenir le coup, face à la perspective de baisse de leurs exportations et de la confiance ; ils se retrouvent aussi au bout de la chaîne des victimes de cette crise financière, qui a commencé aux États-Unis, s’est transportée en Europe et passe maintenant leurs frontières. Les banques étrangères diminuent leurs crédits. Les investisseurs étrangers rapatrient leurs fonds avec une ampleur sans précédent. Ironiquement, les mesures adoptées pour résoudre la crise dans les pays développés sont aussi celles qui incitent à faire revenir l’argent dans les pays d’origine, ce qui n’est pas pour faciliter la vie dans les pays émergents. Pour consolider leur système financier et leur demande globale, les pays émergents doivent être prêts à prendre des mesures analogues à celles qu’ont choisies les pays développés. Mais la prospérité toute fraîche de beaucoup de ces pays leur vient de leur entrée dans le capitalisme international. Un arrêt brutal à de tels flux est un coup dur et entraîne des défis que ces pays ne peuvent pas relever seuls. Les pays développés doivent donc être prêts à apporter les financements requis, et à le faire à une hauteur sans équivalent. Sinon, nous courons à l’insolvabilité, au contrôle des banques et au protectionnisme – issues qui représenteraient une régression pour ces pays et pour l’économie mondiale dans son ensemble, et durablement. Le FMI a les moyens d’engager 250 milliards de dollars environ. Nous avons mis en action des procédures internes et des structures qui nous permettent de fournir l’argent rapidement, avec, à notre disposition, les stipulations limitées au socle du plan anticrise. En outre, le Fonds est en train de mettre au point un mécanisme de liquidité permettant de débloquer des fonds sans délai, à l’intention des marchés émergents dont la productivité est forte et la politique et les bases, saines. Cela devrait redonner confiance aux investisseurs. Mais, étant donné l’importance des flux de capitaux, j’en appelle aux États et aux banques centrales des pays développés pour qu’ils apportent des financements, parallèlement aux programmes anticrise du FMI. Je défends également la nécessité de trouver un moyen pour mobiliser les ressources des pays qui possèdent des réserves importantes. Le Fonds aura son rôle à jouer, mais toutes ces participations sont requises, si l’on veut renforcer la crédibilité de la riposte mondiale unifiée à la crise. Il nous faut aussi anticiper – surtout à l’égard des pays africains à petit revenu. Étant donné leur faible participation aux marchés financiers internationaux, ces pays ont été, jusqu’ici, en quelque sorte à l’abri de la tempête. Mais ce calme est un calme angoissant et sans doute précaire. Beaucoup de pays à faible revenu subiront la chute des cours des produits de base. Certains pays, y compris ceux qui étaient en train de devenir une nouvelle frontière parmi les marchés émergents, pourraient se voir refuser l’obtention de capitaux étrangers. Eux aussi auront besoin de l’aide de la communauté internationale. Les prêts alloués par le FMI et les banques internationales pour le développement ainsi que le maintien de l’aide des donateurs aux niveaux actuels seront vitaux si nous voulons éviter de nouvelles tragédies humaines. La dynamique de la peur est potentiellement catastrophique, mais cette dynamique peut être cassée. Quels que soient les désordres du système financier, les immenses avancées, au fil des années, en termes de technologie, de productivité et d’acquis sociaux – les vrais fondements – constituent un authentique legs de la puissance de la mondialisation comme force positive. Il se peut qu’il soit trop tard pour éviter une récession dans les pays développés et un ralentissement dans les pays émergents et pauvres. Mais il n’est pas trop tard pour éviter une dépression mondiale. © Project Syndicate, 2008. Traduit de l’anglais par Michelle Flamand.
Les restrictions sur les prêts interbancaires n’ont pas sitôt enregistré un allégement après le sauvetage des systèmes financiers déployé dans les pays développés, que la baisse des indicateurs économiques a fait chuter les Bourses. Et, comme on exige le remboursement des prêts étrangers et qu’on cède les actifs, les pressions subies par les pays émergents, que...