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Actualités - OPINION

Perspective Un long fleuve tranquille

de Michel Touma C’est un anglophone et un ancien nationaliste arabe, en l’occurrence le Premier ministre Fouad Siniora, qui avait donné le 28 août dernier au Grand Sérail le coup d’envoi officiel des VIes Jeux de la Francophonie qui auront lieu à Beyrouth en septembre 2009. Dans une courte allocution prononcée pour la circonstance, le chef du gouvernement avait alors souligné que « les Libanais, parallèlement à leur culture arabe, sont aussi une partie importante de cette civilisation francophone qui englobe de nombreux aspects au sujet desquels le Liban cherche à jouer un rôle actif ». C’est également l’essence du message que le président Michel Sleiman a tenu à mettre en relief dans son intervention à l’ouverture des travaux du sommet de Québec, soulignant que pour le Liban, la francophonie constitue, « par-delà le partage d’une langue, l’adhésion à des valeurs communes ». Cette implication libanaise, corps et âme, dans la francophonie fournit l’occasion de soulever l’éternel débat, fort à propos dans le contexte présent, sur l’identité et la vocation du pays du Cèdre. Parallèlement à son appartenance intrinsèque au monde arabe, le Liban est engagé, en sus de la dimension francophone, dans un vaste partenariat euro-méditerranéen et dans une ambitieuse opération d’édification de ce que le président Nicolas Sarkozy a dénommé l’Union pour la Méditerranée, une sorte de sous- ensemble, plus ciblé, du processus de Barcelone. Ce positionnement méditerranéen n’est pas nouveau pour les Libanais, à l’instar d’ailleurs de l’ouverture sur le Vieux Continent. Les livres d’histoire nous apprennent qu’il s’agit là d’une constante historique. Arnold Toynbee soulignait, lors d’une conférence à Beyrouth en 1957, que « partout où a rayonné la civilisation occidentale, les commerçants libanais se sont propagés », ajoutant qu’« à presque toutes les époques de l’histoire, le commerce libanais à l’Ouest s’est étendu jusqu’au détroit de Gibraltar et même au-delà, sur les côtes de l’océan Atlantique ». C’est cet amalgame d’arabité, de ferme engagement francophone, et d’ouverture constante et ancestrale sur le monde méditerranéen et occidental qui a forgé, et qui continue de façonner, l’identité et la vocation du Liban. Une identité et une vocation qui cherchent encore, certes, un juste équilibre stable et pérenne, mais dont les contours n’en demeurent pas moins modelés, sous le poids de l’histoire et des traditions socio-culturelles, par le trépied suivant : appartenance au monde arabe ; liens étroits avec le monde méditerranéen et occidental ; et engagement francophone, dont la dimension politique a été confirmée lors du sommet de Beyrouth, en 2002. L’importance de ces trois lignes directrices réside dans le fait qu’elles se traduisent au plan local par des choix et des options fondamentalement politiques, au sens large du terme. Prôner dans un tel contexte un positionnement stratégique et géopolitique en phase avec la République islamique iranienne constitue rien moins qu’une déviation des constantes historiques non seulement chrétiennes libanaises mais surtout nationales. Certes, les relations entre les chiites, plus particulièrement les dignitaires religieux de Jabal Amel, au Liban-Sud, et l’Iran, notamment la ville sainte de Qom, sont ancrées dans l’histoire contemporaine. Il en a même résulté des liens familiaux, comme l’atteste la présence de clans familiaux communs au Liban et en Iran (les familles Sadr, Moussaoui, Jaafar…). Mais il ne s’agissait là que de liens par essence religieux, Qom (à l’instar de Najaf, en Irak) étant aux chiites ce que le Vatican est aux catholiques. Ces relations religieuses n’ont jamais revêtu un aspect politique à caractère stratégique, elles ne se sont jamais traduites par un alignement sur un axe régional conduit par Téhéran… Jusqu’à l’émergence du Hezbollah, au milieu des années 80, ce parti n’étant d’ailleurs qu’une émanation directe des gardiens de la révolution islamique iranienne, un paramètre nouveau d’ailleurs contesté par nombre de cercles chiites libanistes. Si un alignement politique d’une faction chiite libanaise sur l’Iran pourrait à la rigueur être justifié par les liens religieux, cela ne saurait être le cas pour d’autres communautés, plus particulièrement pour une faction chrétienne. Surtout lorsque Téhéran est ouvertement engagé dans un bras de fer géopolitique, voire dans un conflit civilisationnel, avec, précisément, l’ensemble des trois composantes qui forgent l’identité et la vocation du pays du Cèdre. L’histoire est souvent, dans une situation normale et stable, un long fleuve tranquille. Dans un pays comme le Liban à la recherche de son équilibre interne, elle ne saurait être forcée et déviée de sa trajectoire à coups de missiles, d’argent divin, de populisme primaire. Ou de gesticulation médiatique ¦
de Michel Touma

C’est un anglophone et un ancien nationaliste arabe, en l’occurrence le Premier ministre Fouad Siniora, qui avait donné le 28 août dernier au Grand Sérail le coup d’envoi officiel des VIes Jeux de la Francophonie qui auront lieu à Beyrouth en septembre 2009. Dans une courte allocution prononcée pour la circonstance, le chef du gouvernement avait alors souligné que...