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Actualités - OPINION

COMMENTAIRE Les choix de l’Iran

Par Volker PERTHES* Alors que le président Bush, de visite sur le vieux continent, s’efforce de convaincre les chefs de file de l’Union européenne d’accepter un durcissement des sanctions des Nations unies contre l’Iran, et que le débat s’anime entre John McCain et Barack Obama pour savoir si les États-Unis doivent engager le dialogue avec les dirigeants iraniens, la question du programme nucléaire iranien s’échauffe. Il n’est pas surprenant que les Iraniens observent le débat avec intérêt. Or, ils ont besoin de faire davantage que de simplement observer. L’élite politique iranienne considère les États-Unis, plutôt que l’Europe, comme son meilleur interlocuteur international. Seuls les États-Unis peuvent garantir à la République islamique la sécurité qu’elle souhaite. En effet, les États-Unis doivent être prêts à fournir des garanties s’ils veulent que l’Iran abandonne les parties les plus suspectes de son programme nucléaire. Il importe que l’Iran agisse pour que tout dialogue futur avec les États-Unis porte ses fruits. Dans les négociations avec les pouvoirs publics iraniens, je suis toujours stupéfait de voir que, pour ces derniers, la résolution du conflit nucléaire (ou, en fait, d’autres problèmes qui concernent l’Iran) est sous la responsabilité des États-Unis, de l’Europe et d’autres grandes puissances, et non de l’Iran. Cette passivité n’est pas dans l’intérêt de l’Iran. En tant qu’acteur essentiel du Proche-Orient, il peut faire éclater et exacerber le conflit tout autant qu’il peut le résoudre. Peu de dirigeants iraniens comprennent que le rôle de grande puissance régionale ne va pas sans responsabilités et que seule une attitude responsable peut amener la légitimité et la reconnaissance auxquelles aspire l’Iran. Les responsables politiques du pays doivent par conséquent s’efforcer de développer leurs propres idées de résolution négociée des problèmes nucléaires et d’autres questions qui touchent cette partie du monde, et se demander comment l’Iran peut regagner la confiance dans ses actions. Les dirigeants iraniens devraient commencer par tirer un trait sur les discours hostiles. Les déclarations incendiaires sur Israël renforcent le manque de confiance parmi les partenaires potentiels de l’Iran et compliquent la tâche des Européens et des Américains intéressés par l’instauration de relations plus favorables avec l’Iran, qui laisse entendre qu’il veut engager un dialogue de haut niveau avec les États-Unis dans un futur relativement proche. Si c’est vrai, l’Iran doit se rendre compte que les violents discours sur les questions sensibles risquent de décourager toute tentative sérieuse d’engager le dialogue. En outre, l’Iran pourrait regagner la confiance s’il faisait preuve de plus de transparence, en particulier au sujet de ses ambitions stratégiques. Pour commencer, il pourrait publier les documents essentiels que les Iraniens ne cessent de citer mais qu’on ne voit jamais, comme, par exemple, la fatwa de l’ayatollah Khomeyni selon laquelle l’islam interdirait la production, le stockage et l’utilisation d’armes nucléaires. De plus, il serait judicieux que l’Iran énonce sa vision stratégique pour le Proche-Orient. Il devrait tenir compte des préoccupations de ses voisins, chercher à développer ses propres idées de confiance régionale – et de renforcement de la sécurité – et s’associer aux efforts en vue de créer des accords de sécurité dans la région. Il devrait également accepter les propositions des États-Unis d’adopter des mesures de confiance entre les forces militaires des deux pays, notamment leurs marines. Pour dépolitiser la question nucléaire, l’Iran devrait passer du discours sur les « droits inaliénables » à des solutions pragmatiques. Le droit à l’indépendance en matière de recherche et de développement nucléaire, conformément au Traité de non-prolifération (TNP), n’est pas contesté. Mais plutôt que d’insister par principe sur l’indépendance des opérations du cycle du combustible sous la souveraineté nationale, l’Iran pourrait aller dans le sens des Saoudiens et de leur idée de filiale commune régionale, ou étudier différentes possibilités de consortiums multilatéraux avec d’autres pays. Le Parlement iranien, avec actuellement à sa tête Ali Larijani, ancien négociateur du dossier nucléaire, pourrait fortement contribuer aux mesures de confiance et à la résolution du conflit nucléaire en ratifiant le protocole additionnel du TNP. D’autres éclaircissements sont nécessaires. L’Iran est-il prêt à accepter un compromis tenant compte des préoccupations européennes et d’autres préoccupations internationales concernant son programme nucléaire, et par conséquent à obtenir une vaste coopération économique, énergétique, technologique et scientifique ? Après tout, l’énergie nucléaire n’est qu’une technologie du XXe siècle, pas même du XXIe siècle. Au bout du compte, un partenariat avec l’Europe pourrait aider l’Iran à garder le meilleur de sa jeune génération au lieu de la voir former des files d’attente devant les ambassades étrangères pour obtenir un visa, ou, plus souvent, devant les consulats américains à Istanbul ou Dubaï. Les grandes puissances ne pourront accepter l’Iran avec un statut nucléaire équivalent à celui du Japon que s’il se considère comme une puissance stable – ce qu’il fait occasionnellement –, mais si, de surcroît, il agit comme telle. S’il veut être considéré comme une puissance stable, il doit accepter les actions aux niveaux local et international d’établissement de la paix entre Israël et ses voisins. Pour conclure un marché avantageux avec les États-Unis, l’Iran doit cesser de soutenir des organes activistes comme le Hamas ou le Jihad islamique, qui mettent à mal les efforts déployés pour la solution « des deux États » pour Israël et la Palestine. Même sans parvenir à un tel accord, l’Iran devra agir s’il veut être considéré comme un acteur constructif du Proche-Orient. Il devra accepter tous les autres États du Proche-Orient en tant qu’acteurs légitimes ayant des intérêts légitimes s’il veut lui-même être reconnu ainsi. Il devra également composer avec la volonté de la majorité écrasante des Palestiniens de parvenir à un accord de paix avec Israël. De temps à autre, les dirigeants iraniens s’efforcent de faire des violentes déclarations du président Mahmoud Ahmadinejad sur Israël rien de plus qu’un appel à un « changement de régime ». Or, il ne s’agit pas là d’une politique stable. L’Iran est en droit de chercher des garanties contre un changement de régime contraint par des forces extérieures. Mais il ne peut obtenir à la fois des garanties contre ce changement à domicile et l’encourager dans les pays voisins. * Volker Perthes est le directeur de Stiftung Wissenschaft und Politik, Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité de Berlin. © Project Syndicate, 2008. Traduit de l’anglais par Magali Adams.
Par Volker PERTHES*

Alors que le président Bush, de visite sur le vieux continent, s’efforce de convaincre les chefs de file de l’Union européenne d’accepter un durcissement des sanctions des Nations unies contre l’Iran, et que le débat s’anime entre John McCain et Barack Obama pour savoir si les États-Unis doivent engager le dialogue avec les dirigeants iraniens, la...