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Actualités - OPINION

LE POINT Drôle d’attelage

Axez vos attaques sur l’inexpérience d’un adversaire qui siège au Sénat depuis trois ans seulement, lui avait-on conseillé. Alors, des semaines durant, John McCain n’a fait que ressasser ad nauseam ce slogan. Jusqu’au week-end dernier, quand il a choisi comme colistière une ancienne reine de beauté élue il y a moins de deux ans gouverneure de l’Alaska, photogénique en diable, mais dont la maîtrise des grands dossiers est d’une désespérante nullité. On lui avait dit aussi qu’il fallait mettre à profit l’éclipse forcée de Hillary Clinton pour tenter d’attirer ses supporters femmes, vexées – c’est le moins qu’on puisse dire – de voir leur héroïne supplantée au finish par Joe Biden, et aussi histoire de mettre l’accent sur les sujets d’ordre social. La suggestion a été retenue, avec une fausse note de taille : la dame en question, mère de cinq enfants, ne passe pas pour une suffragette version XXIe siècle. À preuve, simple exemple, qu’elle est contre toute forme d’interruption de grossesse. L’intéressée a beau répéter que le KO technique subi par la sénatrice de New York « a laissé 18 millions de fissures dans le plafond de verre de la nation » (piètre figure, à propos), ajoutant : « Les Américaines ne sont pas battues pour autant et nous pouvons encore faire trembler ce plafond », elle n’est pas appelé à soulever les mêmes passions que l’ancienne First Lady, condamnée à ronger son frein pour les quatre années à venir. Et puis, il y a ce sentiment, fort bien traduit, en forme d’interrogation, par une fidèle du clan : « Vous croyez qu’il est facile de biffer de la liste le nom de Hillary pour le remplacer par celui de Sarah ? » Effet de (mauvaise) surprise garanti : John McCain avait promis, avec le choix annoncé à Dayton, de « secouer Washington ». Il n’est pas certain qu’il réussira son pari. Ni qu’il sera parvenu à faire oublier son âge. D’abord parce qu’il a porté la bonne nouvelle à ses partisans en même temps que le rappel de son 72e anniversaire, ce soir-là ; ensuite parce que les vingt-huit ans qui séparent les deux colistiers devrait avoir pour fâcheux effet d’attirer l’attention sur son âge à lui, le faisant paraître encore plus vieux qu’il ne l’est. À neuf semaines du jour J, la campagne présidentielle s’apprête, une fois balayés les confettis de la grand-messe républicaine, à aborder le dernier virage et à adopter un ton autrement plus grave que celui des vingt derniers mois. Il importe cependant de ne pas s’attendre à des bouleversements notoires, notamment dans le style de la campagne. Au contraire même, serait-on tenté de dire. Ces temps-ci, le représentant de l’Arizona s’est démené pour faire sien le programme d’une formation politique qui n’a jamais reconnu ce bâtard politique comme l’un des siens. Il a martelé sans arrêt les trois griefs qui sont ceux du Grand Old Party, dans sa version bushienne : les démocrates sont faibles ; ils incarnent un camp d’élitistes ; ils souffrent d’une sérieuse déficience en matière de patriotisme. On l’a compris : le premier reproche est né dans la foulée de la guerre contre l’Irak, c’est-à-dire d’un succès qui a dépassé, on le constate chaque jour, les espoirs les plus fous. Le deuxième argument prête encore plus à sourire tant les membres du patriciat républicain devraient être les derniers à critiquer l’adversaire. La troisième accusation est plus inquiétante dans un pays où tout Américain bien né se doit d’exhiber la « Star and Stripes » au revers de sa veste (ce que Barack Obama s’est résigné à faire depuis peu), sur le fronton de son immeuble ou le gazon de sa pelouse. Ce sont là les trois os sur lesquels s’acharnent les pitbulls Rudy Giuliani et Joe Lieberman, aiguillonnés par l’ancien tueur de Bush, l’inquiétant Karl Rove, et ses lieutenants : Steve Schmidt et Mark McKinnon. Tous trois, aujourd’hui de retour dans les coulisses, sont les élèves d’un maître que Washington n’est pas près d’oublier : Lee Atwater, jadis principal « hitman » du Parti républicain. Leur efficacité est telle que leurs commanditaires, à juste raison, s’inquiètent : « Et si McCain venait à gagner ?... » Imaginez le scénario : le 4 novembre au soir, le vieux sénateur est appelé à prendre les commandes d’un pays déchiré par une crise économique rappelant l’ère maudite de la Grande Dépression, des guerres en Irak et en Afghanistan, un maillon géorgien qui cède, entraînant dans le naufrage une foultitude de mini-États, le couvercle de la marmite moyen-orientale sur le point de sauter… Et, tenant le gouvernail, un chef incapable de donner les ordres adéquats. Un récent sondage révèle que 80 pour cent des Américains sont certains que leur pays a pris la mauvaise direction. Il leur reste à se convaincre qu’il est possible de redresser la barre. L’existence du monde en dépend – on n’ose parler de sa bonne santé. Christian MERVILLE
Axez vos attaques sur l’inexpérience d’un adversaire qui siège au Sénat depuis trois ans seulement, lui avait-on conseillé. Alors, des semaines durant, John McCain n’a fait que ressasser ad nauseam ce slogan. Jusqu’au week-end dernier, quand il a choisi comme colistière une ancienne reine de beauté élue il y a moins de deux ans gouverneure de l’Alaska, photogénique en...