Société - La mode « nationaliste » aux relents soviétiques est en vogue en Russie Les jeunesses poutiniennes régissent le glamour

Le président élu Dmitri Medvedev porte son tee-shirt avec l’inscription « Se reproduire est bon pour la santé » et sa boutique s’ouvre au Goum en face du Kremlin : Antonina Chapovalova, 20 ans et militante des jeunesses poutiniennes, incarne un succès vertigineux en Russie. «La Russie est une véritable marque déposée », s’enthousiasme devant les caméras la jeune femme, gros bouquets de fleurs à la main, à l’issue d’un défilé jeudi soir dans le cadre de la Fashion Week de Moscou, une des semaines moscovites du prêt-à-porter. Couleurs vives traditionnelles, le rouge et le jaune, et dessins de matriochka dominent dans sa collection présentée aux sons de chansons soviétiques. Les inscriptions servent à souligner encore plus le caractère « patriotique » du défilé : « Aime ce qui est russe », « Les Russes avancent » ou « Vova (diminutif de Vladimir), je suis avec toi ! » sur un slip de femme. Elle-même en tee-shirt imprimé d’une image du Kremlin, jean noir et cheveux blonds en queue-de-cheval, la couturière parle tantôt le russe, tantôt l’anglais et respire la sûreté de soi. « Je n’étais pas du tout émue et c’était un succès », dit la jeune femme après le défilé. Son premier défilé qui l’avait « émue davantage » s’est déroulé devant plus de 30 000 personnes sur la place Rouge le 3 décembre, au lendemain des législatives remportées par le parti dont le président Vladimir Poutine était tête de liste. Antonina poursuit encore ses études dans une université « technologique » de sa ville natale de Kostroma (370 km au nord-est de Moscou), mais ses vêtements seront vendus à partir du 10 avril dans les grands magasins du Goum aux côtés des grandes marques occidentales. Cette promotion n’est pas unique chez le mouvement Nachi, connu par ses actions choc comme des manifestations d’un goût parfois douteux devant les ambassades d’Estonie et du Royaume-Uni au moment des tensions entre ces pays et la Russie, ou les « centres de tir politique » contre des membres de l’opposition. Le fondateur du mouvement, Vassili Iakemenko, a été nommé en octobre 2007 à la tête du comité d’État pour la jeunesse. Pour Antonina, tout a commencé il y a trois ans lorsque la jeune provinciale a adhéré au mouvement Nachi. Depuis, elle est devenue « commissaire » et participe à l’élaboration de tenues pour les manifestations du mouvement. L’été dernier, Dmitri Medvedev, alors premier vice-Premier ministre, est venu rendre visite aux militants de Nachi, réunis au bord du lac Seliguer (Nord-Ouest). Il a alors acheté un tee-shirt avec l’inscription « Le ministère de la Santé recommande : se reproduire est bon pour votre santé », se souvient Antonina Chapovalova. La démographie, grand projet de MM. Poutine et Medvedev, est naturellement celui des Nachi qui font preuve de créativité : à Seliguer il y avait des tentes pour que les jeunes couples y résolvent le problème démographique et dans le centre de Moscou ils ont érigé un « cimetière des enfants non nés » pour lutter contre l’avortement. Antonina capte aussi parfaitement les idées dans l’air du temps, comme la promotion de la natalité et de la grandeur retrouvée de la Russie. « Vladimir Poutine et des membres de son Administration ont mes tee-shirts », se vante Mlle Chapovalova. Les simples mortels peuvent aussi s’acheter de tels vêtements en show-room pour un équivalent de 40 dollars (24 euros) s’ils veulent afficher sur leur poitrine : « Je veux avoir trois enfants », « Je suis à l’origine d’un boom démographique » ou, sur un autre registre, un portait du premier cosmonaute, Iouri Gagarine.