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Actualités - REPORTAGE

Oncologie Vaincre le cancer : scientifiques et patients, même combat

STOCKHOLM Nada MERHI Malgré tous les progrès effectués au niveau de la compréhension de la biologie des tumeurs, le cancer continue à faucher des centaines de milliers de vies chaque année. L’avenir de la recherche et du traitement dans ce domaine et la lutte des patients contre leur maladie ont été à l’ordre du jour d’une conférence organisée par les laboratoires Hoffmann-La Roche à l’intention de la presse, en marge des travaux du 33e congrès de la Société européenne de médecine oncologique (ESMO), tenue récemment à Stockholm. Dans les années 1970, le président Richard Nixon avait déclaré la guerre au cancer, se fixant un délai de trois décennies pour vaincre la maladie. Près de quarante ans plus tard, le constat demeure mitigé. De grands progrès sont constatés, principalement au niveau de la recherche. Les déceptions restent elles aussi grandes. « Il suffit de penser aux chiffres impressionnants de personnes qui continuent à mourir d’une certaine forme de cancer et au tabou qui entoure encore la maladie, notamment dans les pays émergents, ce qui empêche une vraie prise de conscience et une mobilisation, pour se sentir frustré », déplore le Dr Mondher Mahjoubi, oncologue, dans une interview accordée à L’Orient-le Jour, en marge du congrès de l’ESMO. « Il existe donc une urgence pour se mobiliser, poursuit-il. Dans certains pays européens et aux États-Unis, on constate une grande mobilisation tant de la part des patients que de la part des pouvoirs politiques et de la communauté médicale pour venir à bout de cette maladie. De son côté, l’industrie pharmaceutique a joué un grand rôle pour investir dans la recherche, ce qui a permis de faire avancer les choses, notamment pour comprendre la biologie du cancer. » Dans les années 1980 et 1990, en fait, les chercheurs ont réussi à comprendre le mode de développement et d’évolution du cancer. « La biologie moléculaire nous a permis de comprendre le processus suivant lequel le cancer se développe, mais surtout d’identifier les éléments déterminants dans l’évolution de ce processus, souligne le Dr Mahjoubi. Ce qui s’est traduit par la mise au point de certaines cibles thérapeutiques potentielles, comme pour le cancer du sein à titre d’exemple. L’identification des récepteurs de croissance de facteur tumoral Her-2 a en effet permis de développer un médicament contre ces récepteurs. De même, la démonstration scientifique qui stipule que pour se développer, grossir et envahir d’autres tissus, une tumeur a besoin de créer un réseau de petits vaisseaux, ce qu’on appelle angiogénèse, a été déterminant pour travailler sur des traitements ciblés contre ce processus. » Et le Dr Mahjoubi de poursuivre : « Les progrès permettant la compréhension de la biologie du cancer sont donc immenses et se sont traduits à ce jour par la mise au point de nouveaux traitements, notamment pour les tumeurs localisées. Des progrès ont été également réalisés dans la prise en charge du cancer du côlon, du sein et même du poumon. Dans ce dernier cas, le taux de survie à trois et à cinq ans est nettement amélioré, principalement si on a recours à une chimiothérapie adjuvante. On ne peut pas donc occulter les progrès réalisés à ce jour. Par contre, il reste des patients qui ne bénéficient pas de ces traitements et qui, malgré ces thérapeutiques, rechutent ou développent des métastases à distance. Un long chemin reste encore à faire. » Vers une régulation de la maladie ? Actuellement, les recherches sont concentrées sur l’identification des biomarqueurs, c’est-à-dire des marqueurs tumoraux qui permettent de sélectionner le traitement en fonction du profil des malades. « C’est l’avenir de la prise en charge des patients souffrant de cancer, insiste le Dr Mahjoubi. Pendant des années, on a traité les cancers de façon systématique et aveugle, considérant que toutes les cellules cancéreuses et éventuellement tous les cancers se ressemblaient. Or on s’est rendu compte que les cancers, même d’un même organe, sont différents d’un malade à un autre et qu’au sein d’une même tumeur on a des cellules cancéreuses qui sont différentes. Il faut donc personnaliser le traitement à la biologie du cancer. Et c’est vers des traitements ciblés et individualisés qu’on se dirige. Ce qui permettra d’augmenter la probabilité du succès, mais aussi de réduire les effets néfastes des traitements. » Est-il vrai que le manque de coordination entre les laboratoires de recherche et la cupidité des industries pharmaceutiques retarde la mise sur le marché « du traitement » contre le cancer ? « Autant je suis un fervent défenseur de la collaboration entre le privé et le public, entre les chercheurs académiques et les chercheurs dans l’industrie pharmaceutique, autant je déplore ce type de commentaires, répond le Dr Mahjoubi. Il ne faut pas être paranoïaque. Il y a une réalité. C’est que le cancer est une maladie très compliquée. D’ailleurs, il ne s’agit pas d’un cancer, mais de milliers de cancers. Il y a encore beaucoup de travail à faire avant de pouvoir éradiquer la maladie. Ce qui est sûr, c’est que la recherche avance rapidement, mais pas assez au goût du malade. Elle prend du temps parce qu’elle demande à être validée d’abord et surtout parce qu’on a un processus de développement qui est très lent. En effet, il faut compter en moyenne une dizaine d’années pour arriver à développer un médicament, à le commercialiser et à pouvoir le développer dans d’autres indications. » Arrivera-t-il un jour où le cancer sera régulé comme les maladies chroniques ? « Pendant de longues années, la recherche a avancé à très petits pas et, au cours de la moitié des années 1990, elle s’est vraiment accélérée, constate le Dr Mahjoubi. Et probablement dans les dix à vingt prochaines années, le cancer deviendra une maladie, certes sérieuse, mais qui sera traitée comme on traite une maladie chronique aussi sévère que le diabète. Mais il faudrait réussir non seulement à bien connaître la maladie et à bien développer les thérapeutiques, mais surtout à la prévenir, notamment dans les pays émergents, où aucun effort n’est déployé en ce sens. La prévention, l’éducation et la sensibilisation sont essentielles pour vaincre le cancer. En effet, tous les cancérologues le répètent : un diagnostic précoce de la maladie permet de sauver les vies. D’où la nécessité des campagnes de sensibilisation et des programmes de prévention qui permettent de réduire le risque et de découvrir la maladie à un stade où elle est encore gérable. »
STOCKHOLM
Nada MERHI

Malgré tous les progrès effectués au niveau de la compréhension de la biologie des tumeurs, le cancer continue à faucher des centaines de milliers de vies chaque année. L’avenir de la recherche et du traitement dans ce domaine et la lutte des patients contre leur maladie ont été à l’ordre du jour d’une conférence organisée par les laboratoires...