Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

COMMENTAIRE La vérité sur le partage des charges de l’OTAN

Par Jaap DE HOOP SCHEFFER* Lorsqu’ils abordent le sujet de l’Afghanistan, beaucoup de journaux suggèrent encore que certains alliés de l’OTAN ne se comportent pas comme ils le devraient sur place, et sont soit incapables, soit réticents à faire un plus grand effort. Naturellement, ces alliés estiment quant à eux que leurs efforts sont sous-estimés. Mais qu’est-ce, en fin de compte, qu’une charge juste et équitable ? Tout d’abord, le débat sur le partage des charges (« burden-sharing ») ne doit pas se réduire à l’actualité des soldats déployés sur le sol afghan, car, aussi important que soit le niveau de ces troupes, il ne dévoile qu’une seule facette de la situation. Laissez-moi élargir le débat et proposer un point de vue plus holistique, en évoquant trois éléments interconnectés : la transformation de la défense, les opérations et le plus vaste contexte des efforts de la communauté internationale. La transformation de la défense est un aspect-clé du partage des charges. Il est une règle d’or au sein de l’Alliance, qui veut que la majorité des forces et des capacités de l’OTAN soit la propriété de nations individuelles – la flotte du Système de détection et de commandement aéroporté (SDCA) de l’Alliance est une exception. Comme je ne m’attends pas à voir les nations abandonner ce principe, l’OTAN continuera à dépendre des alliés individuels et de leur volonté d’engager leurs ressources. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le type de forces et de capacités dont l’OTAN a besoin n’est pas si disponible que cela dans les stocks nationaux. Beaucoup des forces armées de l’OTAN conviennent mieux à la défense territoriale statique qu’aux types d’opérations expéditionnaires nécessaires en Afghanistan. Et, lorsque le bon type de forces et de capacités existe, les opérations menées par les Nations unies, l’Union européenne ou des coalitions ad hoc, ainsi que les besoins nationaux, exercent des pressions supplémentaires sur ces éléments. Le développement des capacités expéditionnaires nécessaires est une caractéristique majeure du processus de transformation de l’OTAN. Mais il n’est pas possible de convertir les forces territoriales en forces expéditionnaires du jour au lendemain, et les coûts de transformation rivalisent souvent avec ceux du déploiement de forces pour les opérations. De nombreux alliés sont confrontés au dilemme soit de dépenser de l’argent pour les opérations, soit d’investir dans de nouveaux programmes d’acquisitions. En outre, l’échec de nombreux alliés à respecter la cible des 2 % du PIB pour leurs budgets de défense exacerbe ce dilemme, et creuse le fossé de capacités avec ceux qui investissent dans des forces utilisables et que l’on peut déployer. Mais, bien qu’il n’y ait pas de substitut aux budgets appropriés consacrés à la défense, nous pourrions utiliser à meilleur escient les niveaux de dépenses actuels, particulièrement par une approche plus intelligente des acquisitions. Malheureusement, en dépit des efforts de l’OTAN et de l’UE, le secteur de la défense de l’Europe reste fragmenté, ce qui débouche sur des répétitions inutiles, sur une rivalité qui n’apporte rien entre des systèmes rivaux trop nombreux et sur des différences de capacités ou des incompatibilités significatives. En Afghanistan, par exemple, les systèmes nationaux de pistage des forces alliées, vitaux pour éviter des attaques accidentelles des soldats alliés, ne sont pas compatibles. Il faut par conséquent investir plus de temps et d’argent dans l’achat de ces matériels. En Europe, beaucoup de budgets nationaux de défense ne peuvent plus entretenir à la fois une armée nationale entièrement équipée et une industrie de la défense nationale. Seules les multinationales les plus intelligentes et la coopération transatlantique nous fourniront des forces capables d’affronter les défis de sécurité actuels. Dans une alliance fondée sur le principe « un pour tous, tous pour un » il est vital que toutes les nations participent visiblement aux opérations, de façon juste. L’OTAN a par conséquent mis au point un mécanisme de partage des charges afin d’évaluer les engagements en armement de ses membres pour les activités opérationnelles critiques, proportionnellement à leurs revenus nationaux bruts. Ce genre d’arithmétique a le mérite de donner quelques indications sur le partage des charges, mais il a aussi été démontré que graphiques et tableaux ne suffisent pas à capturer intégralement ce partage. Comment décide-t-on de ce qu’est une contribution juste pour un pays de 50 millions d’habitants, comparé à un pays de seulement quatre millions ? Comment évaluer la contribution d’une infanterie légère par rapport à la provision d’outils critiques, comme des hélicoptères ou des avions ravitailleurs ? Sur quel laps de temps effectuer ces calculs ? Un financement commun, où tous les membres paient une part proportionnelle à leur PIB, est un instrument qui peut être utilisé pour atteindre un partage des charges plus équitable. Traditionnellement, l’OTAN applique une politique « les coûts reviennent à ceux qui les engagent » : chaque membre règle tous les coûts de sa contribution pendant une opération de l’Alliance. Au cours des deux dernières années, la politique de financement de l’OTAN a été actualisée, afin de permettre au financement commun de servir d’incitation pour la provision de certaines capacités de mise en œuvre au niveau du terrain, comme des équipements médicaux, des aéroports recevant les soldats et le matériel, ou les renseignements. Le partage des charges est un sujet sensible, à la fois pour l’OTAN et pour la communauté internationale, et il arrive qu’il déchaîne les passions. En prenant du recul pour obtenir une vision d’ensemble, il est clair qu’il ne s’agit pas juste d’avoir les bonnes capacités, mais aussi l’argent et la volonté politique de les déployer. Aucune mesure ne peut à elle seule résoudre le problème du partage des charges. Mais l’éventail d’initiatives entreprises actuellement à l’intérieur de l’OTAN devrait y contribuer : il s’agit des efforts de transformation pour augmenter la réserve des troupes utilisables et aptes à être déployées ; d’un plus grand recours aux initiatives multinationales ; d’une plus grande confiance dans les financements communs pour assister la génération des troupes, et d’une approche détaillée pour partager les charges de façon plus équitable dans la communauté internationale. Une alliance comme l’OTAN, contrairement à de nombreuses « coalitions de volontaires », dispose de structures de consultation politique, de mécanismes de programmation confirmés, de systèmes de commandements et de contrôles efficaces et d’une légitimité qui incite les nations à participer aux opérations. La solidarité de l’Alliance est davantage qu’un slogan. Le sentiment de respecter ses obligations et ses engagements envers d’autres alliés, sur qui la sécurité de chacun dépend en fin de compte, encourage vivement à souhaiter une répartition équitable des charges. Un partage des charges totalement juste n’est peut-être pas possible, mais une organisation de sécurité comme l’OTAN est sans aucun doute le meilleur moyen de nous en approcher. *Jaap de Hoop Scheffer est secrétaire général de l’OTAN. © Project Syndicate, 2008. Traduit de l’anglais par Bérengère Viennot.
Par Jaap DE HOOP SCHEFFER*

Lorsqu’ils abordent le sujet de l’Afghanistan, beaucoup de journaux suggèrent encore que certains alliés de l’OTAN ne se comportent pas comme ils le devraient sur place, et sont soit incapables, soit réticents à faire un plus grand effort. Naturellement, ces alliés estiment quant à eux que leurs efforts sont sous-estimés. Mais qu’est-ce, en...