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Actualités - OPINION

LE POINT Les dessous des sous

C’est encore la faute aux Palestiniens. Le plus sérieusement du monde, les commentateurs affirment, en ces temps maudits de tous les scandales, que la panne dans le processus de paix et les rapports avec les pays voisins relèguent à l’arrière-plan la lutte contre la corruption. Résultat ? Un Premier ministre prié par son principal lieutenant de vider les lieux parce qu’il ne peut pas s’occuper de ses affaires et de celles de l’État. Pendant que l’intéressé fait le gros dos en attendant la fin de l’orage. Seulement voilà, l’avis de tempête a été décrété il y a des années de cela, le temps que les nuages grossissent et s’amoncellent avant d’éclater dans un vacarme assourdissant. On sait comment tout cela a commencé ; bien malin qui pourrait dire comment tout cela va finir et quelle en sera la facture. Passe encore si l’addition méritait tout ce bruit. Mais pensez un peu, des dessous de table d’un total de 150 000 dollars étalés sur une période de quinze ans, cela fait à peine plus de 800 dollars par mois. Un peu maigre pour aider à financer une campagne électorale. C’est que les temps sont durs et Ehud Olmert n’est pas Ariel Sharon, lequel exigeait, par l’entremise de son rejeton Omri, des sommes à sept chiffres, et plus si affinités. Encore moins Benjamin Netanyahu ou bien ce même Ehud Barak qui rêve de (re)devenir vizir à la place du vizir. Et nul ne parle plus de Yitzhak Rabin, démissionnaire en 1977 parce que sa femme possédait un compte bancaire secret, ou des frasques sexuelles de l’ancien président Moshe Katsav et de l’ex-ministre de la Justice Haïm Ramon. À ce rythme, on pourrait remonter fort loin, à l’époque du roi David, qui avait envoyé à la mort Urieh le Hittite, pour couler des jours heureux avec son épouse, la belle Bathsheba, avant de s’en repentir – avec quelque temps de retard. On pourrait aussi évoquer, plus près de nous, le souvenir de Moshe Dayan, grand amateur d’antiquités subtilisées dans le Sinaï, le rôle de l’Aipac, le tout-puissant lobby sioniste aux États-Unis, dans l’affaire des armes aux contras du Nicaragua, la contrebande de drogue dans laquelle s’est trouvé impliqué le ministre de l’Énergie Gonen Seguev. Il en resterait de quoi remplir des pages. Constat désabusé des Saint-Just locaux : il y a dix ans, l’État hébreu figurait à la dixième place du classement établi par Transparency International, un groupe spécialisé dans la lutte contre la corruption basé à Berlin ; en 2007, il n’était plus que trente-quatrième. Commentaire tout aussi résigné de Sullam Eli, directeur général du Mouvement pour la bonne gouvernance : « En hébreu, il n’y a pas d’équivalent au mot responsabilité (accountability). » D’autres encore font porter la faute au système électoral de la proportionnelle, qui rend les représentants du peuple un peu trop attentifs à l’appel des sirènes dorées (ou dollarisées). Le peuple ne s’y trompe pas, dont le désintérêt pour la chose publique est de plus en plus évident. La participation électorale a chuté de six points en mars dernier, tombant à 63 pour cent par rapport à la consultation de 2003. Mais Olmert demeure le champion toutes catégories des scandales. Avant les révélations sur ses accointances avec Morris Talansky, il y eut un certain achat de maison à Jérusalem, à un prix défiant toute concurrence ; la transaction ayant débouché sur la vente de la banque Leumi, tous ses adjoints poursuivis pour de sordides combines dans lesquelles il aurait trempé ; et par-dessus tout la liquidation, en hâte et en catimini, de son portefeuille d’actions quelques heures avant l’agression contre le Liban, en juillet 2006. Avant-hier mardi, son bienfaiteur américain est passé aux aveux, péchant même par excès de volubilité après s’être trop longtemps tu. Les sténos, dit-on, parviennent tout juste à suivre le flot de révélations, qui vont des vacances italiennes royalement payées aux sommes versées de main à main (par paquets de 3 000 à 8 000 dollars en liquide), en passant par ces menus cadeaux qui entretiennent l’amitié : stylos, montres, cigares, etc. À lui seul le surnom du généreux bienfaiteur, surnommé « the Laundry Man » (le blanchisseur) dans les petits papiers du Premier ministre, est tout un programme. Il faut dire que l’ancien étudiant d’une yeshiva de Portland (Oregon), devenu marchand de minibars d’hôtel – pour les registres de commerce américains, il est PDG d’une firme d’investissement, le Global Ressources Group –, a toujours eu le geste avec les hommes politiques. George W. Bush qui a reçu un millier de dollars (en 2003), l’ancien maire de New York Rudolph W. Giuliani (en 2000), le président Bill Clinton (en 1995), Thomas S. Foley alors président de la Chambre des représentants (en 1994), et même le sénateur Edward Kennedy (en 1992) en savent quelque chose. Aujourd’hui, le chef du gouvernement israélien ne risque pas seulement son poste. Son départ devrait déboucher en toute logique sur une consultation électorale anticipée et donc la victoire du Likoud, adversaire acharné de la paix avec les Palestiniens et les autres Arabes. Ce qui représenterait un bien lourd tribut à payer pour une illusoire autant que provisoire transparence. Christian MERVILLE
C’est encore la faute aux Palestiniens. Le plus sérieusement du monde, les commentateurs affirment, en ces temps maudits de tous les scandales, que la panne dans le processus de paix et les rapports avec les pays voisins relèguent à l’arrière-plan la lutte contre la corruption. Résultat ? Un Premier ministre prié par son principal lieutenant de vider les lieux parce qu’il...