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Actualités - REPORTAGE

Reportage Lampedusa, le bout du rêve européen pour des milliers de clandestins

Un à un, les clandestins récupérés au large descendent d’un pas mal assuré de la vedette des gardes-côtes sur le port de la petite île italienne de Lampedusa : 33 hommes sans bagages qui viennent de toucher au but après un voyage au péril de leur vie. Après deux nuits et une journée en mer, leur barque était sur le point de sombrer lorsque les gardes-côtes sont arrivés, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Lampedusa, la terre européenne la plus proche des côtes libyennes. Débarrassés de leur gilet de sauvetage, assis par terre sous une toile de tente qui les protège du soleil brûlant, ils reçoivent de l’eau et des biscuits, un accueil bien rodé dont est chargée l’organisation non gouvernementale Médecins sans frontières (MSF) Italie. La scène peut se répéter jusqu’à une dizaine de fois en 24 heures si la mer est calme comme mercredi et jeudi derniers, lorsque 1 200 clandestins africains sont arrivés sur l’île. « En général, ils ne savent pas nager, et la plupart ont vu la mer pour la première fois lorsqu’ils ont embarqué en Libye », raconte l’un des gardes-côtes, Domenico (32 ans). « Lorsqu’ils nous voient arriver, ils font le V de la victoire. Ils sont heureux. Ce transbordement s’est bien passé, ils étaient calmes et peu nombreux. Ce n’est pas toujours le cas », ajoute le militaire. Quelques jours avant, ils étaient 170 entassés sur un bateau de pêche. Cent vingt ont pris place à bord de la vedette tandis que Domenico a conduit les cinquante autres à bon port en prenant lui-même le gouvernail de la barque. Les passeurs fournissent une boussole aux clandestins, le numéro des secours et parfois un téléphone satellitaire qui leur permet de signaler leur position. Ils jetteront l’appareil à la mer dès l’arrivée des secours pour effacer toute trace qui permettrait de remonter la filière du trafic. Maillot de foot à la gloire du Brésilien Ronaldhino, en jeans et baskets, Alexis affirme avoir 15 ans. « J’ai cru que j’allais mourir, j’ai fait confiance à Dieu. On nous a dit que nous partions pour l’Europe. J’ai versé 1 100 dollars. Quand j’ai entendu les gardes-côtes parler, j’ai su que c’était l’Italie », assure dans un français hésitant le jeune Ivoirien. Son compatriote et compagnon de voyage montre un ventre barré d’une grande cicatrice et affirme avoir reçu une balle lors des affrontements dans son pays. « Pour gagner l’argent de la traversée, j’ai travaillé plusieurs mois en Libye à récolter des tomates. Ça fait trois ans que je suis parti de Côte d’Ivoire », raconte le jeune homme, dépourvu comme tous les autres de papiers d’identité et dont le récit est invérifiable. Trente minutes après son arrivée, le groupe monte en file indienne dans des camionnettes, direction le centre d’accueil d’urgence de Lampedusa. Les dizaines de milliers d’estivants qui ont envahi la petite île aux allures d’Afrique avec ses palmiers et ses maisons basses colorées n’auront rien vu du débarquement. « Les traversées du canal de Sicile (280 km environ entre les côtes libyennes et Lampedusa) sont toujours très périlleuses. Il y a des courants dangereux et les embarcations sont surchargées. C’est comme si 20 personnes montaient dans une voiture pour faire 2 000 km », souligne le lieutenant de vaisseau, Achille Selleri, qui commande une quarantaine d’hommes, détachés des gardes-côtes de Palerme (Sicile). Pourtant, les désespérés qui tentent le voyage pour l’Europe sont toujours plus nombreux : 11 949 ont débarqué en Italie au 1er semestre, dont 10 402 à Lampedusa, contre 5 387 en 2007. En majorité, ils se verront refuser l’entrée en Europe, ce qui ne les empêchera pas pour une bonne part d’y demeurer illégalement. Selon MSF, 380 clandestins ont péri dans cette traversée entre la Libye et la Sicile ou au large de Malte sur les six premiers mois de cette année, après 500 en 2007. Françoise MICHEL (AFP)
Un à un, les clandestins récupérés au large descendent d’un pas mal assuré de la vedette des gardes-côtes sur le port de la petite île italienne de Lampedusa : 33 hommes sans bagages qui viennent de toucher au but après un voyage au péril de leur vie. Après deux nuits et une journée en mer, leur barque était sur le point de sombrer lorsque les gardes-côtes sont arrivés,...