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Actualités - OPINION

Perspective Diplomacy

Lorsqu’un peuple atteint un point d’inflexion dans sa lente évolution sociopolitique, il devient impératif de savoir alors distinguer entre l’essentiel et le secondaire, entre la dimension historique et le conjoncturel. Les développements de ces derniers jours ont été ainsi marqués, au plan chrétien, par les visites concomitantes effectuées par Samir Geagea au Caire et Michel Aoun à Téhéran. Un double symbole qui incite sans doute nombre d’observateurs à schématiser, au premier degré, la situation en relevant « l’option sunnite » du leader des Forces libanaises, en opposition à « l’option chiite » du chef du CPL. Mais ce serait un peu trop simplifier les choses et se laisser entraîner rapidement dans une perception un tantinet réductrice de l’événement. Le volet en apparence confessionnel n’est ici que l’arbre qui cache la forêt. Ces deux visites peuvent être inscrites, certes, dans le sillage d’une vieille tradition d’ouverture sur le monde qui a constamment jalonné la tumultueuse histoire du leadership maronite au fil des siècles. Mais leur importance réside plutôt dans la portée politique qu’elles sous-tendent, et surtout qu’elles impliquent au plan national, en particulier dans le contexte bien précis de la révolution du Cèdre. La concertation avec les dirigeants égyptiens peut facilement être perçue comme un complément nécessaire, un accompagnement, aux acquis – qui, visiblement, demeurent menacés – de l’intifada de l’indépendance. Le Caire a joué un rôle indéniable dans l’orchestration internationale qui a conduit à la fin de l’occupation syrienne. En ce sens, la convergence objective avec le projet du 14 Mars ne saurait être mise en doute. Ce paramètre géostratégique ne peut, par voie de conséquence, que bétonner la laborieuse entreprise d’édification d’un État rassembleur, véritablement souverain et politiquement indépendant, accordant la priorité absolue à la « reconstruction de la maison libanaise », à l’essor économique, au bien-être d’une population exsangue, plutôt que d’enliser le pays dans les dédales de luttes d’influence régionales dont il n’a cure. L’épisode de Téhéran a, par contre, une tout autre incidence. Les propos tenus par le chef du CPL devant ses hôtes iraniens sont à cet égard particulièrement significatifs et lourds de conséquences. Au terme de son entretien avec Manouchehr Mottaki, il a ainsi plaidé pour une « nouvelle stratégie levantine » (?), déplorant en outre que « le projet qui a mis en échec la conception occidentale du Moyen-Orient » (?) soit confronté au Liban au défi majeur de « l’argent politique », dans une allusion à peine voilée aux « pétrodollars » qu’il a ouvertement fustigés la veille de son départ pour Téhéran, lors du meeting de commémoration du 13 octobre 1990. De tels propos ne peuvent que susciter d’inquiétantes interrogations dans la mesure où ils ont pour retombées indéniables d’entraîner les Libanais dans leur ensemble, et la collectivité chrétienne plus particulièrement, dans des aventures douteuses dont le seul chef d’orchestre, et le seul bénéficiaire, est le nouvel empire perse qui se vante d’engager un implacable bras de fer avec la communauté internationale et le monde arabe, deux appuis essentiels pour le pays du Cèdre. Lorsque l’on joue au Diplomacy, ce remarquable jeu de société fondé exclusivement sur la réflexion et la stratégie, le règlement prévoit que l’on peut subitement, à tout instant, changer de fusil d’épaule, passer de l’autre côté de la barricade, conclure et défaire des alliances sans aucun état d’âme, sans s’encombrer outre mesure de la voie géostratégique que l’on s’est préalablement tracée avec certains partenaires. Mais il ne s’agit là que d’un jeu. Transposer ces règles dans la réalité politique d’un pays en pleine mutation, menacé dans ses équilibres par une profonde crise existentielle, dans le seul but d’être « calife à la place du calife », reviendrait à… jouer, mais dans ce cas avec le devenir d’un peuple. En faisant preuve d’une stupéfiante irresponsabilité nationale. Michel Touma
Lorsqu’un peuple atteint un point d’inflexion dans sa lente évolution sociopolitique, il devient impératif de savoir alors distinguer entre l’essentiel et le secondaire, entre la dimension historique et le conjoncturel. Les développements de ces derniers jours ont été ainsi marqués, au plan chrétien, par les visites concomitantes effectuées par Samir Geagea au Caire et Michel Aoun...