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Actualités - OPINION

Question de principes

Je m’en vais raconter une anecdote «?arabe?» bien de chez nous, qui m’est restée en tête depuis le temps de mon adolescence et qui, sans doute, fera sourire jaune. C’était à l’époque de la prospérité du Liban. On y venait de tout le Moyen-Orient pour s’y promener, profiter du climat, faire les souks. Aussi, vit-on arriver, un beau matin, l’un de ces visiteurs, de condition très moyenne, sorti d’Égypte ou de Syrie (quelle importance??), effectuant ce déplacement pour la première fois de sa vie. L’histoire précise qu’il avait eu la précaution de solliciter quelque conseil judicieux pour ne pas se faire avoir. Car, lui avait-on dit, les Libanais sont des commerçants roublards, imbattables sur le plan marchandage. Voilà pourquoi on lui recommanda fortement de ne jamais payer au-delà de la moitié de ce que tout marchand pouvait proposer lors d’un achat éventuel. Notre ami, obéissant à la lettre, se promène donc dès le lendemain devant les étalages du souk Sursock (qui s’en souvient encore??) et s’arrête pile devant une série de défroques à faire pâlir d’envie. – «?Combien, la chemise???» demande-t-il. Avec un large sourire de bienvenue, le préposé sur place lui répond?: «?Huit livres, mon ami.?» – «?C’est trop cher, rétorque automatiquement notre nouveau venu. Cela ne vaut pas plus de quatre.?» Le vendeur, bon enfant, lui propose?: «?Alors ce sera six livres pour vous faire plaisir.?» – «?Eh non?! reprend notre ami, je ne vous en donne plus que trois.?» – «?Vous voulez rire?! Dans ce cas… si j’en acceptais quatre, que diriez-vous???» – «?Je vous dirais?: Deux?!?» Alors le marchand, de bonne humeur ce matin-là, et voulant jouer le jeu jusqu’au bout, réfléchit un instant et décrète à haute voix?: «?Ici, nous aimons les touristes. Et comme il me semble vous voir pour la première fois, je vais faire un geste dont vous vous souviendrez toute votre vie?». Puis, saisissant au hasard un sac de papier, il y fourre la chemise convoitée et la présente à son client?: – «?Tenez?! Je vais vous l’offrir…?» Que pensez-vous qu’il advint?? Je vous le donne en mille. Notre ami, poliment, repousse le paquet tendu et, sur un ton qui n’admettait pas de réplique, prononce comme une sentence?: – «?Non merci?! À moins que… vous m’en donniez deux?!?» La morale de l’histoire, vous l’avez comprise, n’a pas varié d’un pouce. C’est ainsi qu’en Orient on traite ses affaires. Et c’est ainsi que nous assistons aujourd’hui au plus comique, au plus ridicule, au plus grotesque marchandage qu’on ait jamais imaginé dans notre «?bananière de république?». Aussi, au point où nous en sommes, ne reste-t-il à nos hérauts du 14 Mars qu’une seule et unique solution?: jouer, comme le vendeur, leur jeu jusqu’au bout. Car de même qu’il est illogique de demander en même temps une chose et son contraire, de même il est absurde d’exiger un dialogue politique aussi fondamental sans y inclure tous les aspects existentiels qui doivent sous-tendre une démocratie. Il faudra bien, par conséquent, afin de tester les «?intentions?», pousser le raisonnement de l’opposition jusqu’à ses extrêmes en la mettant en demeure d’être conséquente avec ses propres exigences. Le discours se résumerait en quelques mots, dont voici l’essentiel?: «?Vous voulez contrôler et le Législatif et le gouvernement, et la loi électorale en gestation?? Fort bien?! Pourquoi pas aussi la présidence de la République?? Pas d’inconvénient… sauf qu’un tel panier est forcément «?incomplet?» et ne suffira pas. Car tout devrait y passer. Non plus un paquet tronqué, mais un ballot géant englobant l’armée, les forces de sécurité, l’administration entière, la justice, les lois passées et à venir… et la Constitution elle-même. Que le nouvel État auquel vous prétendez aspirer soit complètement refondu, reconstruit et réinstallé?! Mais alors, dans ce cas, et pour être en harmonie avec la notion de tout État qui se respecte, êtes-vous prêts, vous, Hezbollah, à offrir sur un plateau d’argent, à la nouvelle armée de ce nouvel État, toutes vos armes, toutes vos munitions, toutes vos arrière-pensées libanisées?? Êtes-vous prêts à déconnecter tous les raccords électriques et téléphoniques illégaux?? Êtes-vous prêt à faire payer à chacun parmi vos ouailles ce qu’il doit aux administrations publiques, à l’Électricité du Liban, à la trésorerie de l’État?? Quant à vous, mon général, si vous deviez coiffer la chose, êtes-vous prêt, au nom de la crédibilité, de la dignité de notre République, à régimenter tous les abus?? Non seulement dans les rangs de la majorité, mais encore, mais surtout dans ceux de vos alliés, syriens et iraniens compris?? Si oui, alors, au nom de la survie de notre pays, vous devrez vous engager, sous forme de charte par-devant le peuple entier, comme cela se doit faire lors de toute prise de pouvoir, à contrôler les frontières avec la Syrie comme vous les contrôlerez avec Israël. À faire libérer nos prisonniers, croupissant de part et d’autre de ces mêmes frontières. À stopper le blanchiment des sommes qui alimentent le principal parti parmi vos alliés et lui permettent de se comporter comme un État dans l’État. À récupérer les lambeaux de territoire que vos amis préfèrent voir encore entre les mains des Israéliens. À faire appliquer à la lettre toutes les résolutions de l’ONU nous concernant, et à réviser les honteux traités, imposés par l’occupant durant trente années. Redonner, en un mot, au Liban, ce minimum de sécurité et de sérieux qui en refera une nation et un État de droit. Cela fait, nul ne vous empêcherait de proposer à la Syrie une relation privilégiée, se traduisant par le respect des décisions internes propres à chacun des deux gouvernements, la liberté de déplacement des capitaux entre les deux pays et un marché commun au plein sens du terme qui risquerait d’attirer un jour et l’Irak et la Jordanie et peut-être la Turquie… Si vous êtes d’accord pour gérer de la sorte notre État, alors «?mabrouk?», mon général?! C’est non seulement un «?panier?» que nous vous offrirons, mais notre cœur et notre reconnaissance. Avec des fleurs, à l’appui?! Car l’affaire ne peut plus attendre. Nous voulons, nous exigeons un État de vrai droit. Louis INGEA Architecte d’intérieur
Je m’en vais raconter une anecdote «?arabe?» bien de chez nous, qui m’est restée en tête depuis le temps de mon adolescence et qui, sans doute, fera sourire jaune.
C’était à l’époque de la prospérité du Liban. On y venait de tout le Moyen-Orient pour s’y promener, profiter du climat, faire les souks. Aussi, vit-on arriver, un beau matin, l’un de ces visiteurs, de...