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Actualités - REPORTAGE

Société - Une campagne de sensibilisation et de collecte de fonds dès le 25 juillet Le rêve de Fadi Maalouf?: un bateau phénicien pour faire connaître le peuple à l’origine de l’alphabet

Si, dans un an ou plus, au large de Tyr, il vous arrivera d’observer un bateau phénicien authentique portant à son bord des personnages en costumes d’époque, se dirigeant vers l’Europe, ne vous frottez pas les yeux?: vous n’aurez pas été projetés dans le passé accidentellement?; ce spectacle prouvera juste que le rêve de Fadi Maalouf est devenu réalité. Son projet est en effet de reconstituer (pour la seconde fois) un bateau phénicien qui, cette fois, partira pour l’Europe faire connaître la culture et le passé de cette terre qui est aujourd’hui le Liban. Une campagne de sensibilisation et de collecte de fonds sera bientôt lancée dans les différentes villes libanaises pour aider à concrétiser cette vision. Fadi Maalouf, fondateur de l’organisation Peace Missions, n’est pas novice en la matière?: cela fait depuis 2003 qu’il est plongé dans l’histoire phénicienne et qu’il rêve de voir un authentique navire phénicien prendre le large. Un premier bateau a bien été réalisé grâce à lui à Tyr, confectionné par un artisan du nom de Georges Barbour, mais il a dû le vendre à la Jordanie pour cause de difficultés financières?: le bateau promène aujourd’hui les touristes dans le golfe de Aqaba. La seconde embarcation dont rêve Fadi Maalouf aujourd’hui et qui fera le double de la taille de la première aura une tout autre mission… «?Notre principal objectif sera de porter à sept pays européens des plaques taillées dans du roc libanais, représentant l’alphabet phénicien?», explique-t-il. Pourquoi destiner ces plaques à des Européens?? «?Après des rencontres au Parlement de l’Union européenne et à la Commission européenne, nous avons constaté que de 214 parlementaires, seuls quatre avaient connaissance du fait que l’alphabet venait de chez nous, dit-il. En d’autres termes, j’en ai conclu que nous ne savons pas mettre en valeur notre culture.?» Les sept pays sont Chypre, la Turquie, la Grèce, Malte, l’Italie, l’Espagne et, enfin, la France (le dernier point du périple sera Marseille). Mettre en valeur la culture de cette terre et son histoire, c’est bien cela l’essence du projet de Fadi Maalouf tel qu’il le décrit. Les plaques dont il parle commencent à être réalisées, et elles sont en effet très artistiques. Elles représentent les différentes lettres de l’alphabet phénicien, entourées de deux personnages, l’un portant une lance et symbolisant la protection du patrimoine et de la culture, et l’autre portant une pelle pour indiquer l’importance de la dissémination de cette culture à travers le monde. Quand le bateau sera terminé, Fadi Maalouf compte engager un équipage composite de toutes les confessions et des deux sexes. «?Ces volontaires vont procéder à un jeu de rôles, ils vont devenir des personnages d’époque, dit-il. Ils vont être formés à l’histoire et à la culture de cette période par des experts de la Ligue maronite, qui sont des connaisseurs en la matière. Il y aura ainsi un volontaire qui jouera le rôle du roi Ahiram, une autre de la princesse Élissar, etc. Les critères requis sont en rapport avec la culture des candidats, qui doivent être apolitiques, tolérants au maximum et résolument modernes parce que nous allons traverser des pays de toutes sortes et ils doivent être ouverts aux cultures étrangères.?» Il précise que les candidats désireux de participer à l’aventure ne manquent pas puisqu’il y a quelque 70 ou 80 actuellement, mais que le choix, par contre, est difficile?: en effet, seuls deux lui semblent adéquats pour l’instant. Refus du financement étranger L’idée de concevoir un bateau phénicien authentique est venue à Fadi Maalouf depuis 2001, alors qu’il prenait part à une croisière en Méditerranée en voilier et qu’il s’est pris de respect pour ces premiers hommes ayant tenté l’aventure en mer. Le second bateau de sa construction, qui aura une dimension de 25 mètres, sera confectionné en bois libanais. Le budget de la construction a été fixé à 330?000 dollars environ, mais le père du projet pense que cela en vaut la peine parce que la grandeur du bateau permettra à ses «?passagers?» d’y vivre, économisant ainsi aux organisateurs de la traversée future des frais d’hôtel et de séjour. La collecte des fonds nécessaires est en soi un casse-tête. Fadi Maalouf assure vouloir que «?le public libanais soit le sponsor?». «?Quelque 150 à 160 jeunes tourneront dans les villes principales pour expliquer la teneur du projet, précise-t-il. Chacun pourra contribuer autant qu’il le désire. Le bateau en soi a besoin d’un an encore pour être complété, le projet ayant été retardé considérablement en raison de multiples circonstances.?» Pourquoi ne pas avoir recours à de grands donateurs?? Fadi Maalouf évoque des expériences malheureuses avec des entreprises libanaises qui ne se sont pas montrées intéressées. Il assure avoir reçu des propositions de pays de la région qui auraient couvert les frais du projet, notamment du Yémen. «?Mais je refuse catégoriquement un financement étranger parce que ce projet est pour le Liban?», dit-il. Il a également rejeté des offres de financement qui auraient eu un caractère politique prononcé. Pense-t-il que son projet est porteur auprès de la population?? «?Jusqu’à présent, je crois que les gens ne comprennent pas la portée du projet ni son message?», répond Fadi Maalouf. Quelle est sa véritable motivation et que pense-t-il que ce projet va apporter au pays?? «?Nous n’avons jamais été un peuple uni?; or, je crois que l’histoire et la culture nous rassemblent, souligne-t-il. De récentes études sur l’ADN des Libanais ont montré que 63?% d’entre eux avaient une ascendance phénicienne. Il faut que nous répandions cette culture sans attendre l’État, qui n’a jamais été efficace sur ce plan. Nous sommes les habitants de cette terre et cette histoire nous appartient.?» Ne croit-il pas que ce projet a un caractère quelque peu utopique?? «?Ce sont les rêveurs qui font l’histoire, dit-il. Ce projet m’a ruiné financièrement, mais au moins je sais que je travaille, que je fais quelque chose pour mon pays, ce pays pour lequel j’ai beaucoup sacrifié durant la guerre. Mais je trouve qu’il faut parler de cette histoire, qui est celle du premier peuple à avoir construit un empire fondé sur l’économie, non sur la force et la brutalité. Nous avons apporté l’alphabet au monde.?» La campagne de collecte de fonds, qui sera naturellement doublée d’une campagne de sensibilisation au projet, sera lancée le 25 juillet. Si tout va bien, le bateau devrait pouvoir faire sa tournée l’été prochain. Bien que, historiquement, les Phéniciens se soient lancés à partir de Tyr, Fadi Maalouf préfère que ce voyage prenne son point de départ de Beyrouth «?parce que c’est la capitale et qu’elle rassemble plus?». Malgré toute la bonne volonté, ce projet a encore des jours durs devant lui. Son concepteur se fixe-t-il un délai au-delà duquel il ne cherchera plus à le concrétiser?? «?Le délai final, c’est le jour où on m’enterrera, dit-il. Je ne laisserai jamais tomber ce rêve.?» Un projet similaire… en Syrie Fadi Maalouf rêve de son bateau phénicien depuis 2001, et il a entamé son action depuis 2003, donnant, à ce propos, un grand nombre d’entretiens à la presse. Il comptait, sans succès, concrétiser son rêve au printemps dernier (en raison de retards, le bateau ne devrait prendre le large que l’été prochain). Quelle n’a pas été sa surprise quand il a su qu’une reproduction d’un bateau phénicien, présentée comme la première du genre, était en construction en Syrie par une société britannique, dans la perspective de ce qui a été conçu comme un voyage identique à celui qu’avaient entrepris les Phéniciens d’alors et qui les avaient menés jusqu’en Afrique. Le voyage de Syrie devrait être lancé en août. «?J’ai parlé à Philip Beale, en charge du projet en Syrie, raconte Fadi Maalouf. Je l’ai informé de notre projet antérieur au leur, et il ne m’a pas paru surpris, même s’il n’a pas reconnu être au courant. Je lui ai demandé le pourquoi de leur voyage, et il m’a répondu que son objectif était éducationnel et qu’ils voulaient prouver que les Phéniciens avaient bien fait le tour de l’Afrique. Mais son argument ne tient pas. Pourquoi essayer de prouver ce qui est déjà historiquement établi???» Ce n’est pas seulement contre ces points que Fadi Maalouf s’insurge. «?Ils ont décidé de prendre pour point de départ Arwad (Syrie) en négligeant le fait que les Phéniciens étaient partis de Tyr, dit-il. Ils peuvent passer par Tyr tout en évitant les eaux israéliennes, si tel est leur souci. Or, le Liban ne figure même pas sur leur itinéraire?!?» Au-delà du projet en soi, Fadi Maalouf exprime des craintes autrement plus profondes. «?Selon moi, les Syriens – parce que ce sont eux qui sont derrière ce projet, même s’ils prétendent que le financement provient d’entreprises britanniques, celles-ci ayant, selon mes recherches, des actionnaires syriens en majeure partie – tentent de montrer au monde que les cultures libanaise et syrienne ne font qu’un, dit-il. C’est ma crainte.?» Suzanne BAAKLINI
Si, dans un an ou plus, au large de Tyr, il vous arrivera d’observer un bateau phénicien authentique portant à son bord des personnages en costumes d’époque, se dirigeant vers l’Europe, ne vous frottez pas les yeux?: vous n’aurez pas été projetés dans le passé accidentellement?; ce spectacle prouvera juste que le rêve de Fadi Maalouf est devenu réalité. Son projet est...