Rechercher
Rechercher

Actualités

Pour défendre les principes du 14 Mars Par Carlos EddÉ, Amid du Bloc national

Les combats se sont arrêtés, mais des incidents continuent ; les milices ont été retirées en apparence de la rue, mais elles attendent leur heure ; les routes sont débloquées pour le moment, l’aéroport a repris ses activités, mais il dépend du bon vouloir du Hezbollah. L’agressivité verbale s’est calmée. Le Liban a finalement un nouveau président de la République. Dans un tel contexte, les Libanais s’interrogent sur leur avenir. Les plus optimistes auraient pu penser que les conflits externes qui se jouaient sur notre territoire ont été résolus. Les sceptiques, quant à eux, estiment qu’il ne s’agit là que d’une trêve. Les événements qui ont lieu à l’heure où ces lignes sont écrites risquent de donner malheureusement raison à ces derniers. Le mouvement du 14 Mars a repris les idées de Raymond Eddé dans sa lutte pour l’indépendance, la souveraineté du Liban, l’établissement de l’État de droit et la défense des libertés. En 2004, avec le Rassemblement du Bristol, le pays s’était divisé en deux camps : ceux qui étaient pour ces idéaux ou se sont ralliés à eux, et ceux qui étaient pour maintenir la présence syrienne. La coalition qui s’est forgée au cours des réunions du Bristol a initié la révolution du Cèdre et réussi à rétablir l’indépendance du Liban au prix de lourds sacrifices. Erreurs et occasions ratées Au lendemain de cette victoire historique, et alors qu’elle devait se traduire différemment dans les urnes, les calculs électoraux personnels et les ambitions de certaines de ses composantes principales ont commencé à fissurer l’alliance. Pour commencer, il y a eu la désertion du général Michel Aoun et sa trahison à la cause de la souveraineté libanaise : il a rejoint les rangs prosyriens, reniant toutes ses positions passées en échange de vagues promesses et d’obscurs avantages. Ensuite, le rapprochement électoral avec le Hezbollah et Amal, amorcé par Saad Hariri et Walid Joumblatt, qui, sans informer leurs autres alliés ni tenir compte des conséquences de cette action sur l’avenir de la cause libanaise, donnaient naissance à la fameuse alliance électorale quadripartite. Cette erreur de jugement – voire cette faiblesse – a non seulement empêché l’arrivée au Parlement d’un grand nombre de vrais souverainistes, notamment le candidat à la présidence Nassib Lahoud, mais elle a aussi contribué à donner à Michel Aoun une stature parlementaire et politique artificiellement gonflée, lequel en a profité et fait profiter par la suite ses alliés iraniens et syriens. Cela devait donner naissance à une majorité parlementaire à l’arraché, faible, dépourvue des deux tiers et ne pouvant dès lors donner suite au rêve du printemps de Beyrouth et aux aspirations des centaines de milliers de Libanaises et de Libanais, surtout les jeunes parmi eux, qui ont répondu à notre appel sur la place des Martyrs. Les assassinats de nos quatre députés martyrs ont par la suite contribué à rendre cette majorité encore plus vulnérable. La deuxième grande erreur commise ensuite fut la reconduction de Nabih Berry à la présidence de la Chambre, annulant ainsi les effets de la fragile victoire de la majorité. Déjà à l’époque, le Bloc national se posait la question de l’opportunité de rester dans cette alliance, étant donné que sa capacité d’influencer les décisions se trouvait réduite et qu’il se voyait condamné à partager uniquement les conséquences des retombées négatives de certaines actions politiques. Beaucoup de pressions et de critiques fusaient de la part d’anciens partisans qui avaient rejoint les rangs du général Aoun par refus de l’accord quadripartite, et même parmi ceux qui étaient restés fidèles au parti, il y avait une demande pressante pour tenir une ligne indépendante des deux camps. Toutefois, ma réponse à cette demande était que l’appartenance au 14 Mars n’était pas fonction de ses composantes, mais visait à défendre une cause, que pour y arriver, nous devions nous battre avec les moyens à notre disposition et les alliés disponibles, et que nous n’avions pas toujours le loisir du choix de ces derniers. Il fallait rester pour faire ensemble le contrepoids à un adversaire impitoyable. Durant près de deux ans et demi, au cours desquelles notre alliance a enregistré, certes, de grandes victoires qui resteront inscrites dans l’histoire contemporaine du Liban face à un adversaire sans scrupules utilisant des méthodes que nous réprouvons, et au cours desquelles nous avons aussi subi plusieurs revers et souffert de nombreuses et douloureuses pertes, nous sommes restés fidèles à cette alliance, assumant les mêmes risques, ne demandant aucun appui d’aucune nature, et sacrifiant des intérêts électoraux devant l’importance du combat pour le salut d’un Liban démocratique, indépendant, souverain et libre. Durant cette période, beaucoup d’opportunités et d’occasions ont été ratées par manque de fermeté (à l’exception notamment de l’action remarquable de Fouad Siniora à la tête du gouvernement qui a su montrer que fermeté et courage étaient compatibles avec une gestion sage et réfléchie de l’action politique), alors que le contexte international et les circonstances se prêtaient à la prise de décisions salvatrices pour le pays et auraient ouvert la voie à la victoire définitive des idéaux que portait la révolution du Cèdre. Je me suis retrouvé alors faisant partie d’un groupe – minoritaire au sein du 14 Mars – qui avait toujours privilégié les solutions tranchées, et une action plus radicale et mieux structurée. La candidature du commandant en chef de l’armée Jusqu’à sa proposition comme candidat consensuel, aucun membre du 14 Mars n’envisageait la candidature du général Michel Sleiman, en raison de ce qu’on appelait alors ses sympathies prosyriennes. Or soudainement, suite, paraît-il, à une initiative égyptienne et à un aval saoudien, le tout encouragé par la mission de Bernard Kouchner à Beyrouth, la candidature du commandant de l’armée est proposée publiquement par l’un des députés du 14 Mars et endossée par la plupart de ceux qui y étaient jusque-là résolument opposés, l’argument avancé étant que le 14 Mars n’aurait pas d’autre alternative et que, de toute manière, le général Sleiman s’était rapproché de notre point de vue. Or, arriver à cette décision était un aveu d’échec de la politique menée pendant les deux ans et demi qui avaient suivi les élections législatives, car elle avait empêché de mettre en place le contexte nécessaire à l’élection d’un homme politique civil représentant la ligne souverainiste. Les principaux motifs étant le retournement de Michel Aoun, une campagne de sape que menaient contre certains les services de renseignements de l’armée encore liés aux services syriens et les conséquences de l’accord quadripartite qui avaient provoqué, au sein de la communauté chrétienne et surtout de l’Église maronite, une méfiance vis-à-vis du Courant du futur et du PSP. En tout cas, le 14 Mars avait été incapable d’y faire face de façon efficace. Et puis, il y avait la menace permanente des armes. J’ai été pratiquement le seul à m’opposer à cette décision, par principe tout d’abord, par prudence ensuite et surtout, afin d’éviter de maintenir l’armée dans un état de politisation permanente. Quand on laisse libre cours, voire même lorqu’on encourage des ambitions politiques chez ceux qui sont supposés protéger l’ordre public, un dangereux conflit d’intérêts et un jeu de marchandage s’installent, aux dépens de la protection de la nation et de ses citoyens. Voilà à mon sens les retombées de la politisation de l’armée. Et quand on a besoin de la troupe comme pendant les événements de mai passé, on ne la trouve pas. C’est pour être conséquent avec la ligne politique du Bloc national que j’avais déclaré que le parti se retirerait du 14 Mars le jour où serait voté l’amendement constitutionnel devant permettre au commandant de l’armée d’être élu président. Les événements de mai m’ont renforcé dans ma conviction. L’armée n’a réagi qu’après que le Hezbollah eut achevé son coup de force. Et que devaient penser en ces moments-là ceux parmi nos alliés qui avaient défendu la candidature du général Sleiman, alors que leurs partisans étaient tués, leurs installations occupées, sous le regard impassible d’une troupe qui avait reçu l’ordre de ne pas bouger ? Les accords de Doha Les accords de Doha sont la conséquence d’arrangements régionaux et internationaux qui accommodent en premier lieu la Syrie et Israël. Pour la seconde fois en vingt ans, nous avons dû subir l’humiliation de voir nos responsables politiques aller dans un pays pétrolier faire la paix entre eux et passer des accords sous la tutelle de dirigeants arabes. Étrangement, au milieu de tant de félicitations et d’accolades, pas une référence aux victimes des meurtres, des actes de violences confessionnelles. Pour ce qui est des résultats, le premier acquis a été l’élection d’un président de la République. Ensuite, le tiers de blocage au sein du gouvernement qui, dans la forme, a les apparences d’une concession importante à l’opposition, mais qui ne fait en réalité que refléter l’effet de blocage obtenu grâce au chantage par les armes. Une seule vraie potentielle victoire obtenue, si elle est suivie par des mesures concrètes, réside dans le début d’une discussion devant aboutir au règlement de la question des armes. Mais la conséquence la plus néfaste est l’adoption de la loi électorale. Cette loi de 1960 modifiée, si on l’examine d’un œil analytique, n’est en fait que la loi de 2000 améliorée, maquillée. Sa meilleure description revient à un de mes camardes qui l’a comparée à l’accord de Yalta : à l’instar des alliés qui se sont partagé l’Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Hezbollah, à Doha, s’est octroyé à l’avance un grand nombre de sièges parlementaires, et domine ainsi la vie politique de la communauté chiite et des autres communautés qui se trouvent dans le Hezbollah Land ; c’est normal, prise de guerre, nous dira-t-on ! De même, le Courant du futur a pu garder les grandes circonscriptions sunnites, mais amputées des zones chrétiennes de Beyrouth. Des députés en moins, donc. Vae Victis ! Malheur aux vaincus ! (Soulignons ici au passage que, dans l’optique du général Aoun, un chrétien élu par un sunnite n’en est pas un, mais s’il est élu par un chiite, il est alors sanctifié). Et finalement, pour les chrétiens, il y aura des élections dans des circonscriptions à la manière traditionnelle, c’est-à-dire avec listes, alliances (et mésalliances), trahisons, achats de voix et corruption de toute sorte, bref, sans qu’il n’y ait la moindre possibilité de renouvellement de la classe politique. Et quid de notre dignité lorsqu’on voit le Premier ministre du Qatar refaire à Doha le découpage électoral de notre capitale ? En fait, la classe politique s’est mise d’accord, avec l’aide des frères arabes, pour empêcher que de vraies élections aient lieu. Seule une loi électorale basée sur un scrutin uninominal majoritaire à deux tours aurait permis à tout Libanais de se porter candidat et aux électeurs de juger qui doit être élu. C’est le seul système qui est fait en fonction de l’électeur plutôt que du zaïm. Rendons-nous à l’évidence : le Libanais n’aime pas les élections (ni législatives ni autres) et préfère les solutions dites « consensuelles » où le résultat est connu à l’avance. Les législatives chez les communautés musulmanes seront donc, comme l’élection présidentielle, négociées et décidées à l’avance. Quant aux communautés chrétiennes, les élections selon le système de listes (marchandages, argent, magouilles, manque de transparence, etc.), et prédétermineront à la fois les candidats et le choix des élus à l’avance. L’élection du président de la République Depuis les événements de mai et les accords de Doha, un nouveau président a donc été élu, non pas au moyen d’un amendement constitutionnel, mais, pire encore, en violation flagrante de l’article 49 de la Constitution pour le respect de laquelle le président élu a prêté serment. Cela est d’autant plus grave qu’à l’avenir, ceux qui ont mis en doute, à tort, pendant près d’un an et demi, la constitutionnalité et la légitimité du gouvernement Siniora finiront très probablement par contester aussi celles du président de la République en cas de différend avec lui. Ainsi, et pour être conséquent avec moi-même, je ne peux féliciter le chef de l’État pour son élection. Cependant, ayant été favorablement surpris par la teneur de son discours d’investiture, je ne peux que l’en féliciter. Sur cette base, le Bloc national soutiendra cette politique telle que définie par ce discours. Cependant, nous ne pouvons oublier, Monsieur le Président, que durant les dernières années, vous étiez le chef hiérarchique de ceux qui étaient responsables de notre sécurité. Dans votre discours d’investiture, vous avez eu l’humilité de reconnaître que des failles ont eu lieu dans cette mission, et cette autocritique est tout à votre honneur. Mais les assassins sont toujours parmi nous. Et comme tous les Libanais, nous sommes en droit de nous attendre à ce que les crimes cessent, que les assassins soient arrêtés. La nouvelle étape Une nouvelle étape commence. Comment continuer l’action politique dans la lignée historique du parti en défendant l’indépendance et la souveraineté du Liban, les libertés et les droits de tous les citoyens et l’avènement d’un véritable État de droit, quand les grandes puissances démocratiques du monde sont disposées à toutes les concessions face à l’intransigeance des régimes totalitaires de la région ? Comment aussi défendre la démocratie quand des alliés, en accord quelquefois avec nos adversaires, acceptent un système électoral qui garantit la victoire du candidat plutôt que le droit du citoyen d’exprimer librement son choix ? À quoi aura servi à ces alliés, pendant trois ans, ce comportement politique en dents de scie vis-à-vis de l’opposition, tantôt échangeant insultes et menaces avec nos adversaires, et tantôt prêts à céder sur des formules de composition de gouvernement ou autres ? J’ai été témoin de ces va-et-vient et de ces actions, improvisées sans préparatifs ni soutiens appropriés. Pendant trois ans, j’ai plaidé pour que les ressources du 14 Mars soient dirigées vers une action plus structurée avec un projet de communication plus performant pour faire face aux campagnes mensongères que nos adversaires manient si bien. L’effort d’explication de notre combat ne fut pas mené de façon efficace et la communication du 14 Mars fut pendant les trois dernières années, pour le moins qu’on puisse dire, lamentable. Après que le Hezbollah se fut imposé par les armes et pour éviter une guerre civile, le gouvernement est revenu sur les décisions que l’opposition a utilisées comme prétexte pour son coup de force. Aujourd’hui, après les accords de Doha et l’élection consensuelle du président Sleimane – à qui l’opposition a voulu qu’il commence son mandat en lui infligeant l’humiliation d’être élu de façon anticonstitutionnelle –, nos adversaires persistent dans leur attitude agressive, voire ne se cachent plus de crier haut et fort qu’ils sont subordonnés à la wilayat al-faqih ! Bravo à Michel Aoun pour avoir permis à l’intégrisme iranien une telle victoire au Liban ! Bravo à Michel Aoun d’avoir contribué à réveiller un esprit de revanche chez les intégristes sunnites ! Pour arriver au pouvoir avec ses discours haineux et violents, il devait éliminer sur son chemin les modérés de toutes les communautés. Et c’est ainsi qu’il pense se présenter comme le sauveur des chrétiens ? En mettant sa communauté en danger et en la déstabilisant totalement ? Les choix en présence Nous sommes maintenant à un croisement de chemins, avec la perspective de nouvelles conjonctures internationales. Et un choix reste à faire concernant la route à suivre. Les développements des derniers mois ont fait en sorte qu’on se retrouve délié de tout engagement institutionnel vis-à-vis du 14 Mars, ayant mis les intérêts de la cause de cette alliance au-dessus de ceux du parti ou des ambitions personnelles. Il y a six mois, le Bloc national s’était engagé à quitter l’alliance du 14 Mars si la Constitution était amendée pour élire un président. Aujourd’hui, sommes-nous tenus de respecter cet engagement et de mettre fin à notre participation aux instances du 14 Mars ? Pouvons-nous dans ces circonstances rester dans l’alliance sans être solidaires des accords électoraux du Qatar ? Au début et pendant les deux premières années d’existence de l’alliance, les réunions se tenaient avec régularité à tous les niveaux, et toutes les composantes participaient à l’élaboration de la décision politique dans un climat de concertation, quoique relative. Mais depuis quelque temps, les choses ne sont plus les mêmes. En effet, tout observateur interne du fonctionnement des instances du 14 Mars (notamment au niveau du leadership) n’aura pas manqué de percevoir le changement du modus operandi établi jusque-là. La procédure de concertation ayant progressivement commencé à céder le terrain à des consultations bilatérales ou, dans le meilleur des cas, quadripartites, entre quelques personnalités, jusqu’au point où même cette concertation semble avoir été remplacée, depuis quelques mois, par une sorte d’alliance implicite et tacite avec l’Église maronite et le commandement de l’armée, le prétexte étant que la situation imposait d’avoir ces deux instances de notre côté pour pouvoir accéder à l’élection présidentielle ! C’est ainsi que la plupart d’entre nous ont été surpris d’apprendre de graves décisions et mesures par les médias, à commencer par la candidature du général Sleiman jusqu’aux deux décisions de mai dernier sur le réseau téléphonique du Hezbollah et le brigadier Wafic Choucair. La période qui a précédé l’élection du président de la République, et surtout la façon avec laquelle les choses se sont passées à Doha, montre à quel point l’intervention étrangère au Liban est devenue directe. Ces pays, non seulement les puissances traditionnelles, mais de nouveaux venus, n’ont plus aucune retenue pour nous dicter les règles de gestion de nos affaires internes. De plus, la politique libanaise est devenue otage des montants astronomiques versés pour financer certains partis politiques, à commencer par l’Iran avec le Hezbollah, à tel point qu’il est aujourd’hui difficile de concevoir une action nationale libanaise et indépendante faute de moyens, pour faire face aux TV, à la logistique, aux salaires et aux moyens financiers que ces adversaires peuvent avoir à leur disposition pour servir tel ou tel maître. Alors, pourquoi maintenir sa présence au sein d’une alliance qui n’a rien donné au Bloc national et avec laquelle il est en désaccord pour ce qui a trait à la méthode d’action ? Certains de nos alliés, que j’ai informés de notre décision de nous retirer de l’alliance il y a trois semaines, m’ont demandé d’y renoncer, en me faisant comprendre que si nous faisions cavaliers seuls, notre action politique aurait peu d’efficacité. Le BN perdrait la tribune que fournit le 14 Mars, notamment avec les médias dont disposent certaines parties, ainsi que des sources d’informations importantes et le soutien de l’alliance. Cela est vrai et devrait être considéré. L’autre argument, plus important, est que notre sortie sera exploitée par l’opposition, et ceci est malheureusement inévitable. Il ne s’agit pas de quitter la cause du 14 Mars ou ses objectifs, mais de nous éloigner de sa structure. Nous sommes fiers d’avoir été au cœur du combat du 14 Mars, et des exploits historiques et non négligeables qui ont été réalisés. Bien entendu et plus que jamais, nous restons solidaires de tous nos compagnons de lutte, d’autant que la bataille semble loin d’être terminée, comme le démontre malheureusement le déroulement des événements à l’heure où ces lignes sont écrites. Mais nous sommes convaincus que le fait de se séparer institutionnellement de la coalition pourrait mieux servir sa cause qui a toujours été la nôtre. Pour pouvoir tout dire, tout dénoncer, loin des petits calculs électoraux alors que tout le microcosme politique libanais s’engouffre dans une fièvre électorale enivrante et propice à tous les retournements. Notre sortie ne se fait pas en direction du centre ou d’une soi-disant « troisième voie » qui n’a pas de place dans le clivage politique actuel. Bien au contraire, elle signifie rester fidèle à la lignée historique du BN, celle de Raymond Eddé, celle que le 14 Mars a en fait ralliée et sur laquelle on craint qu’il ne soit maintenant contraint de faire des concessions. Toujours d’accord avec les objectifs déclarés du 14 Mars, nous ne partageons plus, depuis quelque temps, le mode de gestion de sa politique. Nous n’avons aucun doute que nos positions resteront convergentes avec celles de la coalition, et nous continuerons à œuvrer pour le succès de notre cause commune. Mais nous le ferons maintenant de manière indépendante, sans avoir à assumer passivement les conséquences des actes non concertés d’autrui. Finalement, il est temps que les Libanaises et Libanais de toutes appartenances, qui ont soutenu les objectifs de la révolution du Cèdre et continuent à le faire, mais qui ont été déçus par les résultats, se retrouvent autour d’une action nationale et politique nouvelle, non pas dans le but de créer une troisième voie politique qui n’aurait, selon nous, aucune vocation à se développer dans le contexte libanais et régional actuel, mais plutôt une nouvelle conception de l’activité politique et de la manière de défendre les mêmes idées portées par le 14 Mars, qui seraient indépendantes à la fois des influences et pressions régionales, et des méthodes politiciennes libanaises traditionnelles à géométrie variable. Ainsi, certains comprendrons la nécessité d’accorder à l’opinion publique l’importance qui lui est due lors des prises des grandes décisions. Cette nouvelle conception ne peut, selon nous, que reposer sur une vraie reforme électorale profonde basée sur un scrutin uninominal à deux tours avec les autres réformes indispensables qui permettraient à l’avenir une déconfessionnalisation progressive du pouvoir législatif. Cette réforme devrait permettre la formation d’un nouveau pouvoir politique devant immédiatement procéder à une solution ferme et définitive de la question des armes illégales en parallèle avec l’institution d’une décentralisation administrative élargie, afin d’éviter l’émergence de thèses questionnant le principe de l’unité de l’État, auxquelles les derniers événements auraient pu créer un terrain fertile. Peut-être que ce faisant, les Libanais – et surtout les jeunes – pourraient reprendre en main leur destinée politique, comme ils l’ont fait en cette date historique du 14 mars 2005, et regagner par cette voie la révolution qu’ils ont perdue.
Les combats se sont arrêtés, mais des incidents continuent ; les milices ont été retirées en apparence de la rue, mais elles attendent leur heure ; les routes sont débloquées pour le moment, l’aéroport a repris ses activités, mais il dépend du bon vouloir du Hezbollah. L’agressivité verbale s’est calmée. Le Liban a finalement un nouveau président de la République. Dans un...