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Actualités - OPINION

Pétrodollars, persodollars

Chassez le naturel, c’est-à-dire notre sensibilité proverbiale à l’appel du large, et il revient au galop. Au triple galop même, si l’on en juge par cette véritable boulimie de tourisme politique observée en ce moment dans les rangs des personnalités maronites (forcément rivales) longtemps retenues sur place, il est vrai, par les contraintes d’une turbulente actualité. C’est un Michel Sleiman fermement décidé à redorer l’image internationale du Liban (et de la présidence du Liban) qui vient de clôturer ainsi un séjour officiel en Arabie saoudite, et qui s’apprête à visiter la Cité du Vatican. Le chef de l’État n’a pas manqué d’exprimer sa gratitude au royaume wahhabite, où vivent, travaillent – et souvent prospèrent – de nombreux ressortissants libanais, et qui n’a pas ménagé son soutien politique et financier à notre pays. Soucieux d’équilibre, le président Sleiman s’est dit disposé, par ailleurs, à entreprendre toute initiative susceptible de contribuer à un rapprochement entre Arabes, c’est-à-dire entre Saoudiens et Syriens essentiellement : un vœu pieux qui, à première vue, prête plutôt à sourire. Par quel prodige en effet le Liban, même pas encore convalescent, serait-il donc en mesure de jouer les médiateurs alors qu’il est lui-même l’infortunée scène où s’affrontent, parmi bien d’autres, ces deux volontés arabes contradictoires ? Mais peut-être les électrons fous du terrorisme, actuellement lâchés dans la nature et dûment évoqués par Sleiman à Riyad, peuvent-ils s’avérer plus convaincants en définitive que les plus éloquents des messagers de fraternité et de concorde. Les révélations des membres de la cellule de Fateh el-Islam démantelée la semaine dernière à Tripoli montrent quel degré d’infernale audace avaient atteint les attentats aux explosifs projetés au Liban par la bande. Et on vient tout juste de redécouvrir avec quelle violente détermination les terroristes peuvent échapper au contrôle de leurs anciens manipulateurs et alliés de rencontre. Il y a des années déjà que l’Arabie saoudite a été mordue par le serpent qu’elle avait nourri en son sein, à savoir el-Qaëda et d’autres groupes fastueusement financés sinon par le Trésor royal, du moins par les associations caritatives saoudites. Durement frappé à son tour par le terrorisme, l’apprenti-sorcier syrien en est à solliciter l’étroite coopération du Liban pour faire face au péril commun : coopération déjà mise en chantier au demeurant, et qui ne pourrait que prendre de l’ampleur si le président Assad, qui a lancé formellement hier le processus d’un échange d’ambassades, tenait sa promesse de normaliser véritablement les relations syro-libanaises ; coopération dont le succès, toutefois, dépend aussi d’un arrêt effectif du flot de pétrodollars coulant toujours, selon les enquêteurs, des robinets du Golfe. Les pétrodollars, Michel Aoun – et c’est sans doute son droit - en a dénoncé à maintes reprises, ces derniers jours, le néfaste usage. Il l’a fait cependant au moment où Sleiman entamait sa visite en Arabie. Voilà qui n’était pas particulièrement courtois envers le général qui l’a coiffé au poteau présidentiel et qui lui a valu d’ailleurs une cinglante répartie. Mais surtout, c’est à partir de Téhéran que le chef du Courant patriotique libre a fulminé contre cette arme redoutable qu’est, a-t-il dit, l’argent politique, louant en prime le rôle unificateur des Iraniens au Liban. Téhéran oui, où Aoun a eu pratiquement droit à un accueil de chef d’État ; Téhéran encore, qui déverse notoirement des flots de dollars sur ses protégés libanais (et sur les protégés de ses protégés ?) ; Téhéran toujours, qui ne conçoit d’autre unité libanaise qu’autour des idéaux – et de l’armement sacro-saint – du Hezbollah ; Téhéran enfin, qui est loin de bénéficier d’un passé vierge en matière de terrorisme... Ce n’est sans doute pas par pur hasard que s’est produit ce chassé-croisé mettant en jeu les capitales saoudite et iranienne. Et ce n’est sans doute pas par hasard que le chef des Forces libanaises Samir Geagea développait ses propres thèses hier même au Caire, devant un président Moubarak affable et attentif. Au fait, à quand un chef maronite libre de son temps, pour une vadrouille politique du côté d’Ankara ? Issa Goraieb
Chassez le naturel, c’est-à-dire notre sensibilité proverbiale à l’appel du large, et il revient au galop. Au triple galop même, si l’on en juge par cette véritable boulimie de tourisme politique observée en ce moment dans les rangs des personnalités maronites (forcément rivales) longtemps retenues sur place, il est vrai, par les contraintes d’une turbulente...