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INTERVIEW - Le chef du bloc de Zahlé estime que l’accord de Doha est une victoire pour l’opposition Élias Skaff : Le point fort de Siniora est qu’il peut s’adapter à toutes les situations... Propos recueillis par Scarlett HADDAD

Discret, le chef du bloc parlementaire de Zahlé, Élias Skaff, n’en est pas moins au fait de tous les détails de la politique interne. Il a hérité de son père, Joseph, le rôle de zaïm dans la Békaa, avec tout ce que cela implique d’écoute des gens et d’ouverture à toutes les sollicitations, lui qui avait vécu jusque-là entre la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Il a pourtant su s’adapter et contourner les pressions exercées sur lui par celui qui a longtemps gouverné le Liban dans les coulisses, le général syrien Ghazi Kanaan, qui voulait lui faire payer certaines prises de position de son père. Élias Skaff a ainsi connu une longue traversée du désert pendant plus de vingt ans, avec une petite parenthèse de deux ans, dans un des gouvernements du mandat Lahoud. Mais il a conservé sa popularité et remporté les élections municipales puis les législatives de 2005. Aujourd’hui, il est un des piliers de l’opposition, membre du Bloc parlementaire du changement et de la réforme, et pratiquement assuré d’être membre du nouveau gouvernement. Élias Skaff insiste d’ailleurs sur le fait qu’il a choisi de participer aux consultations avec le Premier ministre désigné dans le cadre du Bloc du changement et de la réforme, pour montrer que l’opposition est unie et présente des revendications claires. Selon lui, le chef du bloc, Michel Aoun, a réclamé cinq portefeuilles, dont un souverainiste et trois de services. « Si cette revendication est acceptée, nous entrerons alors dans le choix des noms. Nous avons tenu à participer unis aux consultations pour éviter les tentatives de semer la zizanie entre nous. En fait, nous avons été clairs et avons ainsi facilité la mission du Premier ministre. Même s’il ne le souhaitait peut-être pas. » Élias Skaff précise qu’il a longtemps été marginalisé, d’abord par Ghazi Kanaan et ensuite par la nouvelle majorité qui, selon lui, a poursuivi la même politique d’exclusion suivie par les Syriens. Skaff se demande d’ailleurs comment l’Occident appuie cette majorité qui, depuis qu’elle a pris le pouvoir, n’a cessé de vouloir imposer sa volonté aux autres partenaires dans le pays. « J’ai grandi en Nouvelle-Zélande et fait mes études dans des universités américaines. Je connais donc les valeurs occidentales et la Charte des droits de l’homme. Je peux vous dire que rien de tout cela n’est appliqué ici. C’est un peu comme si ces valeurs sont bonnes pour l’Occident, non pour les peuples du Moyen-Orient. Pourtant, nous aspirons nous aussi à une réelle participation et au respect des droits de toutes les communautés. Or le pouvoir en place a bafoué les droits de deux grandes communautés du pays et l’Occident n’a rien trouvé à y redire. Je pense personnellement que si l’on veut réellement aider le Liban, il faut pousser à l’entente toutes les composantes de la société. » Selon M. Skaff, le Premier ministre désigné a un passé peu encourageant. « Il a même, dit-il, enregistré un record dans les mauvaises décisions. Aujourd’hui, il affirme vouloir tourner une nouvelle page. Nous voulons bien le croire. Il se trouve devant deux chemins différents. S’il prend son temps et traîne dans la formation du gouvernement, cela signifie qu’il ne veut pas vraiment ouvrir une nouvelle page. Sinon, nous lui donnerons sa chance. » Selon lui, le Premier ministre peut faciliter la formation du gouvernement tout comme il peut l’entraver. Il devra aussi, certes, composer avec le fait que toutes les parties réclament des portefeuilles de services dans la perspective des prochaines élections législatives. Pour Élias Skaff, toutefois, le point fort de Siniora est qu’il peut s’adapter à toutes les situations. « Il pourra ainsi, précise-t-il, accompagner le président dans sa tournée arabe qui commence à Damas. Ce qui n’aurait peut-être pas été le cas de chef du Courant du futur. » Le chef du bloc de Zahlé ne croit pas que le camp de la majorité pourrait refuser d’exécuter les autres points de l’accord de Doha, maintenant qu’il a obtenu l’élection d’un président et la désignation de Fouad Siniora comme Premier ministre. « Cet accord, dit-il, a été signé par tous les participants et bénéficie d’un appui arabe et international. Ceux qui disent qu’il ne s’agit que d’une trêve sont les perdants... ». Skaff réfute les analyses selon lesquelles l’administration américaine souhaiterait vider l’accord de Doha de son contenu. « Je crois que l’administration américaine a ce qu’on appelle des “contingency plans”. Lorsque le plan initial ne marche plus, elle en a d’autres. C’est pourquoi, à mon avis, elle a accepté l’accord de Doha et la chargée d’affaires Mme Sison a entamé des contacts avec les membres de l’opposition. Sans oublier le fait qu’en période préélectorale, les Américains ont tendance à ne pas vouloir de problèmes dans le monde. » Selon M. Skaff, la conclusion de l’accord de Doha est due en grande partie à la stratégie intelligente de l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani, qui a limité les contacts directs entre les deux parties à la cérémonie d’ouverture, leur laissant la possibilité de déverser leurs critiques respectives pendant une demi-heure, avant de lever la séance et de la remplacer par des rencontres bilatérales. « S’il avait maintenu les séances plénières, je crois qu’il n’y aurait pas eu d’accord. Il a joué le rôle de médiateur entre les deux. Je crois aussi qu’il détenait une carte cachée qu’il a sortie au cours du dernier quart d’heure, alors que les deux parties s’apprêtaient à faire leurs bagages et à rentrer bredouilles. À mon avis, cette carte devait être un appui extérieur à ses efforts de conciliation. » Pour M. Skaff, l’Arabie saoudite appuie l’accord, et les déclarations publiques ne reflètent pas toujours les positions réelles. Le chef du bloc de Zahlé considère en outre que l’accord de Doha est une victoire incontestable pour l’opposition et pour les chrétiens. « La loi électorale était le véritable problème. Avant, les chrétiens se sentaient perdus, noyés dans le vote musulman. Le camp de la majorité ne cessait d’ailleurs de leur faire croire que le Hezbollah voulait dévorer le pays et imposer à tous la wilayat al-fakih. Or, sans l’appui du Hezbollah, les chrétiens n’auraient pas obtenu ce découpage électoral qui leur permet de choisir une grande partie de leurs représentants. Enfin, l’opposition a obtenu le tiers de blocage au gouvernement. Ce qui lui permettra d’avoir un avis déterminant dans les décisions importantes. » Il ajoute que l’opposition a un objectif commun : remporter la majorité des sièges aux législatives. « Si nous sommes divisés, nous ne parviendrons pas à l’atteindre. » Au sujet du général Sleimane, le député de Zahlé estime qu’il a réussi en tant que commandant en chef de l’armée et remporté une victoire jugée impossible sur Fateh-al-Islam. « Sa plus grande responsabilité est de permettre l’organisation d’élections législatives honnêtes en 2009. C’est à partir de ce moment-là qu’il pourra restructurer l’État et mettre un terme à la loi de la jungle qui sévit actuellement, où les institutions de l’État sont un cadre sans contenu. » Élias Skaff estime que les critiques adressées au président par des piliers de la majorité sont injustifiées. « Tous ceux qui connaissent l’armée savent que l’attitude qu’il a adoptée était la seule possible. Si l’armée se déploie entre les belligérants, elle devient une cible et si elle participe aux combats, elle devient partie. En donnant l’ordre à ses troupes de se tenir à l’écart, Sleimane a protégé l’armée. » Le député de Zahlé est convaincu que le sujet des armes du Hezbollah est une question régionale et dépend en grande partie des négociations en cours entre la Syrie et Israël via la Turquie. Pour lui, la région est devant deux scénarios : celui d’une guerre qui serait généralisée et aurait des conséquences inconnues, car personne ne connaît la force réelle de l’Iran, et entraînerait sans aucun doute des catastrophes pour l’environnement et l’économie mondiale, soit les négociations de paix, qui restent, selon lui, la voie la plus facile... Au sujet de la plainte déposée contre lui par la famille Marouni suite aux incidents de Zahlé, Skaff précise que cette plainte a été faite dans les médias. Il ajoute avoir été la cible d’accusations diffamatoires et que le double meurtre a été exploité à des fins politiques. « Je dénonce et condamne les deux assassinats, mais je n’ai rien à y voir. Le commandant en chef de l’armée a d’ailleurs affirmé, suite à l’enquête menée par ses services, qu’il s’agit d’une affaire isolée et le patriarche maronite a redit la même chose. Il faut laisser la justice faire son travail. »
Discret, le chef du bloc parlementaire de Zahlé, Élias Skaff, n’en est pas moins au fait de tous les détails de la politique interne. Il a hérité de son père, Joseph, le rôle de zaïm dans la Békaa, avec tout ce que cela implique d’écoute des gens et d’ouverture à toutes les sollicitations, lui qui avait vécu jusque-là entre la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Il a pourtant...