Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Le point Match nul

de Christian Merville À l’heure H, John McCain n’a pas suivi les recommandations de sa colistière. « Enlevez les gants, lui avait conseillé la terreur des caribous de l’Alaska. Battez-vous à mains nues. » Seulement voilà : un match à deux retransmis par toutes les chaînes de télévision du pays, à une heure de pointe, cela n’a rien à voir avec un soliloque musclé débité à Jacksonville (Floride) devant quelques dizaines d’excités en t-shirts rouges. Résultat : 90 minutes d’un duel à fleuret moucheté, devant 80 dignitaires locaux qui se prenaient par moments pour les jurés de « Douze hommes en colère ». Ah si, il y eut un instant, un court instant où le candidat républicain à la présidence a laissé tomber son (faux) masque de sénateur romain pour se lancer dans une de ces tirades dont il est coutumier : « Nous avions devant nous ce texte de loi prévoyant des milliards aux compagnies pétrolières sans compter d’innombrables avantages. Vous savez qui a voté en faveur du projet ? (index accusateur pointé en direction de son adversaire). Celui-là. » Et au diable la courtoisie ! Son adversaire a eu beau jeu de rappeler que « le problème se pose, sans que les politiciens tentent de le régler, depuis 30 ans et mon estimé collègue, élu au Sénat il y a vingt-six ans, a voté à vingt-trois reprises contre toute formule d’énergie alternative ». Au fait, Barack Obama n’avait nul besoin de forcer la mesure, lui qui mène largement aux points à vingt-six jours du 4 novembre. Il lui suffisait de tenir jusqu’au prochain et ultime round, en se contentant de planter de temps à autre une banderille. La mission est en bonne voie d’être accomplie, à moins d’un improbable scandale qui viendrait s’abattre sur la tête du Parti démocrate. Au lendemain de ce mardi 7 octobre, tous les sondages accordent une confortable avance (+4 points par rapport au dernier gallup) au représentant de l’Illinois. Pourquoi ? Parce que, et plus que jamais cette année, « it’s the economy, stupid », suivant la savoureuse observation placée en 1992 dans la bouche de Bill Clinton par son stratège en chef, James Carville. Sur ce terrain, le Grand Old Party est loin d’avoir l’avantage, au bout de huit années de gestion calamiteuse, couronnées par des échecs militaires (Irak, Afghanistan) et une Berezina financière dont on ne connaît pas encore tous les effets sur le monde. Reconnaître, à sa décharge, que le sénateur de l’Arizona n’a pas le vent en poupe justifie en partie mais n’explique pas tout à fait son manque de punch de l’autre soir, ni surtout l’absence d’idées, exception faite pour sa proposition de rachat des mauvaises créances immobilières, une proposition que nombre de républicains ont dû trouver saumâtre puisqu’elle reviendrait à créer de nouvelles ponctions fiscales. Et que dire de cette image d’unificateur que l’ex-prisonnier du Vietcong a essayé de donner de lui, critiquant George W. Bush et Dick Cheney, citant à l’occasion des hommes de l’autre camp, en particulier Ted Kennedy et Russ Feingold ou même Joseph Lieberman, candidat démocrate à la vice-présidence de 2000, aujourd’hui « indépendant » mais soutenant McCain ? Un journaliste n’a pas manqué d’observer malicieusement qu’il s’est même abstenu d’évoquer le nom de Sarah Palin, sans doute pour ne pas effaroucher les partisans sensés qui lui restent. Tous ces efforts pour se démarquer de sa formation politique demeureront sans effet puisque l’Américain moyen vote pour un parti presque autant, sinon plus, que pour un homme. Hier, la déception était grande au niveau de la rue tant il est vrai que rarement un tel nombre de lieux communs auront été formulés à un moment particulièrement crucial pour les États-Unis autant que pour le reste du monde. Qu’il s’agisse du nucléaire iranien ou de la démocratie au Pakistan, de l’Afghanistan ou de la Géorgie et de l’Ukraine, les positions sont proches si l’habillage est différent, avec même une pointe d’humour (oh certes, involontaire, du moins voudrait-on le croire), comme cette condamnation des « pulsions nationalistes (de la Russie) que je trouve dangereuses… ». Ou encore cette observation de McCain, frappée au coin du bon sens : « Nous devons aider le gouvernement pakistanais à aller au Waziristan et à obtenir le soutien de la population. » On voit d’ici les talibans secoués par une douce hilarité. La grande cité de Nashville – par ailleurs berceau de la country music – où s’est tenu le débat, sur la scène rouge de la Belmont University, est surnommée, nous dit-on, l’Athènes du Sud en raison du nombre d’établissements scolaires et universitaires qu’elle abrite. Y attendait-on, ce soir-là, quelque Platon ? On eut droit à deux piètres discoureurs en mal d’inspiration, dont les gourous devaient avoir l’œil rivé sur les flèches rouges de Wall Street.
de Christian Merville

À l’heure H, John McCain n’a pas suivi les recommandations de sa colistière. « Enlevez les gants, lui avait conseillé la terreur des caribous de l’Alaska. Battez-vous à mains nues. » Seulement voilà : un match à deux retransmis par toutes les chaînes de télévision du pays, à une heure de pointe, cela n’a rien à voir avec un soliloque...