Rechercher
Rechercher

Actualités - RENCONTRE

Rencontre Bernard Lavilliers, singulier et pluriel Colette KHALAF

Bernard Lavilliers n’en est pas à sa première escale beyrouthine. Venu au Liban en 1982, puis une seconde fois en 2006 (un séjour presque amputé), le chanteur était attendu en mai 2008, mais le voyage a été remis pour cause de fermeture de l’aéroport. Aujourd’hui, Bernard Lavilliers est parmi ces visages, ces arômes et senteurs qu’il aime pour chanter au Music Hall (Starco), un certain « samedi soir à Beyrouth ». « Je suis un fan du Liban, a-t-il dit à son arrivée. Je reviens d’ailleurs pour remercier les Libanais de leur accueil chaleureux. » Nous savons très bien que ce ne sont pas des aveux vains. L’homme à l’allure féline et à la boucle d’oreille a des mots percutants et sincères qu’il réserve aux personnes qu’il aime et aux causes qu’il défend. Toujours dans ses malles, Bernard Lavilliers ne semble pourtant pas un homme pressé. Il aime prendre son temps et s’attache aux pays qu’il a visités. Et il en a visité ! Du Brésil à la Jamaïque et de l’Afrique au Vietnam, ou encore à New York, il ramène avec lui des parfums suaves et des harmonies sonores. L’homme est multiple. Comme s’il avait vécu plusieurs vies et mené différents combats. La vie, il en a fait son grand ring, où il cogne désormais avec des uppercuts musicaux. De l’usine, où il s’échinait tout jeune, à la chanson, en passant par la boxe et d’autres travaux (camionneur ou videur), Bernard Lavilliers s’est frotté à tous les milieux. Depuis, il n’a de cesse de chanter le racisme, les horreurs, les états d’urgence et l’ignorance, et fustiger les puissants, railler les mauvais ou prendre le parti des faibles. « Surtout les enfants et les civils qui sont pris en otages d’une guerre qu’ils n’ont pas voulue », précise-t-il. Toujours en mouvance Toujours au centre de l’action – « je ne veux pas être morbide, mais il se fait par hasard que je suis souvent dans des lieux chauds » –, le musicien relie les images éparses ramenées de différents pays pour en faire un puzzle humain. C’est cette curiosité de l’autre, cette « gourmandise » de l’inconnu qui l’inciteront un jour à vouloir connaître le Liban. « J’avais déjà fait la connaissance de Libanais alors que j’étais au Brésil et je n’hésitais donc pas à accepter l’invitation d’un ami résidant au Liban », souligne-t-il. C’est ainsi que l’homme de Rio débarque en 1982 dans ce Beyrouth qu’il compare aussitôt à une femme. « Pour moi, il y a des ports masculins et d’autres féminins, dit-il en sirotant sa bière, et Beyrouth est tellement féminine. Sensuelle et belle, elle est à la fois souffrance et joie ; elle porte en elle une dynamique de vie qui dissimule le visage de la mort. » S’il doit donner une couleur à la capitale libanaise ? Il n’hésite pas et répond immédiatement : « Beyrouth est de couleur ocre, virant de la luminosité du soleil à l’ardeur du feu. » Pour l’artiste, elle est aussi mystérieuse que cette femme voilée et dévoilée qu’il décrira quelques années plus tard dans son album. Car rien ne se perd chez Bernard Lavilliers. Toutes ces images, ces odeurs emmagasinées lors de ses voyages sont enfouies pour rejaillir un jour en chansons. Et si les escales sont nombreuses pour cet infatigable troubadour, la destination est toujours unique. Elle porte le nom de musique. Entre reggae et soul Avec son allure insoumise et sa gueule de « cogneur », Lavilliers a trimbalé cette musique qu’il aime vers des rivages nouveaux, injectant le rock ou le sang latin à la poésie de Léo Ferrer. Comme un éternel voyage, cette musique se baladera entre le reggae et l’électro, la soul ainsi que la salsa et la bossa-nova, pour affleurer les sables chauds d’Afrique. Douze ans d’allers-retours au-dessus de l’Atlantique pour revenir avec des tubes comme Stand the Ghetto, Les barbares, Juke box... Infatigable, Lavilliers explore et défriche des territoires encore vierges. Dans un corps-à-corps qu’il soutient avec des publics différents et une scène nomade, Bahia, Kingston ou New York deviennent des destinations familières. Plus tard, le chanteur en perpétuelle partance, voire mouvance décide d’explorer l’Afrique. Il met alors le cap sur de nouveaux effluves et des harmonies réinventées et chante Voleur de feu et Noir et blanc. Mais le chanteur est constamment ramené vers la mer des Caraïbes où il jette l’ancre à nouveau et ramène des embruns latins. Ce sera encore une fois Kingston, où il revient avec son treizième album, Clair obscur, semblable à un carnet de bord, où il inscrit des découvertes inédites, suivi par Arrêt sur images, transpercé par un rai de lumière, baptisé Les mains d’or. Ce qui lui vaut le Grand Prix de la chanson française en 2002. Si avec le temps Bernard Lavilliers n’a pas perdu de sa rage et de sa colère – « je ne peux m’apaiser », dit-il –, ses harmonies se sont quand même adoucies comme si le chanteur-reporter a laissé place au poète-conteur. En 2006 s’inscrit une nouvelle destination sur son carnet de bord. Ce sera Beyrouth, port longtemps rêvé et imaginé. « Je me souvenais des promenades sur la corniche, des bouquinistes et surtout d’un peuple chaleureux », avoue-t-il. « Mes départs n’ont jamais été une évasion, poursuit-il, mais une manière de retrouver les hommes. » Dans sa chambre d’hôtel, Bernard Lavilliers écrit et infuse ses mélodies d’harmonies orientales. Ce samedi soir à Beyrouth, passé dans la joie et les délices, suivi le lendemain par des turbulences politiques, réinventait les images, qu’il emportera avec lui en France. Par la suite, les mots et la musique prirent forme. Ce sera des titres teintés de cette « saudade » (présence de l’absence) que seul le peuple brésilien peut exprimer et que nous, Orientaux, pourrons appeler Hanine. La langue des poètes n’est-elle pas universelle ?
Bernard Lavilliers n’en est pas à sa première escale beyrouthine. Venu au Liban en 1982, puis une seconde fois en 2006 (un séjour presque amputé), le chanteur était attendu en mai 2008, mais le voyage a été remis pour cause de fermeture de l’aéroport.
Aujourd’hui, Bernard Lavilliers est parmi ces visages, ces arômes et senteurs qu’il aime pour chanter au Music Hall...