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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Elle a ressuscité le vieux souk de Byblos Alice Eddé, rigueur et bonne humeur

Son nom est associé à Jbeil, de même que son éclat de rire ! Alice Eddé, avec son inséparable et légendaire grand chapeau de paille, hante les ruelles pavées de Byblos qu’elle a dépoussiérées. Elle y sème, encore et toujours, de nouveaux projets, accompagnés de son non moins légendaire optimisme. Alice Eddé n’a rien de libanais, sinon un nom lié au village natal de son époux Roger et son attachement à une terre peuplée d’histoire. Un charmant petit coin de Liban qui sommeillait, trop longtemps oublié par ses pairs. La rigueur, la ponctualité et le perfectionnisme de cette grande dame l’accompagnent et la devancent même ! Depuis une dizaine d’années, sa silhouette élégante et souvent pressée apparaît, disparaît, réapparaît au gré des idées qui ne cessent de germer dans son esprit d’occidentale à la fois rêveuse et pragmatique. « Je suis une Américaine vivant au Liban », précise-t-elle ; et vivant avec bonheur dans cette superbe maison libanaise qu’elle a construite et aménagée, pierre après pierre. Géographie variable De Saint Louis, dans le Missouri, où elle est née, à Jbeil, où elle vit depuis 1998, Alice Eddé a beaucoup voyagé. Grâce aux langues, d’abord : elle en parle plus de cinq, « un bagage avec lequel il est aisé de partir n’importe où dans le monde ». Grâce aussi à son métier d’interprète qui l’a menée à Venise, à Téhéran et jusqu’au Liban, sans compter son union avec Roger Eddé qui l’a entraînée dans ses pérégrinations en France et dans le reste du monde, avant de la conduire à bon port, le port de Jbeil. Elle aurait voulu étudier l’hôtellerie ou la décoration, mais son père, officier dans l’armée américaine, « un homme de très grande culture », en avait décidé autrement. « Des années plus tard, me voilà en train de faire ce que je rêvais », précise-t-elle dans un français parfait. « La langue française, poursuit-elle avec un léger accent américain qui la caractérise, est ma langue naturelle et spontanée avec les Libanais. » En 1973, elle rencontre Roger Eddé, ce truculent personnage, homme d’affaires réussi et politicien. En 1975, elle l’épouse à Harissa. Durant la guerre, ils habitent Le Caire, Riyad, Washington, Beyrouth puis Paris où ils restent de 1989 à 1998. Lorsque les travaux de la maison sont achevés, le couple décide de poser ses bagages, les pieds dans l’eau, et de ramener à Jbeil, devenue trop silencieuse, une jeunesse que la guerre lui avait volée. Destination Byblos « C’est en vivant à Antibes, en fréquentant ses vieux souks et ses marchés, que l’envie m’est venue de faire la même chose à Byblos. Il fallait réveiller une ville ternie qui était endormie, lui redonner des couleurs, une saveur », souligne-t-elle. Parallèlement au Beirut International Film Festival, dont elle est présidente, parallèlement au gigantesque projet de Eddé Sands, dont elle s’occupe « de tous les détails », et comme pour équilibrer les choses, Alice plante des projets à dimension plus humaine dans le vieux souk de Jbeil. Des repères à suivre sous le nom de Eddé Yard. Petit à petit, les ruelles se sont animées, d’abord autour du éCafé puis de Gibran’s Library, « une librairie où les visiteurs, libanais et étrangers, ne trouvent que des livres sur le Liban ». Des romans, des livres de cuisine, de musique, d’histoire – en anglais, français ou arabe – sont ainsi venus habiter l’espace en pierre qui est certainement un lieu idéal pour exposer de tels ouvrages. « Dans un troisième temps, raconte-t-elle, nous avons eu l’idée de prendre des boutiques vides pour y installer des artisans que nous allions suivre et guider. L’artisanat libanais, qui plaît beaucoup aux étrangers et qui est influencé par l’histoire, y retrouverait sa place d’honneur. » Mais les choses prennent du temps et les artistes de Jbeil se font rares. « Ce n’est pas facile de faire bouger les habitudes des gens, souligne-t-elle. Nous sommes tout de même satisfaits d’employer les jeunes de la région, souvent les pères puis les fils, qui sont, à leur tour, contents. » Avec 17 boutiques réunies sous l’enseigne de Eddé Yard, les divers restaurants et artisans, les musiciens, les animations, les signatures de livres, la St Patrick célébrée en grande pompe – Alice Eddé a du sang irlandais dans les veines ! – ont redonné au vieux souk de Jbeil une âme et une nouvelle jeunesse. Et ont drainé des foules. « Même en hiver, nous employons une trentaine de personnes », souligne Mme Eddé. Une passion en solo Pas une journée sans faire la tournée générale, pas une journée non plus qu’elle n’entame sans son heure de harpe. Car Alice Eddé est depuis quelques années une harpiste invétérée qui ne rate aucun concert, aucun congrès mondial. Qui a même, pendant un an, faute de professeurs au Liban, pris l’avion tous les mois pour 24 heures de cours à Istanbul. À peine rentrée d’Amsterdam où se tenait un congrès qui a réuni, pour un concert insolite, 232 harpistes du monde entier, elle raconte, amusée, qu’elle fait partie à présent, avec ce groupe, du Guinness Book of Records ! « C’est mon yoga, ma thérapie. » Indispensable pour cette femme qui avoue être exigeante, claire et nette. « Notre mission est réussie, mais loin d’être finie », conclut-elle avant de repartir, son chapeau sur la tête… Carla HENOUD
Son nom est associé à Jbeil, de même que son éclat de rire ! Alice Eddé, avec son inséparable et légendaire grand chapeau de paille, hante les ruelles pavées de Byblos qu’elle a dépoussiérées. Elle y sème, encore et toujours, de nouveaux projets, accompagnés de son non moins légendaire optimisme.

Alice Eddé n’a rien de libanais, sinon un nom lié au village natal...