L’installation des indigènes près du quartier huppé de Niteroi provoque de vives réactions parmi les habitants aisés Les Indiens guaranis revendiquent leurs terres ancestrales à Rio

Des huttes en paille se dressent dans une réserve écologique de Niteroi, à quelques kilomètres seulement des tours du centre de Rio de Janeiro : cette présence insolite est celle d’Indiens guaranis qui revendiquent la terre de leurs ancêtres, au grand dam des habitants aisés de la région. «Ce sont les esprits qui nous ont conduits ici. Il y a cinq “sambaquis” (cimetières indigènes) ici et c’est notre mémoire que nous voulons préserver », a déclaré à l’AFP José Guajajara, 47 ans, porte-parole de la cinquantaine d’indiens qui ont construit trois « malocas » (huttes collectives) entre la plage de Camboinhas et la lagune d’Itaipu, l’un des quartiers les plus valorisés de la ville de Niteroi, situé de l’autre côté de la baie de Rio. Ces guaranis sont arrivés de la région de Paraty, à 250 km au sud de Rio, le 19 avril dernier, à l’occasion des commémorations de la Journée nationale de l’Indien. L’intention affichée de ces Indiens est de repeupler toute la région des Lacs, au nord de l’État de Rio, où se trouvent de nombreux « sambaquis ». Dans le nouveau village, les femmes vendent leur artisanat, surtout des colliers, tandis que les hommes pêchent ou s’occupent du jardin potager. « Les Indiens veulent préserver leurs sites archéologiques et résoudre leur problème d’habitation. Dans l’État de Rio, il y a quelque 600 Indiens refoulés dans cinq réserves indiennes surpeuplées, loin des centres urbains », explique à l’AFP l’avocat Aron da Providencia, 45 ans, lui aussi un Guajajara (une branche de l’ethnie Guarani), qui assiste les Indiens installés à Camboinhas. D’après ce représentant de la Commission des droits de l’homme de l’ordre des avocats du Brésil, les Guaranis veulent freiner la spéculation immobilière et préserver le parc écologique recouvert en partie par la forêt atlantique, un écosystème en voie de disparition. « La terre de l’une des dunes de la lagune d’Itaipu a déjà servi à aplanir le terrain pour y construire des centaines de maisons et immeubles, mais nous avons obtenu que la justice suspende le projet immobilier », a ajouté l’avocat. L’installation des Guaranis près de ce quartier huppé de Niteroi provoque de vives réactions parmi les habitants qui redoutent une dévalorisation de leurs maisons. « C’est une réserve écologique gouvernementale et pas une réserve indienne. Elle doit être préservée de la spéculation immobilière tout comme des Indiens », a affirmé Walter Dominguez, un ingénieur qui habite à Camboinhas depuis 20 ans. « Je vais me battre pour faire partir ces Indiens. Si on laisse faire, ça va devenir une grande favela », a-t-il ajouté. Même son de cloche au siège de l’Association de quartier de Camboinhas : « Ce n’est pas une réserve indigène et il n’y a pas de sambaquis », affirme Adriana Alves da Cunha e Souza, avocate de l’association. « Nous n’avons pas peur de la présence des indiens mais de la destruction de l’environnement qu’ils ont déjà commencé avec leurs huttes », ajoute-t-elle avant de conclure : « Et, comme ils disent qu’ils vont arriver à 2 000, nous sommes terrorisés. » L’association a déjà intenté une action en justice pour obtenir l’expulsion des familles guaranies qui revendiquent, elles, leur maintien sur les lieux sacrés de leurs ancêtres. De trois à cinq millions d’indiens, selon les historiens, vivaient au Brésil lors de l’arrivée des Portugais en 1500. Depuis, leur nombre a drastiquement diminué : aujourd’hui, sur 190 millions d’habitants, il n’en reste que 734 000 de 241 ethnies différentes, moins de 0,4 %.