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Actualités - OPINION

Perspective Ce verbe qui fait peur

Michel Touma La réunion tant attendue entre Saad Hariri et Hassan Nasrallah, dans la nuit de dimanche dernier, a été immédiatement suivie de déclarations émanant de responsables des deux parties affirmant que cette entrevue ne constituait en aucune façon les prémices d’une nouvelle alliance électorale. Et de souligner que les positions de part et d’autre demeuraient inchangées, les prochaines élections législatives devant permettre aux électeurs de trancher et de faire leur choix. Du moins en principe… Tous les analystes et milieux politiques s’accordent à penser que peut-être pour la première fois dans l’histoire contemporaine du pays, le scrutin du printemps 2009 opposera deux projets politiques bien distincts et aux antipodes l’un de l’autre. Le premier, conduit par le Hezbollah, prône, d’une part, comme l’indiquent ouvertement les dirigeants du parti chiite, la mise sur pied d’une société guerrière engagée, en sus du combat contre Israël, dans un conflit ouvert de civilisation avec le monde occidental (sous couvert de lutte contre les États-Unis), et d’autre part un alignement sur l’Iran dans son bras de fer avec ce même monde occidental. Le second projet politique, celui de la large coalition nationale du 14 Mars, a pour leitmotive l’ouverture sur le monde, l’édification d’un État rassembleur, fondé sur l’équilibre politico-communautaire défini à Taëf, respectueux du pluralisme libanais et des libertés publiques et individuelles, accordant la priorité, après quatre décennies de conflits internes, au bien-être de la population, à l’essor socio-économique et au développement équilibré, loin de la politique des axes régionaux qui fait saigner le pays du Cèdre depuis la fin des années 60. Sur le plan du principe, les électeurs sont appelés à départager les deux camps, à faire leur choix entre ces deux grandes options nationales. Sauf que ceux qui ont du mal (beaucoup de mal) à justifier leur positionnement contre nature cherchent à mettre en avant l’arbre qui cache la forêt. Ils tentent, dans une évidente opération de diversion, d’entraîner les électeurs sur le terrain, plus commode pour eux, des querelles de clocher, des petites considérations politiciennes, des slogans démagogiques, des enjeux sans doute importants dans une situation normale, mais dans une large mesure dérisoires lorsque le devenir d’un peuple et l’identité d’un pays sont véritablement en cause. Dans un tel contexte, les journalistes ont un rôle capital à assumer. En leur qualité d’observateurs et d’analystes avertis, ils se doivent d’exposer et d’expliquer de façon perspicace les enjeux réels, de fournir aux lecteurs – et donc aux électeurs – les éclaircissements nécessaires, les éléments d’information adéquats, afin qu’ils puissent faire preuve de discernement dans leur jugement et leur choix. L’on a vu ainsi ces derniers jours les grands quotidiens américains se prononcer sans ambages pour l’un ou l’autre des deux candidats à la présidence américaine en étayant leur position d’une argumentation fondée sur leur perception de la conjoncture aux États-Unis et dans le monde. Le même cas de figure se présente en France à chaque élection présidentielle, notamment pour un journal aussi indépendant que Le Monde. Au Liban, le problème auquel est souvent confronté le citoyen est que lorsqu’un leader ou une faction ne parvient pas à défendre ses options, la parade consiste alors tout simplement à diaboliser, à discréditer, les médias et les organes de presse qui gênent. Le verbe fait souvent peur… Les chantres du populisme primitif s’élèvent ainsi contre ce qu’ils ont qualifié d’« intoxication médiatique » (sic !), dénonçant par la même occasion « l’anarchie de l’opinion et de l’analyse » (re-sic …). Une façon commode d’empêcher leur clientèle politique de s’ouvrir sur l’autre, étouffant dans l’œuf tout éclairage susceptible d’ébranler leur vérité. À défaut de parti unique, la pensée unique fait alors bien l’affaire. La vérité – du reste, par essence, relative – c’est au citoyen de pouvoir se la forger lui-même, librement, à partir de l’information, de l’analyse, mises à sa disposition, entre autres, par les médias. Elle ne saurait lui être parachutée, être façonnée sur mesure. Recherche de la vérité, liberté et citoyenneté sont indissociables. Et elles ne peuvent s’accommoder d’une réflexion figée, télécommandée, monolithique.
Michel Touma

La réunion tant attendue entre Saad Hariri et Hassan Nasrallah, dans la nuit de dimanche dernier, a été immédiatement suivie de déclarations émanant de responsables des deux parties affirmant que cette entrevue ne constituait en aucune façon les prémices d’une nouvelle alliance électorale. Et de souligner que les positions de part et d’autre demeuraient inchangées,...