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Actualités - OPINION

La question libanaise et l’évolution du rôle du Conseil de sécurité I- «Agression» et «menace contre la paix»

Depuis septembre 2004, la situation au Liban fait l’objet d’un intérêt international particulier, notamment en ce qui concerne les affaires internes libanaises, ainsi que leurs répercussions sur le plan régional, et vice versa. Cet intérêt s’est traduit par des médiations diplomatico-gouvernementales – arabes et occidentales –, d’une part, et par l’adoption en Conseil de sécurité de résolutions, à travers lesquelles ce dernier a abordé la question libanaise à la lumière de l’évolution de son rôle dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, d’autre part. L’intervention du Conseil de sécurité (CS) dans le dossier libanais dans ce contexte évolutif revêt désormais une nature qui lui est propre et qui se manifeste au niveau du mécanisme d’adoption des résolutions et de la qualification des situations de conflit qu’il examine, voire sur le plan du contenu des dispositions et des mesures qu’il adopte. Afin de mieux comprendre le bien-fondé des résolutions dudit Conseil et de ses déclarations présidentielles datant de 2004, notamment celles qui font référence explicite «?à la menace contre la paix et la sécurité internationales?» (1636, 1644, 1701, 1757, etc), il convient d’examiner l’évolution du rôle du CS durant la dernière décennie et les retombées de ce développement sur ses relations avec les États «?belligérants?». 1- Élargissement du concept de menace contre la paix Depuis la première guerre du Golfe et suite aux événements tragiques du 11 septembre 2001, les approches politiques et internationales du Conseil de sécurité portant sur le Moyen-Orient ont consacré une nouvelle phase et un rôle central dudit Conseil dans toutes les situations risquant, directement ou indirectement, de constituer une menace contre la paix et la sécurité internationales. Ce rôle central du Conseil de sécurité repose en effet sur deux axes-clés?: A- En premier lieu, les dispositions et mesures adoptées par le Conseil ont désormais un rôle fondamental dans la reconstruction de l’État en question, en l’espèce l’État libanais, à l’instar du rôle joué par le Conseil dans de nombreux points chauds en Afrique, en Asie ou encore en Europe de l’Est. Ce rôle joué dans la restauration des fondements de l’État, en l’occurrence la souveraineté, l’indépendance et le monopole de la force est dévoilé dans toutes les résolutions du Conseil de sécurité relatives à la situation libanaise depuis 2004 (résolution 1559) et depuis l’an 2000 pour l’Europe de l’Est et l’Afrique. En d’autres termes, les démarches et les rôles assumés par les organisations régionales et par les diplomaties gouvernementales dans le processus de maintien de la sécurité et de la paix aux échelles locale et internationale s’inscrivent en prolongement des dispositions antérieures prises en Conseil de sécurité ou bien ils constituent le prélude à des mesures que le Conseil a l’intention de prendre ultérieurement. Quoi qu’il en soit et en tout état de cause, le caractère central et pivot du rôle désormais joué par le Conseil dans le cadre de la nouvelle génération de résolutions qu’il adopte depuis les années 90 atteste qu’il ne saurait y avoir d’autres alternatives à son intervention étroite et exclusive dans l’opération de maintien, de restauration et d’imposition de la paix dans le monde. Dans le cadre de l’exercice de son autorité, le Conseil de sécurité a évité, en général, d’utiliser le terme «?agressions?» ou «?arrêt du processus de paix?», même dans des circonstances telles que l’invasion du Koweït par l’Irak, où cette qualification semblait tomber à propos. Il a toutefois employé l’expression «?actes d’agression?» à maintes reprises pour évoquer les violations par l’Irak des immunités diplomatiques et consulaires au Koweït, et ce dans la résolution 667 de 1990, sachant qu’il préfère parler de «?menace contre la paix? et la sécurité». Le Conseil s’est ainsi contenté depuis 1990 d’utiliser ce concept de manière plus large et générale, en en faisant usage pour décrire des situations qui, de prime abord, se sont présentées comme étant de simples conflits internes. C’est ainsi que le Conseil de sécurité a introduit le concept de «?menace contre la paix et la sécurité régionales?» dans son lexique et ses résolutions internationales. Il en va de même pour la résolution 688 de 1991 condamnant les opérations de répression menées par l’Iraq contre les populations kurdes au lendemain de la guerre du Golfe, ainsi que pour les résolutions relatives à la situation en Somalie. Pour ce qui est toutefois de la résolution 841 de 1993 sur la situation en Haïti, le Conseil a fait un nouveau pas en avant, puisque la situation dans le pays ne relevait plus du simple conflit interne, mais touchait à la «?légitimité du gouvernement?». Certains analystes en ont conclu qu’il s’agissait de l’émergence d’un nouveau concept, celui de la «?légitimité démocratique?» (Cf. Thomas Frank) qui mènerait les Nations unies à intervenir dans les affaires internes des États pour soutenir les gouvernements démocratiquement élus. Au terme de la résolution 1132 de 1997, le Conseil de sécurité est aussi allé jusqu’à imposer un embargo économique contre la Sierra Leone après avoir relevé une menace contre la paix et la sécurité internationales, suite au coup d’État militaire survenu le 25 mai 1997. Il convient de souligner que l’usage de cette qualification a pris différentes formes. D’aucuns y ont vu le résultat de l’acceptation du «?droit d’ingérence?» du Conseil de sécurité qui pourrait constituer un tournant dans les relations du Conseil avec les États membres, en raison de certaines situations humanitaires dramatiques qui justifieraient une ingérence dans les affaires internes des États. D’autres États en ont conclu que le Conseil de sécurité fait tout son possible, dans tous les cas, pour mettre en évidence un élément international dans la crise interne en question. À noter que ledit élément participe au danger d’instabilité interne que pourrait susciter des crises humanitaires dans un pays donné, en particulier lorsque cela s’accompagne d’un flux massif de réfugiés. Cela dit, le CS déplore, dans le préambule de la résolution 841 de 1993 sur la situation en Haïti, que «?malgré les efforts de la communauté internationale, le gouvernement légitime du président Jean-Bertrand Aristide n’ait pas été rétabli?». Tout en se disant «?préoccupé par le fait que la persistance de cette situation contribue à entretenir un climat de peur de la persécution et de désorganisation économique, lequel pourrait accroître le nombre de Haïtiens cherchant refuge dans des États membres voisins, et convaincu que cette situation doit être inversée pour qu’elle n’ait pas d’effets nocifs dans la région?», et nonobstant le manque de clarté de l’élément international, le Conseil de sécurité s’attache à mettre l’accent en permanence sur cet élément. Par ailleurs, la couverture médiatique de certaines crises amène les États occidentaux soucieux de veiller au respect des droits de l’homme à se mobiliser dans nombre de domaines où le chaos interne se traduit par des situations inadmissibles au regard de l’opinion publique mondiale. Sans compter que dans un monde globalisé et interconnecté, nous voyons jour après jour s’évanouir les frontières entre les problèmes purement internes et les problèmes internationaux. Nous ne sommes donc pas étonnés par les efforts soutenus déployés par certains États, dont la France, pour amener le Conseil de sécurité à intervenir dans ces crises, étant donné que le pari dans le cadre des relations internationales semblait important. Ces engagements n’ont révélé ni le «?droit d’ingérence?» ni le «?devoir d’ingérence?», concepts demeurés en marge du droit international classique. Cependant, le rôle assumé par le CS a mis en exergue une nouvelle lecture de la Charte et une interprétation souple de l’exercice de son autorité. Cette nouvelle lecture va dans le même sens que l’esprit du paragraphe 7 de l’article 2 de la Charte qui pose le principe de non-intervention des Nations unies dans les affaires qui relèvent de la compétence nationale des États, mais précise plus loin que «?ce principe ne porte en rien atteinte à l’application des mesures de coercition prévues au chapitre VII.». P. Fady FADEL Professeur en droit international Secrétaire général de l’Université antonine Prochain article: Une qualification en souplesse
Depuis septembre 2004, la situation au Liban fait l’objet d’un intérêt international particulier, notamment en ce qui concerne les affaires internes libanaises, ainsi que leurs répercussions sur le plan régional, et vice versa. Cet intérêt s’est traduit par des médiations diplomatico-gouvernementales – arabes et occidentales –, d’une part, et par l’adoption en...