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Actualités - REPORTAGE

Offre-Joie rénove la prison de Batroun L’énergie et l’espoir

Les valeurs, que l’association ne cesse d’afficher et de défendre, se résume en trois mots apparemment simples, mais qui sont tout un programme?: amour, respect et pardon. Aconfessionnelle, apolitique, l’association Offre-Joie poursuit depuis 1985, date de sa création, des projets qui redonnent au Liban et à sa jeunesse ses lettres de noblesse, et une fierté trop souvent piétinée. La réhabilitation de la prison de Batroun, démarrée le 12 juillet, en est une belle illustration. «Ensemble, nous pouvons changer les choses.?» Ce slogan, sans cesse brandi par les fondateurs et jeunes volontaires d’Offre-Joie, qui est un cri de révolte en même temps qu’une leçon d’espoir, traduit parfaitement leur démarche. Sans répit, ils ont multiplié les projets sociaux?: réaménagement d’écoles (au Akkar et au Kesrouan), de prisons, (Jbeil, Aley, Tyr, Amioun et Barbar el-Khazen), colonies de la paix, visites mensuelles de délinquants, arbres de Noël, reconstructions de maisons ou de quartiers victimes de voitures piégées et, enfin, marches silencieuses, pour «?encourager les Libanais à ne pas baisser les bras?» et rester unis. Leur dernier projet, qui consiste à réhabiliter la prison de Batroun, était un arrêt obligé dans leur marche contre ce qu’ils qualifient d’insulte faite à l’être humain. «?Il est impossible d’imaginer dans quel état vivaient les prisonniers?», précise Marc Tarabay, 21 ans, volontaire et responsable de la mission.? Partage Le premier coup de marteau a été donné, comme il est de coutume avec l’association, dans la joie et la bonne humeur. Alors que les prisonniers ont été transférés pour un mois, 35 volontaires, réunis autour d’un même esprit de partage et de générosité, ont préféré «?sacrifier?» les plaisirs de la plage et des vacances pour une mission autrement plus importante. Les bords de mer sont remplacés, avec un bonheur évident, par la poussière et le béton. Les soirées en boîte, normal de le noter, car ils ont entre 18 et 21 ans, par une vie en communauté à l’école Notre-Dame de la Victoire, à Kfifane, où ils logent pendant la durée du projet. Sur un mur, à l’entrée de la prison en travaux, les murs et sols à nu, une affiche avec le programme du jour, qui est en fait celui de tous les jours, à suivre avec le sourire?: réveil à 6 heures 30, sur les airs de l’hymne national, départ à 8 heures 30 après un petit déjeuner collectif et prière, au choix, selon le culte de chacun. Puis journée sur le chantier ponctuée de moments de repos et d’un déjeuner rapide. Fin de service à 17 heures, retour à Kfifane, douche, dîner, soirée amicale et extinction des feux à 23 heures 30. «?Cet aspect de la mission est très important, précise Marc. Nous tenons à créer des liens entre les volontaires, pour que l’expérience du partage soit complète.?» Une complicité, voire une amitié, règne entre les membres de l’équipe, unis sous un même «?costume de travail?»?: la salopette bleue d’Offre- Joie, sur laquelle une colombe, qui porte en son cœur un cèdre, illustre bien l’amour, le respect et le pardon. Parmi eux, cinq volontaires français sont venus spécialement, la plupart à leur frais, pour aider. La cohésion est évidente lorsque, sur le chantier, tout le monde met «?la main à la pâte?», que la chaîne humaine est équilibrée et parfaite. «?Il ne s’agit pas uniquement de repeindre et de reconstruire. Nous tenons à redonner aux jeunes confiance en leur pays. Qu’ils aient le sentiment qu’ils sont en train de changer quelque chose dans l’immobilisme général. Et puis, sur un autre plan, nous tentons de relever le niveau et la valeur de l’être humain.?» État des lieux Prisonniers d’accord, mais êtres humains avant tout. «?Les conditions de vie n’ont jamais été contrôlées ou améliorées, depuis la construction de la prison dans les années 90.?» Difficile d’imaginer, et pourtant, c’est hélas vrai?: des murs rongés par l’humidité, noircis par l’usure et la pollution, des cafards partout, près des lits, sur les tables, dans les hottes de la cuisine. Des pièces, trois grandes et trois petites, bondées d’hommes d’âges différents et condamnés à des peines variées. Vivant à plus de 20 personnes, tellement qu’il devenait difficile d’ouvrir la porte, fumant, dormant dans une même pièce, sans aucune aération. La prison, qui héberge 64 prisonniers au total, alors que sa capacité est de 45, comprend aussi six salles de bains, une seule douche, et donc la possibilité de prendre son bain une fois par semaine. «?Il nous a fallu plus de deux semaines de travaux pour enlever les quatre couches de peinture aux murs et commencer à effacer l’odeur ambiante, qui était franchement insupportable.?» La réhabilitation de la prison, par étapes, comprend des travaux d’électricité (installations de fils totalement sécurisés), peinture avec utilisation de couleurs plus agréables que le gris traditionnel, réaménagement des salles de bains et tuyauteries, de la cuisine et de la douche (avec installation de lavabos et urinoirs), de l’espace «?promenade?» et du coin visite (avec installation de téléphones et de séparation en Plexiglas au lieu du grillage) et, enfin, création d’armoires. Le financement du projet, qui aurait dû se faire par l’État, et qui inclut également la prise en charge des 35 volontaires durant un mois et demi, vient bien évidemment de fonds privés. Des individus et des entreprises qui offrent argent ou matériel, comme ce fut le cas pour toutes les interventions d’Offre-Joie. «?J’invite tous les jeunes, qui croient en leur pays, à venir voir ce qui se passe ici, conclut Marc Tarabay. Ils comprendront aussi que le changement est nécessaire et passe par eux, et qu’alors tout devient possible.?» Pour tous les déçus d’un État qui tarde à se (re)construire, et ils sont nombreux, les volontaires d’Offre-Joie offrent un bel exemple d’optimisme. À suivre, car c’est sur ces bases que l’on commence à construire une nation. Témoignages • Tania, 19 ans, étudiante en génie informatique. «?J’ai rejoint l’association, il y a deux ans, après ma sœur. J’ai aimé le concept, le travail social, l’ambiance qui réunit des jeunes de toutes les confessions et de tous les coins du pays. J’ai participé à la reconstruction du village de Kawzah, au Sud, après la guerre de juillet 2006. C’était très enrichissant, touchant de voir le bonheur des gens. En participant à la reconstruction de la prison de Batroun, on s’attaque au maillon faible de la société, ces personnes que l’État a oubliées. C’est fatigant, mais tellement agréable?! J’espère que nous sommes en train de changer quelque chose, que notre mission peut être un exemple de tolérance et d’acceptation de l’autre dans sa différence. Mes vacances?? J’aurais le temps d’en prendre quand le chantier sera fini?!?» • Gunou, 17 ans, né en France de parents coréens?: «?Je fais partie des Routiers de Passy, que je remercie au passage de m’avoir permis de réaliser ce voyage. Je devais partir en mission au Togo, mais cela ne s’est pas fait, alors je suis venu au Liban. Je voulais partir quelque part, n’importe où, pour aider. Pour ma première visite, j’ai été surpris par l’accueil chaleureux, le contact très positif et la belle ambiance générale qui règne ici. L’état de la prison m’a vraiment choqué, mais je suis heureux du travail que l’on accomplit et de cette expérience.?» Carla HENOUD
Les valeurs, que l’association ne cesse d’afficher et de défendre, se résume en trois mots apparemment simples, mais qui sont tout un programme?: amour, respect et pardon. Aconfessionnelle, apolitique, l’association Offre-Joie poursuit depuis 1985, date de sa création, des projets qui redonnent au Liban et à sa jeunesse ses lettres de noblesse, et une fierté trop souvent...