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PRÊT-À-PORTER Un automne-hiver 09 atypique chez Élie Saab Page réalisée par FIFI ABOU DIB

Première semaine de mars. Paris est en effervescence. Le printemps s’annonce à peine, que les maisons de couture révèlent les couleurs de l’hiver prochain. La présentation des collections de prêt-à-porter féminin pour l’automne-hiver 2008/2009, qui s’est achevée dimanche 2 mars, a illustré une grande diversité créative, avec une mode souvent colorée, parfois très proche de la haute couture. La saison a aussi été marquée par des passages de relais plutôt bien accueillis dans deux grandes maisons, Valentino et Emanuel Ungaro. Alessandra Facchinetti, ex-directrice artistique de Gucci qui a succédé au fondateur de la griffe, a réussi à moderniser le style Valentino sans en trahir l’esprit. La collection du jeune Esteban Cortazar, chargé de redonner un nouveau souffle à Ungaro, tout en souples drapés, a été accueillie avec bienveillance même si elle a moins convaincu. « Il y a eu un aspect festif, un bonheur d’être là qui n’existait pas  avant », a estimé le président de la Fédération française de la couture, Didier Grumbach, à propos des défilés. « C’est peut-être un antidote à une situation politique qui nous fait peur, a-t-il ajouté. C’est l’annonce d’une phase positive. » L’un des défilés les plus joyeux aura sans doute été celui de John Galliano pour Christian Dior, qui a célébré les années 60 avec une bonne humeur contagieuse. Si Alber Elbaz pour Lanvin a proposé une collection presque totalement noire, les couleurs ont explosé chez Kenzo, Jean-Charles de Castelbajac, Christian Lacroix, Dries van Noten, Élie Saab... Un certain nombre de collections sont apparues plus proches de la haute couture que du prêt-à-porter, notamment celles d’Alexander McQueen, Ralph Rucci, Balmain, Givenchy. Plusieurs créateurs ont proposé des vestiaires aux allures futuristes, comme Miuccia Prada avec ses austères cyclistes accompagnés de fines cagoules, pour sa seconde ligne, Miu Miu. Stefano Pilati a surpris chez Yves Saint-Laurent, avec une collection très dure, minimaliste. « Il a pris des risques », estime Jean-Jacques Picart, consultant de mode. Chez le Japonais Issey Miyake, l’avenir est dans le papier, avec des vêtements jetables. Les préoccupations écologiques se sont exprimées avec force chez Vivienne Westwood dont les vêtements avaient été peints par des enfants, de manière plus discrète chez d’autres, comme les Japonais Commuun, qui n’ont utilisé que des tissus naturels et bio. La fourrure s’est imposée sur de nombreux podiums, surtout chez Jean-Paul Gaultier qui l’a associée à de la fausse fourrure. Moins d’accessoires ont été proposés. Chez Chanel, Karl Lagerfeld les avait symboliquement placés, en reproductions géantes, sur un manège installé sous la verrière du Grand-Palais. Il a fait défiler des mannequins qui ne portaient quasiment pas de bijoux. L’ourlet descend, notamment chez Chanel, avec de longues jupes droites en tweed, ou chez Christian Lacroix. Le cou reste très enveloppé avec des cols hauts, cheminée, lavallière... Chez Martin Margiela, des cols géants qui enveloppent les épaules se développent à la verticale, dissimulant une partie du visage. Les manches bouffantes ou en bulbes sont nombreuses. Les épaules font l’objet de beaucoup d’attention. José Castro réintroduit les épaulettes pour élargir leur ligne, Anne-Valérie Hash les redessine avec de courtes manches à facettes. La saison est restée « dans la réflexion » avec « une mode pas encore totalement courageuse », à l’exception du « graphisme d’Yves Saint-Laurent qui va un peu plus loin », estime Anna Piaggi, directrice du magazine Vogue italien. Pour Jean-Jacques Picart, « il y a eu des messages, mais pas beaucoup d’adrénaline ». Élie Saab, zen et égal à lui-même Pas d’effets spéciaux chez le Libanais Élie Saab. Si Mme Torrente savait que cet autodidacte lui succèderait dans ses somptueux locaux 1, rond-point des Champs-Élysées, elle se serait réjouie de l’élégance discrète qui continue à sévir dans ces lieux. À la veille de la présentation, bien que l’essentiel est encore à ordonner en dernière minute, aucun signe de stress. L’équipe est partie pour une nuit blanche, mais l’ambiance est détendue. Humour, complicité, confiance, trois mots pour définir l’alchimie qui transforme ici les collections en or. Il y a d’abord la famille : les deux frères d’Élie Saab, son épouse Claudine, deux de ses fils venus de Genève l’espace d’un week-end pour aider à accueillir les invités. Saab est heureux dans son rôle de chef d’orchestre. Il observe les préparatifs d’un œil amusé. Il y a d’abord les stylistes, Charbel Abou Zeidane, la mascotte, dit « Chéri », et son acolyte Yin. Tous deux ont contribué à la documentation et à l’élaboration de la ligne. Autour de l’ambiance années 80 qui sera très présente l’hiver prochain, ils ont défini un graphisme inspiré de la mire, ce symbole technique qui apparaissait à la fin des programmes, au temps déjà révolu de la télévision analogique : un cercle noir cranté de blanc, entouré d’un prisme de couleurs primaires. Au lieu du bleu limpide et silencieux qui apparaît de nos jours sur les chaînes non desservies, il y avait ce brouillage chuintant qu’on appelait « neige » où l’on voyait des particules blanches et noires se poursuivre et se télescoper. De la « neige » et de la « mire », il a résulté une collection atypique avec des effets graphiques très Mondrian. Michel Gaubert, l’arrangeur musical qui venait essoufflé de chez Rykiel, ses quatre I-Pod chargés de trésors, ne s’y est pas trompé. Pour lui, les années 80 c’est Blade Runner. Une musique haletante qui n’est pas sans évoquer le Manhattan boogy-woogy où Mondrian représente la circulation démente de New York. Il y aura aussi du Kylie Minogue et l’enregistrement surréaliste d’un pas pressé de talons aiguilles dans un couloir de métro. Le cocktail est prêt. Il n’y a plus qu’à secouer. Pendant ce temps, les mannequins qui arrivent l’une après l’autre des divers défilés de la soirée passent aux essayages. Dans les couloirs résonnent toutes les langues. On entend de l’anglais, de l’italien, de l’arabe, du russe, du scandinave. La nuit sera consacrée aux retouches. Le jour J, au Carrousel du Louvre, les robes attendent, dûment étiquetées, les filles déjà prises en charge par le coiffeur milanais venu avec toute son équipe et le maquilleur MAC qui plaque sur les paupières d’épaisses couches de noir et de bleu Klein scintillant. La salle a été décorée dans l’esprit de la collection : un puzzle noir et blanc où l’on croit voir des touches de piano. Décidément, l’idée de la mire ne manque pas de ressources ! Plus de mille deux cents personnes rempliront les gradins. Des « people » : Adriana Karembeu, Sophie Favier, la chanteuse Nadiya, Gabriella Wright. Peu d’Orientales, beaucoup d’Américaines et de Russes. On murmure que les princesses arabes se réservent plutôt pour la haute couture. Je reconnais les fameux « bruits de pas dans un couloir ». C’est parti ! On verra l’imprimé de la saison décliné sur des tissus vaporeux. Beaucoup de lavallières, des bandes noir et blanc assemblées en froufrous pleins d’humour, des longueurs généreuses pour du prêt-à-porter, mais la frontière est de plus en plus confuse avec la haute couture qui ne se distingue plus que par des effets de broderie et de tissus précieux. Une Américaine assise à côté de moi applaudit debout. Elle me confie qu’elle a fait le chemin depuis Miami pour vivre ce moment. Quand elle aperçoit Saab à la finale, elle me dit avec un grand sourire : « Cet homme est un génie ! » Attroupement en coulisses : la presse entoure Paolo Coelho qui déclare avoir été invité à tous les défilés, et tant qu’à n’assister qu’à un seul, il a choisi celui de Saab. Pourquoi ? Parce que son profil l’intéresse. Il lance le mot : « Il est atypique », Saab n’essaye pas de faire d’effets, ni de spectacle. La mode est un miroir. Elle reflète une société à un moment de son histoire, dit Coelho. Saab vient du Moyen-Orient. Là-bas les femmes sont naturellement coquettes. Il leur faut un message direct. Une robe est d’abord un vêtement. Une fois le rideau tombé, il faut pouvoir la porter. Saab rassure. C’est sa force.
Première semaine de mars. Paris est en effervescence. Le printemps s’annonce à peine, que les maisons de couture révèlent les couleurs de l’hiver prochain.
La présentation des collections de prêt-à-porter féminin pour l’automne-hiver 2008/2009, qui s’est achevée dimanche 2 mars, a illustré une grande diversité créative, avec une mode souvent colorée, parfois...