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Actualités - OPINION

TRIBUNE Le choix des fruits et des députés

Par le Amid du Bloc national Carlos Eddé Quand vous allez au marché pour acheter des fruits, est-ce que vous les choisissez un à un ou vous acceptez que le marchand vous balance une caisse dans laquelle se trouvent pêle-mêle des produits de genre et de qualité variables ? Et pour prendre le fruit qui vous plaît, acceptez-vous d’avoir à prendre la caisse sans en examiner ses dessous, sans être convaincu de la nécessité de prendre le reste ? Si c’est ainsi que vous choisissez les fruits et légumes que votre famille et invités mangent chez vous, vous n’aurez aucun problème à accepter la loi électorale de 1960. Car dans le système majoritaire de listes, vous êtes tenu de voter pour plusieurs candidats, dont certains qui ne vous semblent pas vraiment convaincants, et ce uniquement pour remplir votre quota. Et même si vous ne votez que pour une liste partielle, vous cédez la place à ceux qui arriveront au Parlement par l’inertie du vote des électeurs passifs. Le scrutin majoritaire par listes est identique à la caisse de fruits que le marchand vous balance et dans laquelle se trouvent pêle-mêle des produits de genre et de qualité variables. Il est conçu par des « zaïms » dans leur propre intérêt, pour présélectionner des candidats dociles ou qui vont monnayer leur adhésion dans la liste de diverses façons. Ainsi, des concurrents menaçants sont bloqués et des nouveaux venus gênants écartés. Les listes électorales dans un mode de scrutin majoritaire ont pour but de servir ceux qui nous dominent et qui veulent continuer à le faire, elles sont contraires aux intérêts du citoyen. La loi électorale de 1960 est semblable à celle de 2000 et représente le plus grand obstacle à l’évolution de la démocratie au Liban. Déjà le 25 avril 1952, le Bloc national avait proposé les réformes suivantes : Adopter un mode de scrutin basé sur la circonscription uninominale à deux tours. Accorder le droit de vote aux femmes. Accorder aux émigrés le droit de participer aux élections, d’élire et d’être élus. Instaurer l’isoloir et la carte d’électeur. Déterminer le déroulement des activités électorales avec précision et transparence. Moderniser les listes d’électeurs et les mettre à la disposition de tout électeur. Déterminer des dispositions relatives au financement des campagnes électorales. Former une commission juridique spéciale pour les recours en invalidation des élections. Ce projet a été défendu à plusieurs reprises par les députés du parti, mais en 1960 au lieu d’un système de scrutin plaçant tous les citoyens à pied d’égalité, les militaires du Deuxième bureau ont fait approuver « la loi de 1960 » dans le but de faire échouer ceux qui s’opposaient à leur mainmise sur le pays et les empêcher d’obtenir un Parlement docile qui préparerait la reconduction du mandat du président Fouad Chéhab ou l’élection d’un autre chéhabiste à la présidence. Le parti s’était alors opposé à cette loi, pour tout ce qu’elle créait comme inégalités entre les électeurs qui votaient dans des cazas de taille inégale et parce qu’elle permettait les manipulations de la part du pouvoir. Défiant la procédure parlementaire, elle fut soumise au Parlement par les politiciens proches des militaires en un article unique et à caractère urgent. Cette loi a été transmise par le président du Parlement à la commission parlementaire des Finances, à majorité loyaliste, plutôt qu’à la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, comme cela aurait dû être le cas, majoritairement opposante. Les membres de la commission l’ont défigurée en abolissant la carte d’électeur. Cette loi de 1960 a été âprement critiquée par Raymond Eddé, parce qu’elle était contraire aux principes les plus élémentaires de la démocratie, de la liberté, de la justice et de l’équité entre les citoyens. Et maintenant, alors que la loi de 2000, trop impopulaire, ne pouvait être réintroduite, l’opposition armée a imposé, et certains grands électeurs de la majorité se sont vite empressés d’accepter, un système électoral qui a pour but de favoriser la formation de grands blocs de députés au détriment d’une vraie représentation du peuple libanais. Dans ce cadre précis, peu de députés auront le courage de défendre le droit des citoyens d’avoir un système de scrutin transparent et qui permette une vraie représentation. La raison en est simple : la plupart d’entre eux n’ont pas d’assise populaire indépendante ; ils ne sont arrivés au Parlement que parce qu’ils étaient sur une liste forte, et, par conséquent, ils vont défendre les intérêts de leur zaïm et préserver le système qui les a amenés à ce genre de Parlement. Les Libanais, qui veulent encore défendre leur droit à la démocratie, c’est-à-dire à la vraie représentation populaire, doivent, coûte que coûte, trouver la force de se retrouver ensemble, quelle que soit leur préférence politique actuelle, pour s’organiser, dénoncer la manipulation par le système majoritaire de listes et réclamer le scrutin uninominal. Seule la société civile, avec l’appui des journalistes indépendants et des leaders politiques motivés, peut faire parvenir ce message et faire prévaloir le droit à de vraies élections. Seul le scrutin uninominal, dans les circonstances actuelles, permet au citoyen libanais de choisir le député de façon réfléchie, indépendante, sans la manipulation des combines électorales. De plus, il permet à tout citoyen de présenter sa candidature et avoir la chance de faire entendre son message malgré les inéquités financières et l’inégalité de l’accès à la presse. Il permet un vrai contact entre électeur et élu, et offre aux citoyens une réelle possibilité de sanctionner ceux qui n’ont pas été à la hauteur de leurs espoirs. Les pressions étrangères et libanaises qui ont imposé cette loi archaïque sont énormes. Mais le consentement vient aussi par le silence des personnes concernées. En baissant les bras, en refusant de reconnaître la gravité de ce danger, par omission, le citoyen libanais devra se contenter une fois de plus d’accepter la caisse de fruits pourris que des marchands sans scrupule lui vendent. Et il sera alors trop tard pour se plaindre, une fois de plus, des effets d’une indigestion pour une durée de quatre ans.
Par le Amid du Bloc national Carlos Eddé

Quand vous allez au marché pour acheter des fruits, est-ce que vous les choisissez un à un ou vous acceptez que le marchand vous balance une caisse dans laquelle se trouvent pêle-mêle des produits de genre et de qualité variables ? Et pour prendre le fruit qui vous plaît, acceptez-vous d’avoir à prendre la caisse sans en examiner ses dessous,...