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Actualités - OPINION

Le rôle des militaires dans le règlement des crises II - Franco ou de Gaulle, mais vite?!

Beyrouth-Ouest risque de connaître le sort du Liban-Sud quand, dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, celui-ci étaient occupé par les organisations palestiniennes qui humiliaient les chiites. Les débordements palestiniens des années soixante-dix ont expliqué plus tard l’accueil fait à l’armée israélienne en 1982. Aujourd’hui, le danger n’est pas en une intervention israélienne, comme en 1982. Israël n’en a que faire puisqu’il ne pouvait rêver mieux qu’un enlisement du Hezbollah dans les sables mouvants libanais. Le danger est dans un affaiblissement de la modération sunnite et la progression en force de l’intégrisme qui a nom el-Qaëda en Irak et Hamas à Gaza. Cette politique confessionnelle a pompé tout l’oxygène de l’atmosphère libanaise et nous sommes désormais contraints d’avaler le gaz carbonique (voir L’Orient-Le Jour du mardi 24 juin 2008). Franco est-il la solution ou de Gaulle ? La crise libanaise de 1958 avait pour nom «?la peur chrétienne?». En 1975, elle eu pour nom «?le leurre sunnite?». Elle a actuellement pour nom «?la privation subie par les chiites?». Le Liban souffre de deux grands problèmes locaux (et d’un ensemble de petits, ou grands, problèmes régionaux que nous ne pouvons maîtriser). Le premier est celui de l’État et le deuxième est celui de la suppression de la privation qui a frappé la communauté chiite. Ce n’est pas la première fois qu’un État prend le dessus sur un autre État au Liban. L’État palestinien était plus fort que l’État libanais et l’a fait imploser en 1975. Mais c’était l’État des organisations. Aujourd’hui le grand État est celui d’une communauté. Mais soyons réalistes et ne feignons pas d’ignorer que la communauté chiite a vécu une amertume, une privation et une marginalisation politique et sociale que n’ont pas connues les autres communautés. En fait, chaque enfant chiite porte sur ses vêtements des taches du sang versé à Kerbala. Tous ces facteurs additionnés donnent naissance à ce que nous voyons à présent. Lorsque l’État avait tenté, sous la présidence de Fouad Chéhab, de s’occuper du développement des régions chiites, il s’était heurté au barrage dressé par la féodalité chiite qui était plus forte que les familles de cette communauté et ses sages. Kamel el-Assaad s’était opposé au Nahj chéhabiste en s’accrochant à ses privilèges féodaux et en œuvrant au maintien des chiites dans le sous-développement et la misère. En 1940, de Gaulle avait fait face à l’ennemi nazi. Il avait gagné la guerre avec l’aide des Alliés, mais il avait dû ensuite faire face à une armée plus forte que celle de l’État?: l’armée française d’Algérie qui s’était mutinée contre lui. Un appel à la radio a suffi pour que la France le soutienne et que son armée se meuve et vienne à bout des généraux rebelles. De Gaulle avait alors affronté ce que Beyrouth-Ouest affronte à présent : une subjugation et un comportement visant la provocation. Celle-ci est en droit de pratiquer un électrochoc à l’exemple de celui utilisé par de Gaulle à Baden-Baden. Les généraux français œuvraient au maintien des privilèges des Français d’Algérie, alors que les chefs du Hezbollah sont à la recherche, pour leur communauté, de privilèges qui puissent résoudre la problème de la longue et réelle privation qu’elle a endurée depuis la création du Grand Liban. Le problème de la communauté chiite n’est pas religieux ou confessionnel et il ne réside pas dans la seule wilayat el-faqih ni en la seule protection iranienne. Le fond, le vrai fond du problème est la privation réelle, et non théorique, qu’elle a subie et qui constitue un terreau fertile, facilitant l’adhésion aux slogans de la Résistance, la résistance-prétexte. Ni la guerre du Hezbollah n’est une vraie guerre ni sa paix n’est une vraie paix. Comment le général Sleiman traitera-t-il avec les chefs de l’État du Hezbollah soutenu par les fils de la communauté chiite ? Cet État essaye de leur trouver une place décente sous le soleil libanais. Le général Sleiman les traitera-t-il comme de Gaulle a traité les généraux d’Algérie ? L’insurrection va-t-elle se répéter, dont le recours aux armes en mai a constitué le début ? Cette insurrection et ce recours aux armes prendront-ils fin par la grâce d’un appel comme celui lancé par de Gaulle à la suite du putsch des généraux d’Algérie ? Il y avait sur la scène espagnole l’Allemagne et l’Italie, tout comme l’Iran et la Syrie sur la scène libanaise d’aujourd’hui. Mais Franco a su comment devenir américain après la défaite de l’Allemagne, et de Gaulle (qui avait pourtant profité de la résistance communiste pendant la guerre) lui a donné sa bénédiction en jugeant son inventaire «?positif?». De Gaulle a assuré à la France la sécurité, la liberté, la démocratie, la prospérité et le confort. Franco a donné à l’Espagne la sécurité et la pauvreté tout en confisquant la liberté. Mais la question n’est pas de savoir qui est le meilleur, mais qui est le détenteur du remède approprié au mal. Le Liban vit aujourd’hui la même situation décrite dans les bulletins espagnols, à savoir une situation où «?il n’y a pas d’État?», où le «?chaos?» règne, où «?lorsque l’on a demandé la justice, on nous a ôté la liberté?» et «?lorsque l’on a demandé la liberté, on a obtenu un cirque donné en spectacle par la classe politique?» ! Tous les jours, l’autre État joue l’abadaye dans Beyrouth-ouest, comme le faisaient les organisations palestiniennes au Sud dans les années soixante-dix, et comme le faisait la jeunesse estudiantine française en mai 68. Franco avait résolu le problème espagnol à un moment où il n’y avait plus d’État, ou plutôt à un moment où il y avait plusieurs États et un chaos généralisé. Il a liquidé ses adversaires, ainsi que tout ennemi de la sécurité. De Gaulle avait résolu le problème posé par «?l’autre État?» que les généraux avaient commencé à installer en Algérie. Il avait résolu le problème des étudiants et celui posé par les syndicats qui leur avaient emboîté le pas. Il l’avait fait en respectant la liberté, en faisant jouer les règles de la démocratie, en lançant un appel au peuple et en recourant à un électrochoc en dernière minute. Le général Sleiman a-t-il besoin d’imiter Franco?? Ou bien ferait-il mieux d’imiter de Gaulle, cette grande figure à laquelle se référait continuellement Chéhab, lequel avait sorti le Liban de la guerre de 1958 sans vainqueur ni vaincu avant de passer le flambeau. Dans une déclaration célèbre en 1970, il avait fait état de son retrait de la vie politique en exprimant son dégoût vis-à-vis de la classe politique qui avait raté toutes les occasions et qui s’était endormie depuis cinquante ans alors que les bourrasques soulevées par l’évolution de la pensée mondiale étaient aux portes. Le général Sleiman peut-il réaliser le miracle ? La classe politique est la même que celle de 1943 – que dis-je, de 1920. C’est elle qui perdu l’occasion créée par Chéhab en 1970, comme l’a reconnu Raymond Eddé aux derniers jours de sa vie. Le dialogue engagé à Doha, par États interposés, relève d’une ancienne manière de procéder bien libanaise et qui n’est plus acceptable à l’époque des cerveaux électroniques, du franchissement du mur du son et de la chute du mur de Berlin (à noter cependant qu’on a oublié les raisons économiques de sa construction, tout comme on oublie aujourd’hui le gentil mur israélien !) Les politiciens, depuis 1943, sont toujours les mêmes. La seule différence entre eux et leurs pères réside dans la manière de plier les genoux devant leurs maîtres. Depuis 1958 et tout au long de ces cinquante dernières années, les politiciens font tourner un moulin qui ne moud que du vent. Depuis un demi-siècle, le peuple libanais évolue sur des épines et des bris de verre. L’hémorragie de l’émigration, les troubles sécuritaires, la quête d’une vie décente constituent autant de cris lancés à la face de la classe politique aux multiples allégeances et qui sommeille sur son oreiller entre son verre et son tapis de prière. Le général Michel Sleiman ne peut rester dans cet espace interdit qui ne sait aimer ni haïr. Il fait face à une classe politique prête à se vendre au plus offrant. Franco ou de Gaulle… et vite ! Abdel Hamid EL-AHDAB Avocat
Beyrouth-Ouest risque de connaître le sort du Liban-Sud quand, dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, celui-ci étaient occupé par les organisations palestiniennes qui humiliaient les chiites. Les débordements palestiniens des années soixante-dix ont expliqué plus tard l’accueil fait à l’armée israélienne en 1982. Aujourd’hui, le danger...