VIENT DE PARAÎTRE Le dernier volume de « Bahithat »* De la masculinité et du patriarcat dans la société contemporaine

On sait gré des études très sérieuses, du ton toujours audacieux, des données scientifiques fiables et de l’ouverture trilingue de son expression (arabe, français et anglais), absolument crédible, des recherches entreprises par l’Association libanaise des femmes pour la recherche. Recherches fructueuses, avant-gardistes, soigneusement assemblées et dont le travail laborieux et efficace d’analyse, de compilation, de comparaison et de réflexion est régulièrement publié sous le titre de Bahithat (impression et diffusion al-Markaz al-Sakafi al-Arabi). Bahithat, au fil des pages patiemment noircies, des nombreux volumes parus, des thèmes diversifiés, intrépides et cruciaux évoqués, et de l’accueil même des lecteurs et de la presse avertie, s’est naturellement transformé en un fidèle rendez-vous des intellectuels arabes et étrangers férus d’échanges. Échanges de vue, de pensée et d’une certaine richesse des cultures mélangées. Échanges pour une société surtout orientale plus évoluée, plus émancipée, plus libre, plus moderne, plus actuelle et plus dans le « trend » d’un siècle littéralement vertigineux avec sa vitesse accélérée de TGV rapide comme la lumière… Onze volumes déjà sur le marché du livre, véritables pavés à la documentation fouillée, abordant des thèmes divers, en toute saine curiosité, liberté d’esprit et sens de critique constructive, allant de l’autorité et la femme à l’investigation de la vie des femmes arabes, en passant par les universités ou le statut des femmes en politique au Liban et dans le monde arabe, ainsi que les médias et les communications dans notre société…Sans pour autant ignorer ou négliger des sujets non moins sulfureux, tabous ou à débats, tels l’amour entre imagination et expérience, la femme dans le discours arabe contemporain, les femmes et l’écriture… La masculinité passée au crible de l’analyse… Aujourd’hui, pour sa XIIe et récente publication Bahithat (523 pages) les idées se concentrent autour de l’identité masculine. Longtemps, la masculinité a semblé aller de soi…Chaque homme devait ressembler à l’idéal viril qui dominait toute la culture. L’identité sexuelle paraissait inscrite dans la nature. Ces dernières décennies, les femmes (et la société dite évoluée) ont fait voler en éclats beaucoup d’évidences et de fausses certitudes… Les limites des deux sexes sont devenues plus floues, plus « discutables », moins tranchantes et tranchées… Et chaque homme de s’interroger sur son identité, sur sa mutation, sur son essence, sur son devenir … L’Orient a gardé, certes, des images ancestrales pour la virilité, mais le miroir n’en est pas moins craquelé devant un Occident où la tendance est à l’attente de l’émergence d’un homme nouveau… L’avant-propos de Bahithat souligne qu’il s’agit « d’une identité masculine en pleine mutation… Les articles des spécialistes invités des différentes disciplines établissent les lignes de force à partir desquelles peut naître une pensée du masculin donné comme objet critique. Leurs articles ont, chacun à sa façon, fourni autant de bases solides pour s’interroger sur les changements actuels du masculin, mais aussi sur les résistances et leurs effets… Au moment où le débat public en Occident converge vers le masculin qui se transforme, ce livre montre que l’homme en Orient cherche à être mieux mâle, hormis quelques tentatives timides vers une prise de conscience des mutations du masculin dans l’espace romanesque et celui des “mass media”… » Ouvrage qui affronte avec discernement, sans pointes agressives, parfois un soupçon d’ironie ou d’étonnement des idées pétrifiées dans le temps, mais toujours avec moult réflexions et analyses, un thème tabou, presque sacré, souvent évité et escamoté : la masculinité... Par-delà les mots, les images, les références et les notions intellectuelles profondément ancrées et établies, les auteurs de cet opus concluent, toujours aux premières pages de l’avant-propos, en ces termes : « Alors que l’on assiste en Occident à un déni de l’identité et du pouvoir de l’homme, celui-ci est placé en Orient, le plus souvent, sur le trône d’un pouvoir tyrannique... » Plus d’une vingtaine de signatures… Plus d’une vingtaine de signataires, appartenant à des mondes différents, allant du théâtre à la critique littéraire, en passant par la psychanalyse, la peinture, la philosophie, la sociologie, les études politiques, la sémiologie, les beaux-arts et l’histoire (de la philatélie), témoignent et attestent du rôle du mâle oriental dans une société aux modifications lentes et difficiles… Ce tir groupé pour dénuder l’homme, le revisiter, le réhabiliter, le mesurer, le jauger, le placer en contexte dû à l’époque, aux modes de vie et courants de pensée contemporaine, assemble les signatures suivantes : Françoise Collin, Chawki Azouri, Anicée el-Amine, Melhem Chaoul, Amal Garami, Michel Gueldry, Zakaria Batty, Rafic Ali Ahmad, Carmen Boustany, Anne-Marie Houdebine-Gravaud, Hoda el-Sadda, Hind al-Soufi, Annie Richard, Jean Saïd Makdisi, Mohammad Soueid, Watfa Hamadi, Hassan Jouni, Rachal al-Mir, Marlène Naser, Rafif Sidawi, Fadia Hoteit, Nader Siraj, Hosn Abboud, Hoda Taleb Siraj et Abdelgheni Imad. Brochette de brillantes personnalités reflétant un kaléidoscope de pensées appartenant à plus d’une profession, à plus d’une discipline, à plus d’un milieu social pour décortiquer les idées reçues et obsolètes, et jeter la pleine lumière sur la masculinité, son impact, ses dessous voilés et dévoilés, ses ressources, ses possibilités, ses handicaps, ses qualités, ses défauts, ses mesures et ses démesures… Pour ne rien laisser à l’ombre et pour une parité homme-femme plus équitable, plus juste, plus humaine, plus harmonieuse, ces pages contestent le pouvoir plénipotentiaire du mâle ou sa stature trop arbitrairement carrée... Ces pages où science, culture, jugement, opinions, mais aussi et surtout données biologiques et fondamentales ont valeur de constat des lieux et objet de réflexion et d’analyse. Réflexion et analyse, peut-être révolutionnaires aujourd’hui, mais sans nul doute admises avec sagesse demain, pour l’émergence d’un homme nouveau. Un homme défiant les modèles dominants, à la fois fort du passé et débarrassé du carcan des vieux oripeaux, pour une forme inédite d’harmonie, d’abord pour la masculinité, ensuite d’harmonie entre les sexes… Edgar DAVIDIAN * Une rencontre aura lieu le vendredi 13 juin à l’Atelier, le restaurant de l’USJ (Berytech, rue de Damas) de 17h00 à 20h00, afin de présenter cette publication.