Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Perspective En filigrane

Michel Touma Il est bon et surtout utile, parfois, de rappeler certaines lapalissades… Dans les pays bénéficiant d’une stabilité pérenne, l’alignement politique et électoral des citoyens peut se confondre sans encombre avec des luttes de clans ou des combats de coqs. Dans une situation en tout point normale, les programmes politiques des uns et des autres ne remettent en cause en aucune façon les valeurs fondamentales sur lesquelles repose le contrat social. Les sympathies et considérations personnelles peuvent dicter, de ce fait, les comportements politiques des sujets sans que cela ne porte vraiment à conséquence. Par contre, dans les pays ébranlés par une crise existentielle profonde, les empathies ou les allergies personnelles ne sauraient avoir leur place dans tout comportement politique. Lorsque le devenir d’une nation, de tout un peuple, est véritablement en jeu, lorsque l’enjeu d’un conflit interne porte sur rien moins qu’un choix de société, le discernement s’impose alors impérativement, les préjugés et les jugements figés dans le passé doivent être mis de côté. À situation exceptionnelle, attitude exceptionnelle … Tel est en filigrane l’essentiel du message qui pourrait être déduit du discours prononcé par Samir Geagea dimanche dernier à Jounieh. Bien au-delà du courageux et inhabituel mea culpa portant sur les sombres années de guerre, le leader des Forces libanaises a replacé le débat dans son véritable contexte. Un contexte par essence national et existentiel… Interpellant l’inconscient collectif, et la conscience, des chrétiens, et comme pour bien rappeler que le bras de fer actuel dans le pays ne devrait en aucun cas revêtir un caractère simplement partisan, et personnel, Samir Geagea s’est clairement positionné dans le cadre largement rassembleur – et fondateur – de la révolution du Cèdre. Particulièrement significative était à cet égard la présence cette année, à cette traditionnelle messe des FL, des portraits géants des martyrs de l’intifada de l’indépendance, entourant ceux de Bachir Gemayel et René Moawad et la longue liste des martyrs de la résistance libanaise. Et pour parachever ce positionnement, Samir Geagea a tenu aussi à souligner dans son discours que la lutte menée aujourd’hui par la coalition du 14 Mars s’inscrit dans le prolongement direct de l’action initiée, il y a quelques décennies, par Camille Chamoun, Pierre Gemayel, Raymond Eddé, l’historien Jawad Boulos et Charles Malek. Et il aurait pu ajouter Michel Chiha. Dans le camp du 8 Mars, il est malheureux que le général Michel Aoun ait réagi au mea culpa de Samir Geagea en essayant de ramener le débat à une dimension strictement personnelle et partisane, et en déterrant, pour ce faire, le souvenir des assassinats de Tony Frangié, Rachid Karamé et Dany Chamoun. Ce comportement réducteur est d’autant plus déplacé que nul n’ignore que Samir Geagea n’a pas participé à la tuerie d’Ehden. À l’époque des faits, il n’était pas décideur, et de surcroît, il avait été blessé (et emmené à l’hôpital) avant d’avoir pu atteindre la localité. Quant aux assassinats de Rachid Karamé et Dany Chamoun, il est pour le moins surprenant que le général Aoun tente aujourd’hui de les attribuer à Samir Geagea alors que dans une interview qu’il nous avait accordée en juillet 1994, en nous recevant à son lieu de résidence provisoire de la Haute-Maison, non loin de Paris, il avait lui-même dénoncé sans ambages la politisation des poursuites engagées contre les FL. Il avait même été jusqu’à affirmer à ce propos que « la justice (à l’époque de la tutelle syrienne) est devenue un instrument de liquidation politique » et que « les juges d’instruction à Beyrouth (à cette même époque de l’occupation syrienne) sont devenus un instrument entre les mains des renseignements » (L’Orient-Le Jour du 11 juillet 1994). Réveiller les démons et les plaies du passé : c’est de cette façon que l’on sème, réellement, la discorde… à des fins manifestement électorales. Et réduire – en la banalisant – une crise fondamentalement existentielle à une simple lutte partisane ou à une vulgaire querelle de personnes constitue rien moins qu’une insulte lancée à la face de l’histoire.
Michel Touma

Il est bon et surtout utile, parfois, de rappeler certaines lapalissades… Dans les pays bénéficiant d’une stabilité pérenne, l’alignement politique et électoral des citoyens peut se confondre sans encombre avec des luttes de clans ou des combats de coqs. Dans une situation en tout point normale, les programmes politiques des uns et des autres ne remettent en cause en...