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Société - La demande de deux-roues a littéralement explosé depuis l’intervention américaine en Irak en 2003 Le souk des Vespa, où les jeunes de Bagdad chevauchent leurs rêves

Bien avant que les muezzins n’appellent les fidèles au recueillement tous les vendredis à la mi-journée, la ferveur est de mise dans la rue Nahda, au cœur de Bagdad. Dans la poussière, les pétarades et la fumée des pots d’échappement, la jeunesse, désertant les mosquées, se livre à sa nouvelle passion : les scooters et les motos. Dans une ville où les embouteillages paralysent la circulation pendant des heures, où les barrages de contrôle créent des files interminables, où parfois le salut est dans la fuite, les deux-roues sont la solution. Et le « souk des Vespa », dans un quartier de Bagdad où s’alignent garages et ferrailleurs, est l’endroit où, chaque fin de semaine, les amateurs viennent chercher leur bonheur. Moustapha Ahmad n’a que 16 ans, mais il est déjà installé au guidon d’une Honda 250, copie à l’identique des mythiques Harley Davidson. Il l’essaie à vive allure en slalomant à contre-courant au milieu du trafic d’une voie à sens unique, évitant les voitures avec la dextérité d’un expert de jeux vidéo. Pour un vendeur à peine plus âgé, Ahmad Hussein, 22 ans, les affaires vont bien. La demande de deux-roues a littéralement explosé depuis l’intervention américaine en Irak en 2003. À l’époque du président Saddam Hussein, l’usage des motos étaient sévèrement contrôlé pour des raisons de sécurité, ces engins étant souvent utilisés pour des attentats par les opposants au régime. En outre, le naufrage de l’économie, paralysée par ses sanctions drastiques à partir de 1990, en rendait l’achat quasi impossible pour la majorité des Irakiens. Aujourd’hui, un permis n’est même pas nécessaire pour monter sur un deux-roues, et rien n’est plus pratique pour se faufiler dans les rues encombrées. « Les contrôles aux barrages pour les deux-roues sont moins rigoureux, et on peut passer rapidement », explique Ahmad Hussein, qui se fournit sur ce marché de gros et revend dans son quartier. Pour Haïtham Fahmy, 53 ans, un scooter ou une moto peut vous sauver la vie. « On peut échapper aux balles d’un tireur ou à l’explosion d’une voiture piégée », explique-t-il, en évoquant la hantise des automobilistes coincés dans les avenues engorgées, à la merci d’une fusillade ou d’une explosion. Et il repart sur un scooter noir, négocié 650 dollars sur ce marché où la fantaisie se mêle à l’utilitaire pour alimenter une version locale de l’amour des motos, célébré en Amérique il y a 40 ans par le film culte Easy Rider. Saad Kazem, 28 ans, ne sait rien de la chevauchée cinématographique de Peter Fonda et Dennis Hopper, mais il a déguisé en engin digne de Hollywood un scooter marron et blanc, réplique japonaise d’une Vespa des années 1960. Il a placé sur le guidon six rétroviseurs, pour ne rien perdre de ce qui se passe dans son dos, et, soutient-il, pour aveugler avec les reflets du soleil un éventuel « franc-tireur ». Le jeune homme exige 600 dollars, et ce prix élevé a déjà fait reculer quatre acheteurs. Mais il n’est pas décidé à marchander : il montre un ruban vert, noué à la poignée des gaz et qui donne, selon lui, toute sa valeur à sa monture. Il a rapporté le morceau de tissu du mausolée de l’imam Ali Reza, un des personnages-clés du chiisme, mort au IXe siècle et enterré en Iran. Pour Saad, ce talisman doit protéger le nouveau propriétaire de tous les dangers de Bagdad. Maïtham Hatem, 21 ans, a lui aussi décoré la moto chinoise qu’il veut vendre, mais elle ne semble pas avoir les faveurs de la clientèle, et au bout d’une heure d’attente, il semble découragé. Il n’a sans doute pas choisi l’ornement le plus convaincant : un large autocollant rouge placé sur le réservoir annonce « Beyrouth », concurrente de Bagdad pour l’instabilité. Aucun chiffre ne recense le nombre de scooters qui circulent à Bagdad. Mais si les authentiques Vespa italiennes, dont Haïtham Fahmy avoue avoir la nostalgie, ont disparu des rues, le souk qui porte leur nom est promis à un bel avenir.
Bien avant que les muezzins n’appellent les fidèles au recueillement tous les vendredis à la mi-journée, la ferveur est de mise dans la rue Nahda, au cœur de Bagdad.
Dans la poussière, les pétarades et la fumée des pots d’échappement, la jeunesse, désertant les mosquées, se livre à sa nouvelle passion : les scooters et les motos.
Dans une ville où les embouteillages...