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Actualités - OPINION

Musique classique et jazz

Plusieurs personnes considèrent le jazz comme la « nouvelle musique classique », entendant par cela la musique subtile, intellectuelle et complexe par opposition au pop et aux musiques commerciales, faciles à écouter. Pourtant, pour plusieurs mélomanes avertis, amateurs de Mozart, Beethoven et Bach, la transition entre les deux reste difficile : ils sont incapables d’apprécier ces nouvelles sonorités et restent coincés dans la musique des siècles passés. Le jazz leur paraît incohérent, dissonant ; ils ne saisissent pas la logique qui lie les notes ensemble et se privent, par conséquent, d’un plaisir auditif d’autant plus exquis qu’il existe une infinité de styles et de tendances regroupés sous ce même nom générique. Le but de ce qui suit est de tenter de synthétiser les grands acquis du jazz, ensuite de proposer un parcours progressif d’appréciation pour les habitués de la musique dite classique. Une des caractéristiques principales du jazz est la syncope, c’est-à-dire le contretemps. Sans cette technique, il n’y a pas de jazz possible. Les compositions de Scott Joplin, considérées historiquement comme les premières partitions écrites de jazz, étaient appelées « rag-time » (temps déchiré) et, comme le nom le corrobore, la syncope y joue un rôle essentiel. Ce grand apport des Noirs (les véritables inventeurs du jazz) à la musique internationale provient peut-être du fait que le rythme a toujours tenu dans la culture africaine une place plus prépondérante que dans la culture européenne ; en effet, les populations africaines antiques communiquaient entre elles, par exemple, d’un village à l’autre, grâce à des instruments de percussion, en martelant des phrases rythmiques sur de grands tambours. Ce détail est significatif du rôle essentiel du rythme dans cette culture subsaharienne. Cela ne veut pas dire que la musique occidentale n’avait aucune notion du rythme, bien entendu, mais cet art était vraisemblablement plus élaboré et plus nuancé dans la culture africaine. Et la syncope, c’est avant tout une subtilité rythmique, qui inculque du dynamisme à un rythme linéaire. Le second principe essentiel du jazz et qui concerne l’enchaînement mélodique et harmonique des notes vise également à renforcer le dynamisme de la partition. En effet, la mélodie jazz se base sur l’intervalle de quarte mineure (5 demi-tons), qui est l’un des intervalles les plus forts de la gamme diatonique classique. Ainsi, dans le « twelve-bar » (progression harmonique à la base du blues), que l’on peut résumer par « I-I-I-I; IV-IV-I-I; V-IV-I-I », nous voyons que cet intervalle est primordial pour la variation, de I à IV (en sens ascendant) et de I à V (en sens descendant). Certaines compositions sont même construites sur un schéma appelé cycle de quartes (c’est le cas du célèbre Autumn leaves ), où l’importance de cet intervalle est évidemment impossible à nier. Ces deux notions théoriques étant les deux pierres d’angle de la musique jazz, il ne reste plus qu’à apprendre à les identifier et apprécier leur impact au milieu d’une mélodie par ailleurs simple. Pour cela, il vaut mieux commencer par les compositeurs de transition, les tout premiers auteurs de jazz. Deux noms sont à retenir : Scott Joplin (que l’on a évoqué plus haut), auteur de pièces célèbres comme The Entertainer ou Maple Leaf Rag, et bien entendu le grand George Gershwin. Ce dernier a composé tous les grands titres classiques du jazz qui ont fait l’objet d’une infinité de reprises et de réadaptations, comme Summertime, It Ain’t Necessarily So, The Man I Love, Rhapsody in Blue, etc. Après avoir bien étudié ces deux ancêtres du jazz, il est recommandé de se procurer du jazz des années 30 à 50 le style appelé Big Band et qui comprend Duke Ellington, Louis Armstrong, Ray Charles, etc. Cette période du jazz (par ailleurs extrêmement agréable à écouter) est plus ou moins académique, et les règles expliquées plus haut y sont appliquées avec une certaine clarté, et constituent donc un bon début pour se former l’oreille aux «?blue notes?». Parce que à partir de Charlie Parker et le style qu’il créa dit « Bebop », la musique jazz est devenue beaucoup plus « baroque », plus complexe et plus improvisée, devenant plus tard pratiquement hermétique pour le néophyte avec l’apparition du « Free Jazz », mouvement créé par Ornette Coleman et qui, comme son nom l’indique, s’affranchit totalement des règles établies. Espérons que cette présentation extrêmement sommaire (des tomes immenses ont été écrits sur ce sujet inépuisable sans pour autant être exhaustifs) de la musique jazz poussera plusieurs amateurs de musique classique à s’aventurer un peu plus loin dans cet univers bleu et à découvrir de nouvelles sonorités fascinantes, parfois émouvantes, et en perpétuelle évolution. Maroun RACHED
Plusieurs personnes considèrent le jazz comme la « nouvelle musique classique », entendant par cela la musique subtile, intellectuelle et complexe par opposition au pop et aux musiques commerciales, faciles à écouter. Pourtant, pour plusieurs mélomanes avertis, amateurs de Mozart, Beethoven et Bach, la transition entre les deux reste difficile : ils sont incapables d’apprécier...