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Actualités - OPINION

Le printemps revient

L’hiver, méchant, quitte nos champs… Coucou, coucou, et le printemps, coucou, coucou, revient à nous?! La bonne nouvelle?! Puisqu’il ne nous reste que celle-ci dans cette animalerie qu’est devenu notre pauvre pays. L’hirondelle bientôt se fera une beauté et brassera de ses petites ailes l’air empesté. Quelques nids par-ci par-là viendront égayer le bord des fenêtres hier fermées à la brise. Les pâquerettes montreront leurs corolles timides et les coquelicots tacheront les champs de leur rouge éclatant et remplaceront l’autre rouge, celui du sang. Voici comment le printemps renaît chaque année dans mon Liban. Le bruit de la rue n’est plus pareil. La rue se colore, s’anime. Les tapis ornent la rambarde des balcons, les portes s’ouvrent sur les longs balais cachés derrière la porte sous lesquels l’eau coule, fraîche, rapide. Tout se lave, tout se rince, même les chagrins les plus gros. La chasse à la poussière oubliée dans les moindres recoins commence, celle de la grisaille des jours et des cœurs aussi. Plus de place à l’amertume, mais au soleil qui célèbre son retour. Pas de retour en arrière, mais le regard tourné vers la douceur des journées qui s’étirent sur les vagues de la Méditerranée. Les mères s’affairent dans la boutique du coin. Elles farfouillent dans les rayons, papotent avec la vendeuse qui est là depuis toujours, qui a vu les enfants grandir, qui connaît leur âge, leurs tailles et le goût de maman. Un ruban bleu sur la bougie du petit pour qu’il soit le plus beau. Un ruban rose sur le chapeau assorti à la robe de la fille, et tout ce petit monde est prêt pour accueillir Celui qui un jour sur un âne retourna. Ils rayonneront, les enfants ce dimanche-là, toutes bougies allumées, et nous brillerons tous, nous parents, dans notre oubli qu’il était une fois Jérusalem, un retour, la trahison, le Crucifix et la Résurrection?! Nos cuisines sentiront pour la millième fois l’odeur d’eau de fleurs et de roses mêlées, de noix pilées, de sucre et de dattes. Les moules en bois usé referont surface, pour nous voler des doigts les boules pétries savamment, habilement. Les voisines reviendront, repapoteront, reboiront café après café, complimenteront l’hôte sur la grosse poule enrubannée qui siège au beau milieu de la table à manger. L’odeur des «?maamouls?» au four embaumera la cuisine, la maison toute entière, les escaliers de l’immeuble jusqu’au quartier voisin. Nos plateaux argent flamboyant en regorgeront et nous nous empiffrerons d’œufs en chocolat jusqu’à la nausée. Les Libanais ne laisseront aucun poussin, grand ou petit, leur échapper. Le stock de bougies du vendeur du quartier sera en rupture. Les rubans s’envoleront comme par enchantement des étalages des merceries, les boutons en forme de marguerites, de cloches, de poules et de lapins aussi. On manquera de taille 8 dans cette robe en dentelles, ou 4 pour cet uniforme marin. On se bousculera, on s’arrachera l’oie et le dindon, nous les dindons de la farce, parce que c’est Pâques, parce que c’est le printemps. Parce que nos amours sont mortes et enterrées comme ce Jésus qu’on flagelle et qu’on crucifie. Qu’il faut les remplacer et tuer nos consciences. Parce que nous souffrons et voulons tout cacher. Parce que nous intériorisons la souffrance. Comme Celui qui, du haut de sa croix, s’écria «?Eli, Eli?» et qui souffrait, sans que personne sur terre ne Le comprenne. Sans qu’aucun ne s’aperçoive de l’immensité de Son calvaire et qui s’en retourna alors vers Celui qui est plus grand que tous, que tout. Et l’appela à son secours. Nous autres, nous appelons la poule et ses poussins parce que les autres sont ailleurs ou sourds. Nous sonnons les cloches pour combler le silence qui nous tue ou masquer la cacophonie qui nous entoure. Nous colorons les œufs, incapables que nous sommes de colorer en arc-en-ciel nos jours de malheur. Nous nous gavons de chocolat pour goûter à cette douceur qui nous manque. Gloutons. C’est ce que nous sommes devenus. Gloutons et jamais repus. Du bouton, des rubans et de la dentelle. Artificiels. C’est ce que nous sommes. Artificiels jusqu’au bout de la ficelle, bridant nos élans par des nœuds, cachant la laideur par des fleurs, éclairant nos âmes obscurcies à la lueur des bougies. Farfelues sont nos méthodes. Absurde, notre mentalité. Déchaînée, notre ribambelle criarde. Malheureux, vous vivez éloignés de cet instant où le Maître revint vous dire?: «?Laissez venir à moi les petits enfants et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour leurs pareils.?» Mais par vos actes étranges, déracinés à jamais ils seront, vos enfants, comme ces branches de palmier jadis étendues à Ses pieds. Vos pas ne savent plus prendre le Golgotha pour les faire accéder à la paix. Vos pensées ne s’élèvent plus vers ce Crucifix, symbole du sacrifice, du martyre et du pardon, par amour de l’autre. Vous ne savez plus les accompagner vers l’accomplissement de soi pour rencontrer cet autre. Pourquoi vous êtes-vous voués à la mort, dévoués aux morts, adorant le veau d’or?? Par vos sacrilèges, vous dissimulez à leurs yeux l’espérance, voilez devant eux l’Éternité et déformez le principe du bien, la valeur du beau et le sens même de ce que fut jadis printemps de Jérusalem. Sue CAMBAR
L’hiver, méchant, quitte nos champs…
Coucou, coucou, et le printemps, coucou, coucou, revient à nous?!
La bonne nouvelle?! Puisqu’il ne nous reste que celle-ci dans cette animalerie qu’est devenu notre pauvre pays.
L’hirondelle bientôt se fera une beauté et brassera de ses petites ailes l’air empesté. Quelques nids par-ci par-là viendront égayer le bord des...