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Actualités - OPINION

Mission impossible

Dans tous les pays régis par des normes, des valeurs et des principes qui fonctionnent sans coup férir, lorsqu’une nation est en danger, loyalistes et opposants s’accordent à faire prévaloir l’intérêt supérieur de cette nation sur n’importe quel intérêt personnel. Or, après trente années d’humiliations, de répressions, de servitude et de suivisme, nous avons eu droit en fin de compte à un gouvernement (apparemment) issu d’une volonté nationale. Cet événement tant attendu par les Libanais n’a pas pour autant marqué la fin d’une époque qui a connu une dégradation systématique de l’État, de ses institutions et de l’unité libanaise. L’armée, longuement éprouvée par des taches sanglantes et méritoires, a été menacée à son tour de dislocation du fait des convulsions politiques, sociales, confessionnelles, idéologiques, etc. C’est à croire que la formation de ce gouvernement, après toutes les affres d’une sombre époque, n’a pas manqué de laisser de l’amertume chez beaucoup de ceux qui en furent les acteurs, et qui continuent à nous faire entendre leurs voix discordantes, à travers des déclarations non dépourvues de provocations et de donquichottisme, dans une tentative de faire ombrage au timide soulagement qui commence à se faire sentir sur l’ensemble du pays. Il est vrai que, pour les dix mois à venir, il ne faut pas se nourrir d’illusions et croire à une éventuelle baguette magique qui dissiperait d’un seul coup les nuages et les tempêtes qui assombrissent l’horizon national. Le chemin à parcourir est trop long et parsemé de trop d’embûches pour que tous les problèmes, toujours posés et jamais résolus, auxquels est confrontée la nation puissent être tranchés. Malgré tout, les espoirs placés en la personne du chef de l’État, en ce début de mandat, ne seront pas en mesure d’assurer le succès de l’œuvre de redressement si le nouveau chef de l’État ne dispose pas au Parlement d’un groupe de députés nombreux et cohérent pour pouvoir réaliser, grâce au vote des lois, le programme annoncé dans le discours d’investiture. Plus de deux semaines se sont écoulées depuis la formation du gouvernement. La commission chargée de l’élaboration de la déclaration ministérielle bute toujours sur les mêmes obstacles qui étaient à l’origine du clivage que le pays vit depuis plus de deux ans. Cela prouve clairement que ces obstacles demeurent infranchissables, du fait des attitudes contradictoires, une situation propre à notre pays, en raison de notre individualisme, de notre diversité et des ferments de division que nous ont laissé les trente années vécues sous le joug syrien. De ce fait, l’État se trouve réduit à n’être, une fois encore, qu’une scène sur laquelle se déroule la confrontation entre des idéologies inconsistantes, des rivalités fragmentaires, des simulacres d’actions intérieures et extérieures sans durée et sans portée. Pour que l’État puisse être réellement l’instrument de l’unité des Libanais et de la continuité dans l’action nationale, il serait nécessaire que le gouvernement procède non point du Parlement, autrement dit du 8 ou du 14 Mars, mais plutôt d’une tête directement mandatée par l’ensemble de la nation et apte à vouloir, à décider et à agir, à mesurer la dimension des problèmes que le présent et l’avenir lui posent. Pareille rénovation ne serait pas réalisable avant de dures et nouvelles expériences pour lesquelles nous ne sommes pas encore prêts, d’autant plus que les contraintes de la tutelle syrienne ayant longuement écrasé les libertés, le jeu politique a perdu son lustre d’antan. Gouverner c’est prévoir, nous a-t-on appris. Mais au Liban, gouverner c’est marginaliser l’autre ou tout simplement l’éliminer?; c’est s’approprier le pouvoir à n’importe quel prix et par n’importe quel moyen?; c’est violer la Constitution, ignorer les lois, disposer des deniers publics, etc. Comment peut-on doter le pays d’un gouvernement capable de mesurer la dimension des problèmes que le présent et l’avenir lui posent, et capable de répondre de son destin?? La réponse est très simple?: il n’est pas possible de guérir un mal par le mal. Dans les conditions actuelles de déchirement, un changement radical s’impose, qui permettrait l’avènement d’une équipe homogène, dotée d’une nouvelle mentalité, libérée de tous les complexes d’un passé entaché de servitude et de suivisme. Cette équipe devra se pencher sur les modifications à apporter à la loi électorale afin de permettre au peuple d’accorder librement sa confiance et sa légitimité à une Chambre capable de légiférer dans le respect de la Constitution, des lois et des institutions. Car la légitimité pour un pouvoir procède du sentiment qu’il inspire, et de sa capacité d’incorporer l’unité et la continuité nationales quand la patrie est en danger. Mario B. HÉLOU Ancien attaché d’ambassade
Dans tous les pays régis par des normes, des valeurs et des principes qui fonctionnent sans coup férir, lorsqu’une nation est en danger, loyalistes et opposants s’accordent à faire prévaloir l’intérêt supérieur de cette nation sur n’importe quel intérêt personnel. Or, après trente années d’humiliations, de répressions, de servitude et de suivisme, nous avons eu...