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Actualités - OPINION

Résistance culturelle

Il y avait un avant-sommet arabe, il y a maintenant un après-sommet. Dire que l’abcès a été crevé, c’est peu dire : il a été quasiment pulvérisé, retransformé en abcès de fixation implanté, comme un cancer, à la source du mal. La question, toute la question, est là : la tumeur sera-t-elle traitée sur place, confinée dans l’espace réduit des « refuzniks », ou la malignité rendra la métastase inévitable ? Le malade, placé en quarantaine, se décidera-t-il, enfin, à pousser à la roue ou se contentera-t-il, comme d’habitude, de faire la roue, alors que le temple se craquelle de toutes parts, menaçant de s’affaisser sur la tête de tout le monde, de noyer dans les eaux troubles du Barada les derniers espoirs de sortie de crise ? Il y avait un avant-sommet, il y a maintenant un après-sommet, et ce sont désormais les voix assourdissantes des absents qui pèseront lourd dans la balance, qui détermineront la suite des évènements. Le Liban dérange, culpabilise, irrite : c’est tant mieux. Et la rupture étalée au grand jour à Damas n’aura finalement été que la conséquence, le résultat inévitable des politiques de louvoiement, de tergiversation. Une persévérance dans la langue de bois, dans le vocabulaire mensonger de la fraternité, de la communauté de destin, alors que le ver rongeait la racine à sa base, que les crocs-en-jambe se cuisinaient dans les coulisses de la drôle de diplomatie arabe. Fallait-il que la crise libanaise en arrive à menacer la stabilité régionale pour que les pays arabes, les plus influents du moins, se décident à prendre le taureau par les cornes, à mettre le doigt sur la plaie ? Fallait-il que sunnites et chiites en arrivent au stade du divorce pour que ces mêmes pays se décident à tirer la sonnette d’alarme, à désigner le principal suspect, l’empêcheur de tourner en rond, celui qui ne tire sa force que par l’affaiblissement des autres, qui ne survit qu’à travers la mort, une Faucheuse qui essaime du Liban à l’Irak en passant par la Palestine ? Le chaos ailleurs, la stabilité à l’intérieur ! Mais qui a donc assassiné Imad Moghniyé ? Où en est l’enquête qu’on promettait rapide et transparente ? Avec un frère pareil, qui a encore besoin d’un ennemi ? *** En prenant le monde arabe à témoin, Fouad Siniora (que Walid Moallem n’a pas daigné écouter parce qu’il y a des vérités qui écorchent les oreilles) a fait d’une pierre deux coups : il a posé le problème dans sa réalité, dans sa globalité, mettant en exergue le rôle prépondérant de la Syrie dans la crise interne et son blocage de toute solution. Mais il a surtout rappelé au monde arabe la spécificité du Liban, sa pluralité, sa différence qui fait qu’il est le seul État arabe à être dirigé par un président chrétien « sans lequel le pays du Cèdre ne peut donc assister au sommet ». Bingo ! Les contempteurs peuvent se taire, les prétendus défenseurs de la « maronité », phagocytée par « l’ogre » sunnite, peuvent ravaler leur hargne, chercher ailleurs d’autres raisons à d’autres batailles insensées. Par-delà les conflits politiques et les drames sécuritaires, par-delà les aventures divines ou platement mercantiles, les enjeux réels sont ceux qui concernent notre identité, une exception brandie bien haut face à un monde arabe qui se complaît dans une frilosité suspecte chaque fois qu’il est question de réformes. La bataille est avant tout culturelle, ne l’oublions pas. Il s’agit de valeurs à défendre, à promouvoir, d’un combat incessant pour consolider les digues de notre unicité, pour endiguer la marche de la barbarie, celle née de fanatismes aveugles. Querelles marginales, luttes démentes pour le pouvoir, alliances contre nature, tout cela n’est que pacotilles. L’essentiel réside dans la primauté de l’État de droit, de la culture qui le sous-tend, celle qui assure la liberté d’expression et le respect de l’autre, n’en déplaise aux voix vacillantes, discordantes, celles qui s’accrochent aux privilèges révolus, aux mesquineries communautaires. C’est ainsi que le pays du Cèdre retrouvera son essence, celle qui a fait sa spécificité, celle qui devrait garantir sa pérennité. Quel Liban demain ? À cette question, la réponse devrait être, tout naturellement : le Liban de la résistance culturelle, un sujet en or pour des débats à venir. L’Orient-Le Jour ne manquera pas, alors, d’être au rendez-vous, comme il l’a toujours été par le passé. D’ici là, croisons tout simplement les doigts. Nagib AOUN
Il y avait un avant-sommet arabe, il y a maintenant un après-sommet. Dire que l’abcès a été crevé, c’est peu dire : il a été quasiment pulvérisé, retransformé en abcès de fixation implanté, comme un cancer, à la source du mal. La question, toute la question, est là : la tumeur sera-t-elle traitée sur place, confinée dans l’espace réduit des « refuzniks », ou la...