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Actualités - interview

Interview - Le ministre prévoit une croissance de l’ordre de 5 % en 2008 Chatah à « L’Orient-Le Jour » : L’année 2009 sera difficile en matière de finances publiques

Optimiste avec mesure, prudent sans excès, le ministre des Finances, Mohammad Chatah, insiste sur la stimulation de la croissance et la poursuite des réformes comme remèdes aux problèmes économiques du Liban, tout en reconnaissant que le déficit public va continuer de s’aggraver au cours des prochains mois. Dans un entretien avec « L’Orient-Le Jour », cet ancien ambassadeur à Washington et proche collaborateur de Fouad Siniora a brossé les grandes lignes de la politique « crédible » qu’il entend poursuivre au cours de son mandat de quelques mois à la tête de l’un des ministères les plus cruciaux pour l’économie du pays. Q : Votre politique s’inscrit-elle dans la continuité de celle de votre prédécesseur ? R : « J’appartiens à la même école de pensée que Jihad Azour et de la plupart des économistes qui planchent sur la situation financière du Liban. Malheureusement, notre pays affronte un grand problème en matière de finances publiques, la dette souveraine culminant à quelque 180 % du PIB. À titre comparatif, dans la plupart des pays étrangers, la dette publique est généralement contenue dans un intervalle de 60 à 70 % du PIB. Un pays dont l’endettement égalise le produit intérieur brut est déjà considéré comme étant en difficulté. (…) Le Liban a jusqu’ici réussi à financer sa dette souveraine grâce à son secteur bancaire dynamique dont le total des actifs consolidés s’élève au triple du PIB du pays, ce qui est extraordinaire ! Le sérieux et la crédibilité de la gestion des finances publiques ont également convaincu les investisseurs et les créanciers que le pays est profondément déterminé à régler les problèmes qu’il connaît dans ce domaine. La politique fiscale menée par les autorités a permis à l’État de financer sa dette moyennant des taux raisonnables, c’est-à-dire en préservant la stabilité monétaire et en jugulant l’inflation, sans pour autant freiner la croissance. Néanmoins, l’on ne peut que reconnaître que l’inflation a dérapé dernièrement sous l’impulsion de la flambée des cours mondiaux des denrées cotées et du pétrole. Mais je reste déterminé à poursuivre la politique financière crédible qui a été adoptée au cours des dernières années. » Q : Quelles sont vos prévisions en termes de croissance et de finances publiques ? R : « Le gouvernement mise sur une reprise de la croissance, qui a atteint 5 % au cours des derniers mois. Ce chiffre devrait se confirmer pour l’ensemble de l’année en cours, sachant que le potentiel de croissance de notre économie est de l’ordre de 8 à 9 % par an. Or, la dynamisation de la croissance est cruciale pour la réduction du ratio de la dette publique au PIB. Il semble toutefois que nous soyons sur le bon chemin, la signature de l’accord de Doha, l’élection du président Sleiman et la formation du gouvernement actuel ayant restauré la confiance des investisseurs dans notre pays et notre État. En termes de finances publiques, en dépit de tous nos efforts, force est d’admettre que le déficit public continuera à se creuser au cours des prochains mois à cause de l’augmentation des transferts à l’EDL, de la hausse prévue des taux d’intérêt mondiaux et du réajustement prochain des salaires. L’État devrait procéder à des émissions de bons du Trésor pour honorer les paiements dus au titre des tranches de la dette arrivant à maturité en 2008. Une grande partie des échéances des titres souverains pour l’année en cours est couverte. Nous avons besoin d’émettre de nouveaux bons libellés en livres bien plus que des titres libellés en dollars. La situation en 2009 sera en revanche plus difficile. Les dépenses publiques devraient progresser de quelque 2 700 milliards de livres en 2009. Et la croissance projetée des recettes ne sera pas suffisante pour combler les besoins de financement générés par l’alourdissement des charges. Sans oublier le fait que de nouvelles émissions s’imposent pour financer les compensations des déplacés de la guerre civile et de la guerre de juillet, bien que le Premier ministre ne ménage aucun effort pour convaincre les pays amis du Liban d’accorder davantage de dons au pays. » Q : Qu’en est-il des aides promises à Paris III ? R : « Nous pouvons compter sur l’accélération des versements des fonds qui ont été consentis au Liban à Paris III, maintenant que le Parlement a repris son activité et que les lois requises pour recevoir ces paiements peuvent être votées. Sauf que le rythme de cette procédure reste conditionné par la capacité du Conseil du développement et de la reconstruction à traiter les dossiers et à présenter des projets aux donateurs. » Q : Et les réformes censées aller avec ? R : « Le calendrier de réformes fixé à Paris III a été modifié par la force des choses. La date de la hausse de la TVA et de la taxation des intérêts bancaires, initialement prévue pour 2008, sera fixée ultérieurement. Nous voulons minimiser l’impact des nouvelles charges fiscales pour les tranches défavorisées de la population. Pendant ce temps, il faut continuer de moderniser le système fiscal du pays. Le gouvernement est en train d’élaborer un projet de loi pour uniformiser l’impôt sur le revenu. Il a également soumis au Parlement un projet de loi sur l’harmonisation de la procédure de règlement des impôts. Ce texte est actuellement en cours d’étude au sein des commissions parlementaires compétentes en la matière. Par ailleurs, nonobstant le fait que son mandat soit restreint à quelques mois, notre gouvernement ne se contentera pas de gérer la situation fiscale, mais tentera aussi de poursuivre l’implantation des réformes économiques, notamment dans les domaines des télécommunications et de l’énergie. Ce qui aura pour conséquence d’étayer la croissance et de consolider la productivité de l’économie libanaise. Notre secteur des télécoms a un potentiel très élevé, et nous avons l’intention de récupérer notre position pionnière en la matière dans la région. » Q : Quels sont vos plans pour réduire le gouffre de l’électricité ? R : « Nous avons entrepris des contacts avec Bagdad pour obtenir du brut irakien à prix réduit. Par exemple, l’Irak accorde une remise de 20 % à la Jordanie sur le prix du pétrole. Cependant, nous n’avons pas de raffineries. Le cas échéant, il faudrait raffiner le naphte que nous pourrions importer d’Irak. Tous ces détails restent à régler. » Q : Enfin, quelle est votre position concernant la hausse des salaires ? R : « La hausse des salaires, conditionnée par la stabilité fiscale, est actuellement une urgence et une priorité pour pallier la flambée des prix à la consommation, bien que nous ne disposions pas des moyens financiers suffisants pour régler cette crise en profondeur. Le projet de réévaluation des revenus salariaux, adopté par le précédent gouvernement, sert actuellement de base aux concertations que nous menons avec les différents acteurs sociaux. Le but du dialogue est d’affiner ces propositions afin de renforcer le pouvoir d’achat de la population, tout en préservant la stabilité fiscale, et sans entraver la stabilité de l’économie et la création d’emplois. Dans le secteur public, l’augmentation de 200 mille livres des salaires de tous les fonctionnaires n’est pas une solution idéale, d’autant que cette mesure coûtera 800 milliards de livres par an au Trésor. Mais le secteur public doit rester cohérent avec la réévaluation du salaire minimum dans le privé. Et même si la hausse de 200 mille livres peut sembler dérisoire, il ne faut pas oublier qu’elle équivaut à une croissance de 66 % du salaire minimum. Il s’agit de la plus importante hausse salariale de l’histoire du pays ». Propos recueillis par Mahmoud HARB
Optimiste avec mesure, prudent sans excès, le ministre des Finances, Mohammad Chatah, insiste sur la stimulation de la croissance et la poursuite des réformes comme remèdes aux problèmes économiques du Liban, tout en reconnaissant que le déficit public va continuer de s’aggraver au cours des prochains mois. Dans un entretien avec « L’Orient-Le Jour », cet ancien ambassadeur à...