Tyr au cœur du renouveau libanais

Rares ont été, ces dernières années, les moments d’intense émotion et de bonheur vécus par les Libanais le long de leur parcours dans leur propre pays, soumis aux caprices de la politique internationale. La paix que le Liban semble avoir recouvrée?depuis trois mois constitue l’occasion de se replonger dans les diverses régions du pays, notamment le Liban-Sud, et Tyr en particulier. Cette région, à la coexistence unique, une des rares au Liban à n’avoir pas connu au siècle dernier des heurts interconfessionnels, est chère au cœur de nombreux Libanais. Feu Raymond Eddé, au plus fort de la guerre de 1975-1990, ne disait-il pas à Paris qu’il fallait que les jeunes lancent à partir de Tyr un mouvement de réunification pacifique qui s’étendrait à tout le pays?? Nous nous sommes rendus du 7 au 10 août pour les 4es Rencontres RJLiban au Liban-Sud, libéré en 2000 et ayant connu deux épisodes de guerre dramatiques en avril 1996 et il y a tout juste deux ans. L’occasion de faire le point sur la situation politique, économique et sociale de la région, au milieu d’une féerie de couleurs et de paysages, rappelant à la multitude de visiteurs se prélassant sur le bord de mer que le Liban est un pays béni de Dieu. D’ailleurs, l’écologiste Ibrahim el-Ali, un Libano-Sénégalais élevé dans la brousse africaine, est convaincu que son pays est «?le?» paradis. S’exprimant lors de notre réunion à Tyr, au lendemain de la beach party qui a accueilli plus de cent membres et amis fidèles au rendez-vous, il a rappelé que «?nombreux sont les prophètes qui ont traversé le Liban ou sont enterrés en terre libanaise?». Ibrahim el-Ali a poursuivi?: «?J’ai une dizaine de projets pour le Liban, comme le reboisement des oliviers et des pins, notamment à Jezzine, l’assistance à la Défense civile pour les pompiers, la prévention des risques sismiques, le soutien aux différentes municipalités dans le traitement des déchets et des eaux usées, et l’instauration d’assises nationales pour la protection de l’environnement.?» (fondation-elali.blogspot.com) Une action à encourager puisqu’on a constaté une nette détérioration des services de voirie de la municipalité, peu sensibles aux déchets ménagers parsemant les trottoirs flambant neufs et les rives de la Méditerranée en certains points de la ville, et aussi la persistance des coupures de courant électrique dont le réseau n’a pas été amélioré depuis trente ans, l’absence de relais pour la téléphonie cellulaire en de nombreux endroits et la lenteur de la connexion Internet qui, comme dans tout le pays, entrave le bon fonctionnement des entreprises et le dialogue des jeunes Libanais avec les jeunes du monde. Jeanine Jalkh, journaliste à L’Orient-Le Jour, a présenté en compagnie de Rosine Zbib la campagne lancée par plus de 60 organisations libanaises auprès des institutions administratives et politiques en vue d’aboutir à un processus électoral à la hauteur de l’ambition des Libanais aspirant à des élections libres et démocratiques. Un scrutin auquel participeraient les Libanais dans le monde en votant dans les ambassades. «?L’objectif premier est de parvenir à un résultat positif pour les élections législatives de 2009, mais la campagne se poursuivra dans tous les cas avec une sensibilisation des Libanais et de leurs descendants dans tous les pays de l’émigration. Les écueils qui se posent sont nombreux, comme le vote en un seul et même jour, et non en plusieurs, en fonction des circonscriptions, la suppression éventuelle de la carte électorale qui permettrait à tout détenteur d’un passeport libanais de voter là où il se trouve, l’interdiction de l’utilisation d’autres listes que celles agréées par le ministère de l’Intérieur, etc.?» (www.ccerlebanon.org) L’association RJLiban participera à ces programmes au moyen de son site Internet en sept langues (français, anglais, espagnol, portugais, italien, allemand et arabe) et de ses listes de diffusion, qui comprendront, en plus des 4?000 lecteurs francophones déjà inscrits, de nombreux autres se trouvant dans divers horizons. La nécessité d’étendre l’action de RJLiban à d’autres pays que la France et le Liban, et notamment en Amérique du Sud, a de facto été évoquée et devra très bientôt commencer par l’établissement de contacts directs, aussi bien économiques que culturels, avec les clubs, ambassades, universités et autres centres des grandes villes de l’émigration. Cela permettra de renforcer le soutien moral et financier apporté à la population dans toutes les régions du Liban. On notera également au cours de ce long week-end inoubliable, passé loin des tracasseries politico-médiatiques beyrouthines, les visites des sites historiques de Tyr, en compagnie de l’archéologue Jean Yasmine, ainsi que ceux du village de Tibnine, à 20 km plus à l’est, où une grande citadelle datant des croisés, le château du Toron, domine un paysage d’une rare beauté. Nous avons rencontré là des soldats de l’armée libanaise nettoyant le site en prévision des deux journées du patrimoine des 15 et 16 août, ainsi que la responsable culturelle, Iman Berry, qui nous a invités à participer à ces festivités. Sans oublier Oum Ali qui, dans son village à Ras el-Aïn, nous a servi de délicieux raisins et figues de son jardin, entourée des membres de sa famille à la jovialité débordante. Sans oublier les promenades en bateau après un bon déjeuner sur le port et les petits déjeuners face à la Méditerranée aux hôtels al-Fanar et Rest House ou sur les bords du Litani à l’hôtel Abou-Dib, après de longues soirées de noces… Plusieurs jeunes de Tyr se sont joints à notre groupe, et les réservations ont déjà commencé pour notre prochain rendez-vous dans cette région. En souhaitant pour le Liban de nombreuses autres journées aussi éclatantes. Naji FARAH