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Actualités - interview

Interview - Le ministre des Télécommunications promet un meilleur service à de meilleurs prix Gebrane Bassil : Je suis pour la concurrence et la privatisation du secteur Scarlett HADDAD

De prime abord, on pourrait croire qu’il s’agit d’un enfant jouant dans le bureau de son père, tant il semble jeune dans le grand local attribué au ministre des Télécommunications. Mais Gebrane Bassil a très vite pris ses marques dans ce ministère considéré comme l’un des plus importants du gouvernement et qualifié par Nabih Berry de « plus que souverainiste ». Depuis la passation des pouvoirs avec son prédécesseur Marwan Hamadé, Bassil a investi les lieux, travaillant tard le soir et multipliant les réunions avec les hauts fonctionnaires, pour s’informer des dossiers et faire avancer son projet de réforme. Dans sa première interview de ministre, réservée à L’Orient-Le Jour, Bassil révèle qu’il avait su pratiquement deux semaines avant la formation du gouvernement que le portefeuille des Télécommunications lui serait attribué. Mais il n’a pas voulu former une équipe avant de voir ce qu’il y avait sur place. Bassil reconnaît qu’il aurait préféré le portefeuille des Travaux publics, plus proche de son domaine de spécialisation (il est ingénieur), mais il est parfaitement conscient qu’il s’agit là d’un ministère essentiel, très important pour l’économie du pays, notamment le Trésor public, pour le développement équitable et pour la sécurité. Bassil affirme qu’il a très vite compris qu’il n’est pas nécessaire d’être un technicien pour comprendre le fonctionnement de ce gigantesque ministère et qu’il vaut mieux ne pas se laisser inonder par les détails pour ne pas perdre de vue l’essentiel et pouvoir agir selon une vision précise. Le jeune ministre reconnaît que tout le monde l’attend au tournant, mais il lance : « Je ne vais pas les éviter. Je serai au rendez-vous et que l’on me juge sur les résultats. » Il ajoute : « Il est important que nous réussissions pour donner de l’espoir aux jeunes. » Sa ligne directrice est de combattre la corruption et le clientélisme, comme l’a toujours réclamé le général Michel Aoun, et procéder à des réformes qui amélioreront les services tout en réduisant les coûts pour les consommateurs. Bassil dément les rumeurs selon lesquelles sa nomination aurait suscité des critiques au sein du CPL. « Au contraire, si l’on tient compte des visites et des messages de félicitations que je reçois en permanence, je crois que ma nomination a fait plaisir à mes camarades. D’ailleurs je représente tout le CPL et si je réussis dans cette mission, ce sera notre réussite à tous. » La coexistence avec Siniora Comment se passe la coexistence avec le Premier ministre Fouad Siniora qu’il avait lui-même à maintes reprises critiqué ? « C’est trop tôt pour porter un jugement, précise le ministre. Mais le climat actuel est favorable et nous essayons de travailler en équipe. » Bassil reconnaît que la plus grande responsabilité de ce gouvernement est d’assurer des élections législatives, libres et justes. « Mais nous devons en même temps traiter les problèmes des citoyens. » Le jeune ministre rejette les accusations selon lesquelles ce portefeuille lui aurait été attribué pour favoriser sa propre campagne électorale. « Je me suis promis de ne pas faire de politique au sein de ce ministère. Cette fonction est un test et je compte le passer avec succès. » Sa nomination est-elle destinée à rassurer le Hezbollah sur le maintien de son propre réseau de télécommunications ? « Pas du tout, dit-il. Le Hezbollah a été rassuré par le retrait de la décision prise par le précédent gouvernement et par l’actuelle déclaration ministérielle. Ce qui compte c’est que ce réseau reste interne pour le seul usage de la résistance », précise Bassil. Les « goldens numbers » et le marché noir Il raconte que sa première décision de ministre a été d’arrêter les « golden numbers », qui sont des numéros spéciaux très prisés et achetés à des sommes exorbitantes. Il révèle aussi qu’une nouvelle série de numéros a été émise : les 70 7... et il n’y aura pas dans cette série de « golden numbers ». S’il voulait faire sa campagne électorale, il aurait pu en distribuer à ses électeurs. Mais il affirme qu’il ne le fera pas et il a pris la décision d’arrêter toutes ces pratiques, qui alimentent la corruption et le clientélisme. Le ministre évoque ensuite le marché noir des cartes prépayées qu’il s’est engagé à combattre. « Quand on pense que nous émettons entre 10 et 14 000 cartes prépayées par semaine. Elles sont vendues au marché noir à 70 dollars au lieu de 50. Nous atteignons ainsi des sommes de 3,5 millions de dollars par mois. Je veux éliminer cette pratique et j’étudie une nouvelle distribution des autorisations de vente des cartes prépayées... » Bassil précise avoir le sentiment qu’un bon ministre doit prendre des décisions, traiter avec les fonctionnaires et l’administration en général et savoir aborder les grands dossiers. Il a déjà les grandes lignes de sa vision de ce secteur vital : en faveur de la libéralisation mais avec des conditions. « Je suis pour la concurrence totale et la privatisation du secteur, mais comme la vente est une question souverainiste et nationale, je préfère que ce soient des Libanais qui achètent, quitte à se faire aider par des opérateurs étrangers. Ma seconde condition est que Liban Télécom doit être en activité et être le leader du secteur. » Gebrane Bassil affirme qu’il n’a aucun esprit de vengeance ou de règlements de comptes politiques. Il affirme ainsi que les fonctionnaires seront jugés sur leur travail, non sur leurs sympathies politiques et il révèle qu’il ne compte pas revenir sur les nominations au sein de l’autorité de régulation de Liban Télécom décidées par le précédent gouvernement. Bassil explique ensuite que le contrat des compagnies actuelles expire en novembre. Le ministère est actuellement en train de négocier une éventuelle prolongation du contrat, sinon, il se verra dans l’obligation de signer des contrats avec d’autres compagnies. Son objectif principal est d’assurer une meilleure couverture du réseau sur l’ensemble du territoire libanais. Ce qui permettrait d’augmenter le nombre d’usagers de ces services et par conséquent aboutirait à une baisse des prix des communications. Selon lui, si le réseau est plus performant et s’il y a de nouveaux abonnés, les factures pourraient baisser de façon considérable. À son avis la politique suivie jusqu’à maintenant a abouti à un réseau en mauvais état, l’objectif étant de faire le plus d’argent possible sans fournir des prestations de qualité. « Pour l’instant, notre devise est de fournir de meilleurs services à de meilleurs prix. Lorsque le secteur sera privatisé, cela ira de soi. Mais en attendant, c’est le ministère qui doit intervenir. » Bassil ajoute qu’en tant que ministre, il proposera un plan de réformes qu’il soumettra au Conseil des ministres, mais c’est ce dernier qui prendra la décision finale. « Je souhaite que les citoyens et le Trésor profitent du ministère pas des particuliers. Si j’ai un jour le sentiment que le Conseil des ministres ne m’aide pas, j’essaierai de le convaincre de mon point de vue. Sinon, je tenterai d’exercer des pressions politiques ou médiatiques... » N’est-ce pas ambitieux pour un gouvernement qui s’en ira dans neuf mois ? « Non, répond le ministre. Nous avons une vision à long terme. Et après les élections, si les résultats sont conformes à nos aspirations, nous espérons conserver ce ministère et en obtenir d’autres. » La lutte contre le piratage Bassil compte aussi entamer une lutte contre le piratage des communications internationales. Il sait qu’il s’attaque à de gros intérêts, mais cela ne l’arrête pas. Car, selon lui, c’est pour ces défis que le CPL est entré dans le gouvernement. Pour l’instant, il multiplie les réunions avec les hauts fonctionnaires. Mardi prochain, il rencontrera les fonctionnaires d’Ogero. « Tant que les fonctionnaires sont dynamiques et coopératifs et serviront l’intérêt général, ils n’auront rien à craindre de moi. Nous travaillerons en équipe et notre réussite sera commune. » Bassil rappelle qu’il fait toujours de la politique, même s’il a réduit ses activités au sein du rassemblement chrétien. Il avoue avoir trouvé les interventions des députés assez longues, pendant les séances de débat de confiance, et il a eu un sentiment de frustration car les députés parlaient et les ministres ne pouvaient pas répondre. Seul le Premier ministre le faisait... Selon Gebrane Bassil, la déclaration ministérielle a résolu une grande partie des problèmes en suspens. C’est un exemple parfait de compromis. Elle a évoqué le Conseil constitutionnel, les disparus en Syrie et au Liban, les exilés en Israël, et même elle parle d’un plan d’action pour lutter contre l’implantation des Palestiniens. « Chaque idée, dit-il, a fait l’objet de longues discussions. Mais en somme, le gros du travail a été fait. Il ne restera plus beaucoup de sujets pour la table de dialogue. Quant à la participation au pouvoir, c’est dans le travail du gouvernement qu’on verra si elle fonctionne. »
De prime abord, on pourrait croire qu’il s’agit d’un enfant jouant dans le bureau de son père, tant il semble jeune dans le grand local attribué au ministre des Télécommunications. Mais Gebrane Bassil a très vite pris ses marques dans ce ministère considéré comme l’un des plus importants du gouvernement et qualifié par Nabih Berry de « plus que souverainiste ». Depuis la...