Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

INSTALLATION - L’artiste allemande a relooké la Foire Rachid Karamé Franziska Pierwoss trace des lignes rouges à Tripoli

Le spectacle est surprenant. Franziska Pierwoss a enroulé le bijou architectural tripolitain d’Oscar Niemeyer de 8 km de ruban rouge. Les colonnes du pavillon libanais de la Foire internationale Rachid Karamé sont ainsi relookées par la jeune artiste allemande jusqu’au 22 juin. Cette installation porte le doux nom de « Af-Fair » et, si l’on veut s’exprimer en langage politique libanais, elle trace des lignes rouges, bien précises, histoire de souligner (sans toutefois donner de leçons) qu’il s’agit-là d’un lieu tabou à ne pas dépasser et à ne pas mutiler. «Cette installation est comme un enfant en bas âge. Il faut le garder sous surveillance », s’amuse l’artiste en ajoutant : « Il faut, tous les deux ou trois jours, refaire des retouches, retendre un bout détaché… ». Et pourtant, Franziska Pierwoss n’est pas du tout du genre à faire la « control freak ». « Lorsqu’une œuvre est achevée, je la laisse vivre sa vie. Mais là, je n’arrive pas à décrocher, c’est une véritable “love affair ” », dit-elle, en riant. Voilà. Franziska Pierwoss a lâché le mot. Car c’est une véritable histoire d’amour qui la lie à ce lieu découvert un après-midi de ramadan en 2006. « C’était juste avant le coucher du soleil et l’architecture des lieux prenant une dimension fantomatique. Ce fut le déclic », raconte-t-elle. Elle a alors pris autant de photos que les dix minutes restantes avant l’iftar lui permettaient. De retour en Allemagne, elle a longtemps conservé une photo de la Foire internationale Rachid Karamé sur sa table de chevet. Son ambition ? Y revenir un jour et y monter une installation. Se l’approprier à travers l’art, en quelque sorte. Elle a esquissé des sketches, en a rêvé, s’est imaginée devant ce bijou architectural d’Oscar Niemeyer pour mieux l’entourlouper de sa couleur favorite, le rouge. Pour être proche, toute proche de l’objet de sa convoitise, elle a demandé à son université à Leipzig d’être mutée au Liban, à l’Université libanaise de Tripoli plus précisément. C’est ainsi dans le cadre d’un programme d’échange d’étudiants qu’elle se trouve au pays du Cèdre. « L’ambassade de mon pays ayant envoyé un avertissement concernant la capitale nordique, j’ai dû m’installer à Beyrouth », précise l’artiste. Une fois sur place, elle a donc entrepris les contacts avec les responsables du site pour leur avancer sa proposition d’exposition. N’ayant pas reçu de réponse, elle a alors fait appel au directeur du département des beaux-arts de l’UL, Ali el-Ali. Et c’est grâce à son intervention qu’elle a pu enfin avoir accès à ce lieu tant convoité, qui est bien l’une des plus importantes pièces d’architecture moderne du Liban. Et qui risque de disparaître. « Elle me fait penser à une dame d’une grande beauté, délaissée, laissée pour dépérir dans une solitude effrayante », avoue l’artiste. « C’est en quelque sorte une belle au bois dormant que personne ne vient réveiller. » Alors, à défaut de la secourir, la jeune Allemande lui a donné un peu de couleurs. Et a entrepris, par la même occasion, d’attirer l’attention du peuple sur l’importance architecturale et patrimoniale de la Foire. Munie de ses dessins, de ses ciseaux et de ses rubans, elle a donc pris ses quartiers au Pavillon libanais, « le site de la Foire qui ressemble le plus à l’architecture traditionnelle libanaise, avec ses arcades et ses colonnes ». Le travail a pu être effectué en dix-huit jours. « Cela aurait pu durer plus longtemps, ajoute Pierwoss. Je n’arrivais plus à m’arrêter. » Il faut préciser aussi que l’artiste a été bloquée à Tripoli à cause des événements. « Je ne savais plus si je devais poursuivre mon travail ou pas, si je devais rentrer à Beyrouth et comment. Mes amis m’ont dit qu’au Liban, c’est ainsi, il faut persévérer, the show must go on. » « Af-Fair » s’est donc achevée entre des moments d’hésitation et de détermination, de peur et de persistance. L’état d’esprit dans lequel elle se trouvait a forcément influencé son œuvre. « En effet, reconnaît-elle. Je ne sais pas si le résultat est plus agressif qu’il ne devait l’être. Mais il est sûrement plus chaotique. » Le spectacle est pour le moins saisissant. Les rubans rouges ressemblent à ces rayons infrarouges que l’on voit dans les films d’action et qui entourent une œuvre d’art dans un musée. Le visiteur peut s’y promener à son gré, glisser entre les lignes, sauter au-dessus d’autres. « Il est préférable de s’y rendre entre 17h et 20h, pour mieux admirer le jeu des ombres du soleil couchant avec l’architecture des lieux », conclut Fraziska Pierwoss en ajoutant que ses recherches effectuées, en collaboration avec Nadine Khalil, sur l’histoire de la Foire, seront publiées dans un ouvrage aux éditions Amers. Maya GHANDOUR HERT Bref rappel historique Pour accompagner le boom économique des années 60, Rachid Karamé, leader de Tripoli, a rêvé ce chantier gigantesque et a confié à Oscar Niemeyer, architecte de Brasilia, la construction de cette Foire internationale regroupant un parc d’expositions, des salles de congrès, de concerts et diverses attractions ultramodernes)… Les constructions se sont arrêtées en 1974. Le site est resté à l’abandon durant deux décennies avant d’être repris en main. La Foire de Tripoli a fini par voir le jour, mais les manifestations qu’elle accueille sont bien modestes...
Le spectacle est surprenant. Franziska Pierwoss a enroulé le bijou architectural tripolitain d’Oscar Niemeyer de 8 km de ruban rouge. Les colonnes du pavillon libanais de la Foire internationale Rachid Karamé sont ainsi relookées par la jeune artiste allemande jusqu’au 22 juin. Cette installation porte le doux nom de « Af-Fair » et, si l’on veut s’exprimer en langage...