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Actualités - CHRONOLOGIE

À l’initiative du Collectif de citoyens libanais et Amis du Liban Le Liban dans les médias français Paris - de Carole DAGHER

« Le Liban dans les médias français, enjeux et contraintes de l’information » : tel était le thème d’une rencontre-débat organisée par le Collectif de citoyens libanais et Amis du Liban le vendredi 4 avril, au Musée social dans le 7e arrondissement de Paris, regroupant des journalistes chevronnés couvrant régulièrement la question libanaise et celle du Moyen-Orient. Georges Malbrunot (« Le Figaro »), Pierre Barbancey (« L’Humanité »), Christophe Ayad (« Libération ») et Antoine Perruchot (Radio-France) ont longuement développé leur expérience personnelle de la couverture de la guerre au Liban (notamment celle de juillet 2006), abordant des sujets tels que le souci d’équilibre dans l’information et l’émotion que peuvent générer des images fortes, les relations avec les sources d’information et leur fiabilité, ainsi que les conflits de terminologie pour présenter les différents protagonistes du conflit, qu’il s’agisse de la guerre entre le Hezbollah et Israël ou du bras de fer entre le camp du 14 Mars et celui du 8 Mars, entre « majorité » et « opposition », qui paralyse le Liban d’aujourd’hui. Après un mot de présentation de Mohammad Hamdane et des modérateurs Camille Aubret et Nasri Sayegh, s’est ouverte la séance ou plutôt le dialogue entre les intervenants. La première constatation qui s’est vite dégagée des échanges est celle de la diminution des journalistes spécialistes ou connaisseurs des problèmes du Moyen-Orient. Les questions de moyens et d’espace (de plus en plus réduit) à consacrer à l’information internationale déterminent une couverture de plus en plus ponctuelle et occasionnelle, avec un recours plus fréquent à des pigistes ou à de jeunes reporters installés sur place. Malbrunot déplore ainsi qu’il y ait « moins de suivi de dossier qu’il y a vingt ans, où il y avait une couverture régulière qui permettait de restituer l’actualité dans son contexte ». Ce qui entraîne une couverture plus factuelle et moins analytique, et une uniformisation de l’information, avec un recours accentué aux agences de presse, les pigistes ayant tendance à aller dans le sens dominant des dépêches. « Ainsi en est-il de la couverture concernant le Zimbabwe, et plus encore de la Chine et du Tibet », précise Barbancey. La guerre de juillet 2006 Comment peut-on parler d’information équilibrée quand on couvre une guerre comme celle dont fut victime le Liban à l’été 2006 ? La volonté d’équilibre des médias peut en effet mener à un déséquilibre de l’information, comme celle qui a fait titrer au journal Le Monde : « Israël/Hezbollah : la guerre des missiles ». « Il est factice de parler d’équilibre, conteste Malbrunot, comme s’il peut y avoir équilibre entre l’occupant et l’occupé ! Il faut surtout une absence de complaisance quand on écrit. » Dire les choses telles qu’elles sont et oser qualifier de « disproportionnée » la riposte d’Israël. « Parce que les médias ont perdu cette connaissance intime du terrain, ils pensent être équilibrés, ajoute-t-il. On manque de profondeur, mais aussi de courage pour défendre ceux qui se font taper dessus. » Perruchot relève, pour sa part, qu’il est difficile de se maintenir dans la neutralité, que les correspondants voient les choses dans la subjectivité à partir de leur poste à Beyrouth ou en Israël et qu’ils essaient de refléter autant que possible l’état d’esprit des populations sur place. Il précise avoir eu l’impression qu’à Radio-France, la tendance était de condamner la politique d’Israël et de soutenir l’État libanais. Barbancey va plus loin en soulignant que « non seulement la neutralité n’existe pas, mais aussi l’objectivité ». « Ce n’est pas seulement la recherche de l’équilibre à tout prix, en temps de guerre, mais de jouer sur l’émotion aussi, de faire pleurer le public, et finalement, de créer le débat. » Ainsi, les journalistes qui ont couvert le nord d’Israël l’ont fait « comme ils l’ont senti », à tel point que l’on pouvait croire que les obus tombaient davantage au nord d’Israël qu’au Sud-Liban ! Ayad souligne que les rédactions des journaux étaient elles-mêmes divisées, qu’il y avait des options politiques, des disputes et des lectures différentes du conflit au Proche-Orient, de ce qui s’était passé le 13 juillet, etc. De plus, « lorsqu’un rédacteur en chef reçoit tous les jours des mails, des coups de fil d’“amis”, ça finit par faire de l’effet », ajoute-t-il, en parlant des pressions politiques auxquelles les journalistes sont soumis. Enfin, le choix des titres et de la manchette n’est souvent pas le fait du journaliste qui a couvert le terrain et écrit l’article, mais celui de la rédaction. Quelques (mauvaises) surprises ont ainsi été réservées à des envoyés spéciaux en Palestine ou au Liban, avec des titres adoptés par leur rédaction qui ne reflétaient pas le contenu de leur article, voire même le déformaient. L’accès aux sources Si « le Liban est un pays où l’accès aux sources est très facile, les gens étant enclins à parler, comme le souligne Malbrunot, il faut demeurer très vigilants sur ce qu’on écrit, croiser les informations, les vérifier si nécessaire auprès de sources non libanaises. » La question se pose, de la crédibilité et de la fiabilité des sources locales, souvent liées aux partis ou aux camps politiques en présence. Cela est vrai pour Israël aussi, où, à Jérusalem, le directeur d’une grande agence de presse est un officier de réserve de l’armée israélienne, révèle Barbancey. Cela pose un problème en ce qui concerne l’objectivité de la couverture du conflit israélo-palestinien. Pour un journal comme L’Humanité, les syndicats et les mouvements engagés dans le combat social constituent un réseau important. « Ils nous permettent d’aller dans les villages, de dormir chez l’habitant, de partager leur quotidien, ce qui n’est pas évident », précise le journaliste du quotidien du Parti communiste. « Même à Bagdad, durant la guerre de 2003, on circulait mieux qu’au Sud-Liban en juillet 2006 », ajoute-t-il. L’émergence de nouveaux médias arabes puissants, avec de bons journalistes, comme les télévisions al-Arabiya et al-Jazira, a été mise en évidence par Christophe Ayad, qui a souligné combien les médias occidentaux sont devenus « un peu à leur remorque, car ils sont obligés de regarder ce qui y est dit et l’info qui y est présentée ». Il en est ainsi, par exemple, pour comprendre le monde chiite et le Hezbollah. « En France, il existe quatre ou cinq spécialistes à tout casser, alors que dans le monde arabe, les spécialistes sont nombreux. » Enfin, une des particularités libanaises est le nombre élevé des officines de services de renseignements, d’obédiences diverses, auxquelles les journalistes peuvent avoir accès. C’est chose courante au Liban alors que ce n’est pas commun ailleurs. Cette accessibilité se double d’un risque notoire : celui de la manipulation et de l’impossibilité de vérifier l’information transmise. Aussi, les journalistes doivent-ils manier les infos recueillies auprès de ces sources avec beaucoup de précaution, en les considérant « comme des sources non d’information, mais d’opinion », ainsi que le souligne Perruchot. La soirée s’est terminée sur une discussion à bâtons rompus avec le public présent, lui aussi divisé sur les terminologies utilisées par les journalistes quant aux termes de « prosyrien » ou d’ « antisyrien », de « majorité » ou d’ « opposition ». Ce qui a d’autant mieux souligné la pertinence de la problématique posée par les organisateurs de la rencontre.
« Le Liban dans les médias français, enjeux et contraintes de l’information » : tel était le thème d’une rencontre-débat organisée par le Collectif de citoyens libanais et Amis du Liban le vendredi 4 avril, au Musée social dans le 7e arrondissement de Paris, regroupant des journalistes chevronnés couvrant régulièrement la question libanaise et celle du Moyen-Orient....