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Actualités - REPORTAGE

Déjà 148 cas de suicide de femmes éthiopiennes dans des familles libanaises La difficile adaptation des employées de maison africaines

Le dernier suicide d’une employée de maison remonte à deux semaines à peine. Ce suicide a été précédé d’un meurtre. Avant de se jeter du balcon de l’appartement de ses employeurs à Sahel Alma, l’employée éthiopienne a défenestré Gina, leur fillette âgée seulement de 7 ans. Selon les informations sécuritaires, la famille Chidiac, qui avait engagé la femme de ménage en 2007, la trouvait trop agressive, notamment avec leur fillette. Avant le drame et toujours selon les sources sécuritaires, l’employée de maison avait eu une querelle avec ses employeurs. Mais on n’en sait pas plus sur le motif qui a poussé la jeune Éthiopienne à commettre un tel acte, sauf qu’elle avait un comportement qui n’était pas normal. Ce n’est pas la première fois qu’un tel drame survient au Liban. En général, les problèmes liés à la main-d’œuvre étrangère figurent parmi les faits-divers. Mais cette fois, parce qu’une enfant a perdu la vie de manière dramatique, l’affaire a fait du bruit. Et pourtant, selon le consul général d’Éthiopie, Adem Nurhussen Adem, plus de 148 employées de maison éthiopiennes se sont déjà suicidées au Liban, dont six dernièrement, sans que cela n’émeuve personne. Vu les problèmes rencontrés par cette communauté au pays du Cèdre, le gouvernement éthiopien, à la demande du consul, a finalement décidé, fin avril, de geler la venue des ressortissantes éthiopiennes. Malgré ces mesures, les Éthiopiens forment la plus importante communauté d’employées de maison étrangères au Liban. Ils représentent au moins le tiers de la main-d’œuvre étrangère travaillant légalement, estimée à 112?000 personnes. Certes, en l’absence de statistiques officielles concordantes, il reste difficile de déterminer le nombre exact d’Éthiopiennes établies actuellement dans le pays. Mais il est certain que le ministère du Travail a délivré, en 2007, 36?859 permis de travail à des femmes éthiopiennes, alors que la Sûreté générale annonce 32?777 entrées entre 2007 et 2008, sans toutefois préciser les dates exactes. Qu’en est-il donc des conditions de travail et des problèmes rencontrés par cette communauté?? Qu’en est-il aussi des conditions de vie et de travail des autres employées de maison africaines travaillant au Liban, comme les Malgaches, les Togolaises, les Béninoises et autres, dont le nombre ne devrait pas dépasser 5?000 personnes selon les estimations, alors que le travail du personnel de maison (femmes de ménage, cuisiniers et cuisinières, chauffeurs libanais ou étrangers) n’est toujours régi par aucune loi?? D’autant que le comité de direction (steering committee), mis en place à la demande de l’Organisation internationale du travail, fait lamentablement du surplace dans l’édification d’un projet de loi qui respecterait les droits des employées de maison étrangères. L’Éthiopie gèle la venue au Liban des femmes de ménage Les petits salons du consulat d’Éthiopie à Sami Solh sont bondés de femmes éthiopiennes ayant fui le domicile de leur employeur et attendant d’être reçues par un responsable. Le visage fermé, certaines sont affalées sur des chaises. D’autres discutent de leurs problèmes par petits groupes. D’autres encore pleurent, désespérées. Mariam n’a que 17 ans. Comme tant d’autres jeunes femmes, elle a falsifié sa date de naissance sur son passeport pour venir au Liban, tentée par ce pays qu’on lui avait présenté comme un eldorado. Mais au bout de cinq mois de travail dans une famille où elle est battue et où elle n’a reçu que deux mois de salaire, soit 250 dollars (les trois premiers mois ont été versés au bureau de placement), c’est la grosse déception. Tourounesh avait signé dans son pays un contrat d’embauche de 150 dollars par mois. Mais sa patronne a décidé qu’elle ne lui paierait que 100 dollars. En six mois de travail, elle ne lui a d’ailleurs donné que trois mois de salaire. Elle l’accuse aussi de trop manger et de ne pas assez travailler. Yaninash, elle, est moralement fatiguée. Elle travaille depuis 16 mois chez ses employeurs, mais elle a été retrouvée sous un pont. Elle ne parle pas, refuse de se nourrir. Ses compatriotes racontent qu’elle est malade mentalement, que sa patronne a refusé de la soigner et que le bureau de placement a refusé de la reprendre. Les problèmes vécus par Mariam, Tourounesh et Yaninash ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres. Mais ils reflètent malheureusement la réalité libanaise, où les conditions de vie et de travail des employées de maison sont laissées à la discrétion des employeurs. «?Nous recevons au moins cinq cas de maltraitance par jour?», observe le consul général d’Éthiopie au Liban, Adem Nurhussen Adem. Outre le fait qu’il existe des divergences culturelles entre Libanais et Éthiopiens, le consul explique que le problème principal réside dans le fait que «?les employeurs libanais retiennent le salaire de l’employée de maison comme garantie contre la fuite. Lorsqu’ils lui doivent neuf mois de salaire, ils lui en paient juste trois?». Une situation d’esclavage moderne Dans la majorité des cas, souligne-t-il encore, «?les familles qui emploient des Éthiopiennes sont de petite condition. Après avoir réglé le bureau de placement et les frais de séjour de leur employée de maison, elles n’ont plus les moyens de lui payer son salaire. Elles la maltraitent alors et la nourrissent mal, lui faisant croire que son travail laisse à désirer?». Et le consul d’ajouter que le gouvernement éthiopien a tenté d’obtenir des autorités libanaises que les employées de maison éthiopiennes soient payées un minimum de 150 dollars par mois, mais en vain. M. Adem évoque aussi l’absence de jour de congé hebdomadaire. «?La majorité des employeurs emmènent leur employée avec eux le dimanche lorsqu’ils sortent, parce qu’ils ont peur qu’elle ne prenne la fuite. Certains ne leur permettent même pas d’aller prier à l’église. Ils ne réalisent pas que les Éthiopiennes ont besoin de se retrouver dans leur communauté, de parler leur propre langue, de prier ensemble?», note-t-il. M. Adem va plus loin. «?C’est de l’esclavage moderne?», dit-il, expliquant que certains Libanais se croient propriétaires de leur employée une fois qu’ils ont payé le bureau de placement. «?D’ailleurs, les bureaux locaux de l’émigration ne nous aident pas et nombre de ressortissantes éthiopiennes sont emprisonnées pour avoir pris la fuite ou parce que leur employeur n’a pas renouvelé leurs papiers. Nous n’avons même pas le chiffre exact du nombre de personnes emprisonnées?», regrette-t-il. Il suffit en fait que l’employeur déclare que son employée de maison l’a volé pour que celle-ci soit jetée en prison pour des semaines, voire des mois. Le résultat est accablant. Selon la Sûreté générale, en 2007, 455 Éthiopiennes avaient fait de la prison et, fin février dernier, 118 s’y trouvaient encore. Mais pire encore, selon le consul, 148 employées de maison éthiopiennes se sont déjà suicidées au Liban. «?Une situation qui ne se pose pas dans les autres pays arabes où elles aspirent toutes à aller parce qu’elles sont mieux traitées et nettement mieux payées?», affirme-t-il. De plus, de nombreuses ressortissantes éthiopiennes présentent des troubles mentaux ou sombrent dans la dépression?: «?Il est du devoir des employeurs de les soigner et de les prendre en charge, le cas échéant?», insiste encore le consul. C’est la raison pour laquelle le gouvernement éthiopien, sur recommandation du consul, a décidé fin avril de geler la venue au Liban des ressortissantes éthiopiennes et de faciliter, avec l’aide de l’Organisation internationale des migrants (IOM), le départ de celles qui ne sont pas satisfaites de leurs conditions de travail. «?Quant à celles qui sont bien traitées et heureuses chez leurs employeurs, elles ont l’autorisation de rester et même de revenir?», conclut M. Adem. Dans l’attente d’un contrat préembauche, la communauté togolaise gérée avec les moyens du bord Fidel Abidi est présidente du Rassemblement des Togolais au Liban. Elle est établie ici depuis 20 ans et travaille comme femme de ménage dans un village du Mont-Liban. Fidel a vécu le travail sous contrat où le repos était interdit, où le salaire n’était pas versé, sans le droit de tomber malade, sans compter les vexations à caractère raciste. «?On m’appelait “Abdé” (esclave), surtout les gens qui ne connaissaient rien à l’Afrique et qui n’avaient pas beaucoup voyagé. Je ne me sentais pas acceptée en tant qu’être humain. Mais aujourd’hui, les choses ont changé?», dit-elle. Dans le quartier où Fidel vit, tout le monde la connaît et on l’appelle affectueusement «?la princesse chocolat?». «?Les gens s’habituent à notre présence?», observe-t-elle. C’est pour améliorer la situation des employées de maison togolaises que Fidel milite au sein de l’association. «?Leur situation s’est d’ailleurs améliorée à 100?%?», affirme-t-elle. Des journées de rencontres sont organisées, dans l’objectif de leur apporter un soutien et de les aider à mieux s’adapter. Mais les abus persistent, notamment pour les employées travaillant sous contrat et vivant au domicile de leur employeur. Fidel dénonce alors le fait que certaines Togolaises sont amenées au Liban par des Libanais vivant au Togo et payées des sommes dérisoires, parfois 50 dollars par mois. «?Certes, ces cas ne sont pas nombreux, mais ils existent?», tient-elle à préciser, ajoutant que la majorité des employées togolaises est payée 150 dollars par mois. La jeune femme explique aussi que les employées de maison africaines sont souvent accablées de travail. «?Elles doivent tout faire, le nettoyage, le repassage, la cuisine. Elles doivent aussi s’occuper des enfants, constate-t-elle. Parfois même, elles doivent s’occuper de plusieurs maisons à la fois.?» Fidel dénonce aussi la maltraitance, les salaires qui ne sont pas versés régulièrement, les accusations de vol, l’interdiction de se reposer ou de tomber malade. Elle déplore de plus l’interdiction de toucher à certains aliments. «?Certains employeurs sont généreux, mais d’autres interdisent à l’employée de maison de manger certains aliments, prétextant qu’ils sont pour les enfants?», observe-t-elle. Fidel dénonce par ailleurs le système du garant qui tient ainsi l’employée sous la coupe de ce dernier. «?Le gouvernement libanais doit nous donner la possibilité de faire nous-mêmes nos papiers, sans nécessairement passer par un garant?», demande-t-elle. Et de conclure en appelant le gouvernement togolais à mieux contrôler la venue d’employées de maison au Liban. «?Certes, ajoute-t-elle, le consul général du Togo nous est d’une grande aide, mais il doit encore faire plus pour enrayer tous les problèmes, car le comportement de certains patrons est inexcusable.?» Journées de rencontres De son côté, le consul général du Togo, Georges Boustani, tente, avec les moyens du bord, de gérer sa petite communauté qui s’élève, selon ses estimations, à près de 450 personnes (légales et illégales). «?Le problème principal est que les ressortissantes togolaises arrivent au Liban sans que nous en soyons avertis, déplore-t-il. Nous n’en découvrons l’existence que lorsqu’il y a un problème et qu’elles contactent le consulat.?» Soucieux d’améliorer les choses, M. Boustani essaie de mettre en place un contrat qui serait signé au consulat par l’employeur désireux d’embaucher une Togolaise. Ce n’est qu’une fois ce contrat signé que la Sûreté générale délivrerait le visa (à l’instar du procédé mis en place par le consul du Bénin). «?C’est au gouvernement togolais de présenter cette requête au gouvernement libanais?», souligne-t-il, précisant qu’il a lui-même invité le Togo à effectuer la démarche. En attendant, le consul essaie de fixer à 150 dollars le salaire minimum des employées de maison togolaises. «?Il est important de savoir que le franc CFA est indexé à l’euro, et que les employées de maison togolaises ne sont pas avantagées par la hausse de la monnaie européenne. Travailler à moins de 150 dollars ne leur convient pas?», précise-t-il. M. Boustani indique aussi que les conditions de vie et de travail au Liban ne sont pas toujours faciles pour les ressortissantes togolaises. Elles doivent travailler entre 12 et 14 heures par jour, surmonter la fatigue, s’adapter à la nourriture et à une culture totalement différentes de la leur. Si de manière générale, elles sont bien traitées, certaines ont des conflits avec leurs patrons qui pensent qu’ils en sont propriétaires. «?D’ailleurs, précise-t-il, chaque année, je suis personnellement confronté à une vingtaine de cas de maltraitance.?» Le consul ajoute par ailleurs qu’il s’occupe personnellement des démarches, avec l’aide d’un avocat, lorsqu’une Togolaise est emprisonnée. «?Heureusement qu’aucune ne se trouve en prison pour le moment?», conclut-il. Le consul du Bénin impose aux employeurs un contrat de préembauche Près de 2 500 Béninoises francophones travaillent auprès de familles libanaises comme femmes de ménage, selon le consul général de la République du Bénin, Ara Vanlian. Un nombre qui est en augmentation depuis l’année 1995, de même que la communauté libanaise du Bénin. Soucieux du bien-être de sa petite communauté, vu l’absence d’une loi sur le travail des employées de maison, et soucieux des bonnes relations entre le Bénin et le Liban, M. Vanlian est parvenu, avec la collaboration des gouvernements béninois et libanais, à organiser et contrôler l’embauche des employées de maison béninoises. «?La Sûreté générale libanaise ne délivre aucun visa aux employées de maison béninoises avant que le consulat ne délivre une attestation?», explique-t-il. Cette attestation est fournie à l’issue d’une rencontre avec les futurs employeurs qui s’engagent à respecter un contrat où figurent les droits et les devoirs des deux parties. «?Un contrat qui précise que l’employée de maison touche un salaire minimal de 150 dollars par mois, si elle est débutante, et qu’elle est autorisée à se rendre le premier dimanche de chaque mois à la réunion de l’Union des Béninoises. Son employeur s’engage d’ailleurs à lui donner, ce jour-là, 10 dollars d’argent de poche?», ajoute-t-il. Le contrat indique aussi que l’employeur doit payer sa femme de ménage à la fin de chaque mois, lui renouveler ses papiers à ses frais, la nourrir, la vêtir et la loger décemment, lui fournir une assurance contre les maladies et les accidents de travail, et lui permettre de communiquer régulièrement avec sa famille. L’employeur s’engage aussi à assurer le billet d’avion de son employée (aller-retour), à l’inscrire au consulat du Bénin dès son arrivée au Liban et à ne la maltraiter ou la battre en aucun cas. « Nous arrivons, par ce contrat, à empêcher les abus contre les droits de l’homme?», précise M. Vanlian. «?Certes, les problèmes sont inéluctables, poursuit-il, mais durant la réunion mensuelle à laquelle j’assiste personnellement, tous les problèmes sont exposés. Nous en discutons et proposons des solutions pour y remédier. Il m’arrive même de contacter les patrons et de les rencontrer lorsque le problème est sérieux. Je conseille certes aux jeunes femmes de ne pas prendre la fuite, parce qu’alors, leur patron est délié de ses responsabilités. J’arrive de cette manière à résoudre 95?% des problèmes?», affirme-t-il. Il n’en reste pas moins que l’absence de loi libanaise régissant le travail des employées de maison est source de problème, de même que l’instauration du régime du garant, qui met l’employée sous l’emprise totale de son dernier, généralement son employeur. «?Malgré le contrat que nous faisons signer à l’employeur, 20 à 25?% d’entre eux ne respectent pas toujours leurs engagements?», déplore Ara Vanlian. «?Pourquoi les employées ne sont-elles pas habilitées à faire elles-mêmes leurs papiers???» demande le consul à ce propos, déplorant que nombre de patrons «?omettent?» de renouveler les papiers de leur employée de maison, faisant subir à cette dernière l’humiliation de la prison. Il ajoute que le système du garant entraîne les patrons à considérer l’employée comme leur propriété. Certains mêmes, à l’échéance du contrat, et alors qu’ils doivent une certaine somme d’argent à leur femme de ménage, l’accusent d’avoir volé. «?Il faudrait pouvoir engager des poursuites contre les patrons malhonnêtes », propose-t-il. Mais face à ces problèmes, le consul du Bénin ne baisse pas les bras et a entamé des contacts avec les consuls honoraires des pays d’Afrique pour suggérer un projet de loi qui respecterait les droits aussi bien des employées de maison que des employeurs. Il appelle surtout les autorités libanaises à accorder un peu plus d’attention aux problèmes rencontrés par les employées de maison. Entre Marie la Malgache et ses patrons, une excellente relation qui dure depuis bientôt 12 ans Les cas d’excellentes relations entre employées de maison et employeurs ne sont pas rares au Liban, fort heureusement. Marie est malgache. Nous lui avons donné ce pseudo, conformément à sa volonté. Cela fera bientôt douze ans qu’elle travaille chez ses employeurs, une famille de la classe moyenne. Comme elle, plus d’un millier d’employées de maison malgaches travaillent au Liban. «?Les premiers temps étaient difficiles, car je n’avais pas l’habitude des travaux ménagers, se souvient-elle.?Mais je me suis adaptée car je devais sortir ma famille de la pauvreté.?» Aujourd’hui, avec un salaire de 250 dollars par mois et après avoir construit deux maisons, l’une où vit sa famille et l’autre qu’elle loue, Marie avoue ne plus avoir besoin de travailler. «?Je reste parce que je me sens bien avec eux, dit-elle, parlant de ses employeurs.?C’est un peu ma famille maintenant. Je ne suis pas prête à les quitter.?» Il faut dire que Marie est travailleuse. Elle tient parfaitement l’appartement de ses patrons qui travaillent tous les deux. Certes, Marie a la chance d’avoir sa propre chambre à coucher avec sa salle de bains. Elle a aussi un jour de congé par semaine, le dimanche, où elle peut sortir librement. De son côté, la patronne de Marie dit, elle aussi, avoir eu de la chance. «?Dès le départ, j’ai senti qu’elle était bonne, bien intentionnée, aussi délicate que respectueuse. Je n’ai jamais eu de problème avec elle, même lorsque je lui faisais une petite remarque concernant le travail. Elle fait aujourd’hui partie de la famille et nous sommes tous très attachés à elle. Je lui fait d’ailleurs totalement confiance à tous les niveaux?», affirme-t-elle. «?De plus, je sais pertinemment bien qu’elle mérite plus que le salaire mensuel que je lui donne, mais pour le moment, je ne peux me permettre de l’augmenter?», regrette-t-elle. «?J’aimerais tout simplement qu’elle ne s’en aille jamais?», lance-t-elle enfin. La dépression, une conséquence des difficiles conditions de vie «?Un certain nombre d’employées de maison éthiopiennes sombrent dans la dépression ou présentent des problèmes psychologiques?», racontait, quelque temps avant le drame de Sahel Alma, la responsable du Centre de migrants de Caritas-Liban, Najla Chahda. C’est à partir des nombreux cas observés par l’organisation que Mme Chahda se prononce, précisant que nombre de cas nécessitent des traitements psychiatriques. «?C’est peut-être le mal du pays ou le manque d’adaptation?», estime-t-elle, se demandant s’il peut y avoir prédisposition. «?Ce sont peut-être aussi les conditions de vie et de travail qu’elles ne supportent pas?», dit-elle. C’est aussi probablement la réaction de celles qui «?n’ont pas le droit de sortir, de se retrouver dans leur communauté, de contacter leur ambassade ou même de téléphoner à leurs familles?», ajoute-t-elle. «?Il est important de savoir que les employées de maison étrangères ont besoin de rencontrer leurs compatriotes, de communiquer entre elles, de parler leur langue?», précise la reponsable de Caritas. Mme Chahda souligne aussi que la majorité des ressortissantes éthiopiennes sont instruites, savent toutes lire et écrire, et «?réagissent donc plus violemment que d’autres?» face à certaines situations qu’elles jugent inadaptées ou injustes. À quand la mise en place d’une loi?? C’est à cause de l’absence de loi régissant le travail des employées de maison et leurs conditions d’embauche que les abus contre les droits de l’homme sont si fréquents?; les conditions de vie et de travail des femmes de ménage étant tout simplement laissées à la discrétion des employeurs. Certes, le gouvernement, poussé par les organisations internationales et notamment l’Organisation internationale du travail, a bien tenté de mettre en place un comité directeur chargé d’élaborer une loi, mais vu la profonde crise qu’a traversée le pays, les choses n’ont pas évolué d’un pas. «?L’avancée est très lente à cause de la situation, mais je suis certaine que ce comité aboutira à quelque chose de concret?», indiquait il y a quelques mois à L’Orient-Le Jour la responsable du bureau des Affaires des nationalités, des passeports et des étrangers, la générale Siham el-Haraké. «?Outre le fait d’élaborer un projet de loi et de mettre en place un contrat de travail reconnu et légal, ainsi que des fiches de paie officielles, le comité de direction envisage d’annuler le régime du garant?», explique-t-elle. Elle précise enfin que «?les droits et les devoirs aussi bien de l’employé que de l’employeur devront figurer dans le nouveau contrat?». Dossier réalisé par Anne-Marie EL-HAGE
Le dernier suicide d’une employée de maison remonte à deux semaines à peine. Ce suicide a été précédé d’un meurtre. Avant de se jeter du balcon de l’appartement de ses employeurs à Sahel Alma, l’employée éthiopienne a défenestré Gina, leur fillette âgée seulement de 7 ans. Selon les informations sécuritaires, la famille Chidiac, qui avait engagé la femme de...