Rechercher
Rechercher

Actualités

Installation La balade des suspendus de Jane Frere

En plus de trois mille figurines en cire supsendues au-dessus du sol par un fil transparent (installées au théâtre Tournesol jusqu’au 5 octobre), l’artiste Jane Frere réussit à retracer, avec émotion, la longue marche des peuples déplacés. Un travail dont l’origine et l’inspiration première sont la « Nakba » de 1948 (qui prend une dimension universelle), pour évoquer le fléau de ce siècle qui est le déplacement des populations. Pour aborder ce sujet épineux, Jane Frere (formée à l’université Central St Martin’s pour l’art et le design et à l’école d’art Slade School of Art avec le prix de Leslie Hurry) va puiser dans ses activités pluridisciplinaires et dans les archives historiques pour aboutir à ce travail ni didactique ni politique, mais purement artistique à consonance spirituelle. Peintre et conceptrice de décor de théâtre, Frere marie la sculpture et la photo, l’acoustique et la cinématographie. Mais comment toute cette œuvre, qui a voyagé d’Édimbourg au Liban, en passant par Jérusalem et qui continue son périple jusqu’en Jordanie, a réussi à tenir la route ? « L’idée est née doucement, raconte Jane Frere. Alors que je visitais des camps de concentration et particulièrement celui de Maigdenech entre la Pologne et l’Ukraine, j’ai été choquée par le manque d’humanité de l’homme envers son frère. Le choc a été encore plus grand lorsque je rencontrais des pèlerins juifs qui plaçaient leurs petits drapeaux sur les lieux. D’abord émue, je me suis mise à me poser des questions sur la signification de ce drapeau. » Individuel, mais universel Des questions qui vont la mener par la suite à s’informer sur la « Nakba ». « Si l’Europe tout entière, à cette époque, a été coupable des atrocités commises, c’est certainement à cause de son ignorance. Il fallait donc que je lutte contre cette ignorance qui se perpétue jusqu’à nos jours en engendrant d’autres catastrophes. » Si la victime doit un jour devenir bourreau, alors l’humanité ne ferait que souffrir des erreurs du passé. Telle est la conclusion à laquelle aboutira Jane Frere. « Je commençais donc mon travail par tâtonnements. Tel un détective, je rassemblais des indices, des témoignages de ceux qui ont vécu cette période. » L’idée de la suspension était venue d’un film, Soraida, une femme de la Palestine, de Tahani Rached  où il était question de Palestiniens suspendus sur les cordes à linge. « En qualité de conceptrice de décor théâtral, je gardais chez moi des figurines en papier et carton. Je commençais donc à les plonger dans la cire bouillante. Aussitôt elles prirent forme. » Pourquoi la cire ? « Parce que c’est une matière à plusieurs connotations. Citée dans la Bible et employée par différentes civilisations anciennes, elle était considérée par les Perses comme le symbole du sacrifice, souligne Frere. La bougie meurt, disaient-ils, afin de donner naissance à la lumière. De plus, j’avais appris, dans le cadre de mes études, que la cire était employée dans les morgues pour préserver le corps humain. Elle était donc associée à l’anatomie. Ces figurines ne représentaient pourtant pas mon histoire, j’en étais le simple catalyseur »,  conclut l’artiste qui engrangera tout un processus pour amorcer le travail. Mourir pour éclairer Après de multiples voyages au Moyen-Orient, Jane Frere soumet son idée à six ateliers pour l’exécution de son projet jusque-là embryonnaire. L’émouvante aventure artistique du « Retour de l’âme » commence donc à Jérusalem. Elle mobilisera par la suite plus d’une centaine de participants au Liban, dans des ateliers de création et d’expression collective consacrés à rassembler les souvenirs et à la fabrication de 3 200 figurines de cire. Il fallait, d’après les témoignages recueillis et les questions posées à des témoins ou des survivants de la « Nakba » (que portiez-vous le jour de votre départ, quel est l’objet que vous emportiez avec vous ?), reconstituer une humanité en marche. Travailler sur l’anatomie, les proportions et les costumes ; autant d’étapes qui relevaient d’un processus et de prototypes individuels réalisés par l’artiste. « Ce n’était pas une usine, déclare Frere, car il fallait retracer les mouvements un à un et saisir le moment, et il était essentiel que les figurines soient confectionnées par des mains palestiniennes. » L’artiste expose parallèlement, sur les planches du Tournesol, un travail qui découle du projet original. Il s’agit d’autres modèles de figurines plongées dans une bassine d’eau à laquelle sont ajoutées des couleurs et qui évoquent les métamorphoses des formes et le mouvement. Ce même mouvement, qu’on retrouve dans « Le retour de l’âme », fait d’ombre et de lumière, à la fois léger et grave qui illustre les peuples malheureux. Suspendus entre ciel et terre et ne pouvant fouler le sol. Comme dans un purgatoire. Colette KHALAF
En plus de trois mille figurines en cire supsendues au-dessus du sol par un fil transparent (installées au théâtre Tournesol jusqu’au 5 octobre), l’artiste Jane Frere réussit à retracer, avec émotion, la longue marche des peuples déplacés.
Un travail dont l’origine et l’inspiration première sont la « Nakba » de 1948 (qui prend une dimension universelle), pour...