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Actualités - CHRONOLOGIE

EXPOSITIONS - Ce soir et jusqu’au 20 avril, « Photographies d’une guerre sans images » au Hangar Umam D&R (Dahié) Michael von Graffenried capte l’insaisissable

Au cours de 30 allers-retours effectués durant dix ans, Michael von Graffenried, caméra suspendue au-dessous de son cœur, a parcouru les rues et les villages d’Algérie, captant un regard, un geste, un mouvement pour rassembler par la suite les pièces de ce puzzle qui formerait l’histoire de l’Algérie. Une histoire qu’il narre aujourd’hui en photos, en album (baptisé journal) et en film au Hangar Umam D&R à Dahié. Une exposition qui se poursuit jusqu’au 20 avril et qui constitue « l’initiateur » d’une manifestation plus large qui devrait se prolonger toute l’année. Ce n’était ni à titre politique ni à titre journalistique que Michael von Graffenried s’est attelé à photographier l’Algérie de 1991 à 2001, mais dans le simple but de raconter l’histoire d’un peuple et d’un pays. « Une Algérie plongée dans une guerre cruelle et qui a fini par imploser faute d’une mémoire historique pouvant offrir un consensus national », dit Benjamin Stora (professeur d’histoire de Maghreb). Le photographe s’est fait le témoin d’une histoire en marche. « Comment se souviennent les gens qui ne filment pas, qui ne photographient pas ? Comment faisait l’humanité pour se souvenir ? s’était demandé Chris Marker. Après Paris, c’est à la demande de Mme Boudiaf, veuve de l’ancien président, que l’exposition a pu se dérouler à Alger même. « Une occasion de pouvoir rencontrer toutes les personnes que j’avais photographiées et de les faire parler afin de parachever le travail par un film », avoue l’artiste. En compagnie du cinéaste algérien Mohammad Soudani, qui n’avait pas revu son pays depuis longtemps, ils allaient réaliser le documentaire : Guerre sans images-Algérie, je sais que tu sais. Repenser l’histoire L’aventure de l’Algérie a pourtant commencé pour von Graffenried par un simple hasard. « Je suis comme un ethnologue », dit-il. Arrivé en 1991, pour le 700e anniversaire de la confédération helvétique, qui devait être célébré dans ce pays, le photographe a très vite monté des ateliers avec des collègues algériens, ne sachant pas qu’il allait assister à une des périodes les plus difficiles de l’Algérie. Élections, démocratie tronquée, éradication, massacres : l’artiste, avec pour seule arme son appareil photo, allait marquer de ses clichés une guerre sans images. Les assassinats des journalistes rendaient la tâche plus dure, mais grâce à ses amitiés et à sa caméra cachée, von Graffenried rendait la voix à tout un peuple. « C’est d’abord pour des raisons personnelles que mon choix s’est porté sur cette exposition », affirme Monika Borgman, responsable du Hangar Umam D&R. « Je l’avais vue à Paris et j’avais apprécié le travail de cet artiste bernois. Mais je l’ai également choisie parce qu’elle rentre dans le cadre de la politique de Umam, à savoir, amener au Liban des expériences d’autres pays pour confronter le public libanais d’une manière indirecte avec sa propre histoire », dit-elle. C’est un premier événement destiné à s’insérer dans un autre plus grand. Baptisé « What Is to be Done ? War-Loaded. Memory », ce dernier démarre le 10 avril par une conférence à l’Unesco qui devra se prolonger toute l’année par une série d’ateliers regroupant des membres actifs de la société civile. Reposant sur deux questions essentielles (les disparus libanais et palestiniens, et la responsabilité des meurtres perpétrés), l’événement abordera le travail de la mémoire (« jusque-là traité d’une manière trop individuelle », souligne Borgman). « Mis à part le contexte, différent, poursuit-elle, il existe dans les deux pays des similitudes. Si la situation politique est grave et fragile, il est important de commencer à se souvenir du passé. Des ateliers de travail seront organisés tout au long de l’année avec la société civile et de ses membres actifs qui ont abordé ces sujets. » L’exposition de l’Algérie est donc envisagée dans ce contexte. Elle est initiatrice de la conférence qui démarre le 10 avril et qui enclenchera tout le programme. L’exposition, qui est affichée dans un ordre chronologique respectant celui des événements, se termine en boucle par un cliché représentant un carré d’hommes formant le dernier quadrilatère de la démocratie. Comme un ethnologue, le photographe a jeté un regard différent et nouveau dans ses deux œuvres. C’est toute l’identité de l’Algérie qui est mise en cause par ces simples photos-témoins. Quelles sont la race, la couleur et la religion de ce pays ? « Certes, la photo ne va pas changer le monde, affirme Michael von Graffenried, mais elle pourrait susciter une réflexion… dans la mémoire endormie. » Colette KHALAF
Au cours de 30 allers-retours effectués durant dix ans, Michael von Graffenried, caméra suspendue au-dessous de son cœur, a parcouru les rues et les villages d’Algérie, captant un regard, un geste, un mouvement pour rassembler par la suite les pièces de ce puzzle qui formerait l’histoire de l’Algérie. Une histoire qu’il narre aujourd’hui en photos, en album (baptisé...