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Actualités - OPINION

Éclairage Le scénario de Joumblatt, un prélude à l’internationalisation, selon l’opposition Scarlett HADDAD

En deux temps trois mouvements, l’atmosphère du pays a changé. Alors qu’il y a quelques jours encore, on se demandait qui allait participer aux nouvelles séances de dialogue précédant la séance parlementaire de l’élection présidentielle, on se demande aujourd’hui quel nouveau coup dur va frapper le Liban. La prétendue ouverture de Walid Joumblatt en direction de l’opposition et du président de la Chambre Nabih Berry en particulier, largement commentée et analysée dans les médias, a été rapidement balayée par ses deux dernières conférences de presse. De même, l’appel au dialogue du président de la Chambre, salué par de nombreux ambassadeurs et même par le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa – qui a estimé, dans une de ses déclarations, qu’il s’agissait d’une offre qui ne pouvait être refusée –, est resté sans véritable réponse et la séance du 13 mai semble devoir connaître le même sort que celles qui l’ont précédées. La tension verbale est à son comble et même sur le plan sécuritaire des incidents se multiplient, comme autant de mauvais présages... Que s’est-il donc passé pour que, en quelques jours, le pays soit pratiquement au bord du gouffre ? Des sources proches de l’opposition estiment que le vent d’optimisme soulevé par la proposition du président Berry était en fait illusoire. De retour de Damas, fort des encouragements syriens et de la position positive de l’Égypte, Berry a cru pouvoir lancer une nouvelle initiative, selon laquelle l’opposition était prête à se contenter d’une simple déclaration d’intentions sur la loi électorale et le prochain gouvernement de la part de la majorité, pour accepter de participer à l’élection présidentielle. Mais très vite, le refus des autorités saoudiennes de fixer un rendez-vous au président de la Chambre a montré les limites de l’action de Berry, mettant en évidence le fait que la situation régionale et internationale n’était pas encore mûre pour une solution au Liban. Berry a quand même voulu poursuivre son projet, espérant parvenir à réaliser une percée quelconque, notamment grâce à sa reprise de contact avec Joumblatt. Mais les Forces du 14 Mars sont revenues à leur menace de recourir à une élection présidentielle à la majorité plus une des voix des députés et Berry a répondu à Amr Moussa qui lui en a parlé : « Qu’à cela ne tienne. Il y a la majorité plus une et la majorité moins une… » Avec son sens des formules, il brandissait ainsi la menace de l’élection d’un président par l’opposition avec les seules voix de ses députés, si la majorité élisait le sien... Dans cette atmosphère de tension, il n’a plus voulu fixer un rendez-vous à Saad Hariri comme le lui demandait Moussa, estimant que, s’il le faisait, cela serait utilisé contre lui et ne ferait pas avancer le dialogue, puisque l’Arabie saoudite refusait toujours de le recevoir. Le coup de grâce Les sources proches de l’opposition considèrent toutefois que le coup de grâce à son initiative est venu de celui qui affirmait l’appuyer, Walid Joumblatt. Les mêmes sources estiment que l’attitude de Joumblatt n’est pas une réaction à une soi-disant fin de non-recevoir que la Syrie aurait adressé à la médiation du président irakien Jalal Talabani en vue de renouer le dialogue entre Assad et le chef du PSP. Elle s’inscrirait plutôt dans un plan soigneusement établi et visant à aboutir à une internationalisation plus musclée de la crise libanaise. Selon ces sources, Joumblatt aurait commencé par préparer le terrain en amplifiant l’incident survenu à Bir el-Abed avec le député socialiste français. Il a ensuite élaboré son scénario sur un prétendu projet d’attaque du Hezbollah contre la piste d’atterrissage numéro 17 qui accueille en général les avions privés. Le choix de l’aéroport n’est pas innocent puisqu’il permettra aux Forces du 14 Mars et au gouvernement Siniora de soulever le thème de la sécurité dans cet espace stratégique lors de la réunion du Conseil de sécurité destinée à discuter le rapport élaboré par M. Terjé Roed-Larsen sur l’application de la résolution 1559. M. Larsen, qui est accusé par l’opposition d’être de parti pris, devrait profiter de cette nouvelle affaire pour réclamer une extension du rôle de la Finul au Liban de manière à y inclure l’aéroport. Cette initiative pourrait faire l’objet d’un débat au sein des membres du Conseil de sécurité, surtout après la déclaration du nouveau Premier ministre italien Silvio Berlusconi de modifier les règles d’engagement de la force onusienne au Liban. L’aéroport, une profondeur stratégique Les sources proches de l’opposition rappellent toutefois que la zone de l’aéroport est considérée comme « la profondeur stratégique » de la banlieue sud et qu’elle revêt une grande importance pour le Hezbollah. Une force de l’ONU, déployée avec ses moyens de surveillance sophistiqués à quelques mètres à vol d’oiseau de ses propres institutions, ne serait pas vue d’un bon œil et susciterait forcément sa méfiance. Tout en estimant que certains membres du Conseil de sécurité ne devraient pas être favorables à ce projet d’étendre le rôle de la Finul, les sources de l’opposition affirment qu’il s’agit en tout cas d’une nouvelle tentative de redistribution des cartes au Liban. Ces mêmes sources n’écartent pas la possibilité qu’en avalisant les propos de Joumblatt, le gouvernement cherche aussi à exercer des pressions sur l’armée pour la pousser à remplacer le commandant du service de sécurité de l’aéroport, le général Wafic Choucair, par un officier qui serait plus acquis aux Forces du 14 Mars. Ce qui pourrait aussi entraîner des frictions avec le Hezbollah qui fait régulièrement l’objet de menaces israéliennes et américaines et qui par conséquent, toujours selon les mêmes sources, est contraint à rester très vigilant sur les questions qui touchent à sa sécurité. Pour les sources proches de l’opposition, tous ces développements sont également liés à la prochaine visite du président américain George Bush dans la région le 15 mai et ses dernières tentatives de briser la chaîne constituée par l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas, avant l’expiration de son mandat en novembre prochain. En d’autres termes, le Liban entre dans une nouvelle période de turbulences, chaque camp ayant fixé le plafond des concessions qu’il pouvait faire. Pour le reste, l’équation reste la même : en dépit de la course aux armements, la guerre civile reste une option rejetée par tous.
En deux temps trois mouvements, l’atmosphère du pays a changé. Alors qu’il y a quelques jours encore, on se demandait qui allait participer aux nouvelles séances de dialogue précédant la séance parlementaire de l’élection présidentielle, on se demande aujourd’hui quel nouveau coup dur va frapper le Liban. La prétendue ouverture de Walid Joumblatt en direction de l’opposition et...