Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Table ronde Du conte et autres nouvelles à l’institut Cervantès

Zéna ZALZAL Rencontre d’écrivains à l’institut Cervantès autour de l’avenir du conte. Invités par l’institut Cervantès à débattre des règles du récit court, de ses perspectives et de ses limites, Mercedes Abad et Ignacio Martínez de Pisón, deux auteurs contemporains espagnols, ont développé, avec Alexandre Najjar, des points de vue aussi intéressants que contrastés sur l’art du bref. Née à Barcelone en 1961, Mercedes Abad est bien connue du grand public, autant pour ses romans qui abordent les relations humaines au sein de la famille et du couple que pour ses scénarios pour la radio et ses textes adaptés au théâtre. Sa dernière œuvre, Amigos y Fantasmas (2004), un recueil de courts récits, a obtenu le prix Mario Vargas Llosa. Cette auteure, qui clame son admiration pour « l’écriture brève et percutante », a longtemps cherché, dit-elle, auprès des plus grands maîtres du récit court, d’Edgar Allan Poe à Tchekhov et Hemingway, les recettes pour écrire un conte parfait. Dénonciation des idées reçues De ses recherches frénétiques, elle a abouti à la conclusion qu’ « il n’y a pas de méthodes et de vérités absolues en littérature ». D’où sa dénonciation en règle des idées reçues sur le conte. Parmi les préjugés majeurs sur ce genre littéraire, Mercedes Abad a recensé l’idée totalement erronée que le conte est une nouvelle qui n’a pas mûrie, qu’il ne s’adresse qu’aux enfants, qu’il ne doit raconter qu’une seule histoire sans admettre de digressions, qu’il ne doit pas dépasser la demi-heure de lecture, ou encore qu’il doit avoir une structure fermée avec une surprise finale qui laisse le lecteur bouche bée. Tous cela est faux et un bon conte n’obéit, selon l’auteure espagnole, a aucune de ces règles. « Il doit tout simplement être révélateur, en ce sens qu’il doit éclairer une vérité intime (…) Dans un bon conte, qu’il soit fantastique ou réaliste, il y a des idées, des intuitions, des sensations véritables qui surgissent du magma confus de l’existence. » Le court, un art difficile Auteur de romans, de contes et de nouvelles, Ignacio Martínez de Pisón est aussi un scénariste récompensé l’an dernier du prix Goya de la meilleure adaptation théâtrale. Certains de ses romans, traduits en plusieurs langues, dont le français, ont été adaptés au cinéma, notamment Chemins de traverse, porté à l’écran en 2003 par le cinéaste français Manuel Poirier. Pour cet écrivain qui a écrit, simultanément durant des années, aussi bien des romans que des courts récits, l’écriture de contes et nouvelles peut être très contraignante et difficile pour quelqu’un comme lui qui aime développer ses personnages, « comme s’ils avaient existé, comme s’ils existent vraiment ». D’ailleurs, ils existent vraiment puisque cet auteur avoue « toujours parler de moi-même sans parler de moi-même » dans ses écrits. Le conte comme un 100 mètres Pour Alexandre Najjar, qu’il est inutile de présenter – mais dont il faut rappeler qu’il a à son actif, outre ses nombreux romans, deux recueils de nouvelles (La guerre du survivant et Comme un aigle en dérive) – « il n’y a effectivement, comme l’a très justement affirmé Mercedes Abad, pas de recettes pour l’écriture de courts récits ». Sauf peut-être que « la nouvelle étant au roman ce qu’est le 100 mètres au marathon, toute l’énergie de l’auteur doit être concentrée dans son histoire. L’écriture doit être dynamique, nerveuse et, à l’arrivée, il faut savoir surprendre le lecteur sans le laisser sur sa faim. » S’il a toujours aimé la forme courte, Najjar avoue cependant que le choix d’écrire une nouvelle plutôt qu’un roman n’est chez lui jamais prémédité. « Il est des idées qui exigent de longs développements et le cadre vaste du roman, et d’autres qui passent mieux sous une forme brève. » Rappelant la longue tradition du conte aussi bien en Occident – « où il est apparu à la fin du Moyen Âge, s’est développé à partir du XVIe siècle et a connu son essor au XIXe avec des auteurs spécialistes comme Mérimé et Maupassant » – qu’en Orient – « où, depuis Kalila wa Doumna et Les Mille et Une Nuits, en passant par Gibran qui a adopté la forme des contes et des fables pour transmettre ses idées et ses leçons de vie, le conte s’est perpétré jusqu’au début du XXe siècle avec des auteurs égyptiens et libanais, comme Mahmoud Taymour, Toufic Youssef Awad, Maroun Abboud, Mikhaïel Naïmeh, etc. » –, Alexandre Najjar s’est étonné que « la forme courte ne soit pas beaucoup plus prisée, en cette époque où l’on lit moins, faute de temps. Et l’on comprend mal que de nos jours le roman éclipse tellement ce genre alors que tout devrait porter le lecteur à se tourner vers le récit court. Est-ce un problème d’éditeurs, d’auteurs ou de lecteurs ? », s’est interrogé Alexandre Najjar, avouant que c’est là « un mystère » qui, pour lui, « reste entier ».
Zéna ZALZAL

Rencontre d’écrivains à l’institut Cervantès autour de l’avenir du conte.
Invités par l’institut Cervantès à débattre des règles du récit court, de ses perspectives et de ses limites, Mercedes Abad et Ignacio Martínez de Pisón, deux auteurs contemporains espagnols, ont développé, avec Alexandre Najjar, des points de vue aussi intéressants que...