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Actualités - OPINION

LE POINT L’art du surplace Christian MERVILLE

Les Yéménites avaient leur plan : un retour aux accords de La Mecque de février 2007 dont nul, pas plus les Saoudiens que les Palestiniens eux-mêmes, ne parle encore et qui, en leurs temps, avaient été accueillis avec tiédeur par le parrain américain. À partir de là, on ne pouvait attendre grand-chose des autres clauses conclues le week-end dernier à Sanaa. La mise sur pied d’un gouvernement d’union nationale, la refonte des forces de sécurité « sur des bases nationales et non plus partisanes », de nouvelles élections législatives… il fallait être doté d’une incommensurable dose d’optimisme pour continuer d’y croire. Même les plus téméraires des observateurs n’ont pas osé s’aventurer sur un terrain aussi glissant. Surtout que les intéressés ont, en quelques heures, fait assaut de déclarations propres à doucher tous les espoirs. Nabil Abou-Roudeyna, l’un des principaux adjoints de Mahmoud Abbas : « Toute reprise des contacts à l’avenir ne devra porter que sur l’application de tous les points du document d’entente qui vient d’être signé. » Moussa Abou Marzouk, chef de la délégation du Hamas : « Aucun détail de l’accord ne peut recevoir exécution sans une entente, fruit d’un dialogue à venir. » Puis, comme en guise d’estocade finale, cette petite phrase : « Poser des conditions revient à refuser toute formule d’unité. » On se retrouvera quand même le 5 avril, toujours dans la capitale de l’antique Arabia felix. Pourquoi ? Parce qu’il y a soixante ans que cela dure, parce que s’arrêter de rêver signifierait la mort pour cause de trop violente décompression, parce que, force est de le reconnaître, entretenir l’espoir permet de maintenir en place ses marchands, islamistes ou modérés héritiers de ce grand illusionniste que fut Yasser Arafat. Dick Cheney aura pris tout le monde de vitesse en proclamant dès lundi matin l’impossibilité d’une réconciliation entre frères ennemis avant le retour de Gaza dans le giron de l’Autorité. Une opinion partagée par ses interlocuteurs israéliens, Amos Gilad en tête, pour qui « tous ces contacts ne mèneront nulle par,t car ils représentent une simple marque de respect à la personne de Ali Abdallah Saleh » (le président yéménite). Curieusement, le même diagnostic était formulé quelques instants plus tard par le porte-parole du Hamas, Sami Abou-Zouhri. Il y a tout lieu de croire, hélas, que le vice-président américain et le haut fonctionnaire du ministère israélien de la Défense voient juste quand ils prédisent l’échec à court terme des contacts entre les héritiers de cheikh Yassine et ceux d’Abou Ammar. Trop de conditions rédhibitoires, d’un côté comme de l’autre, un contentieux sanglant et bien trop lourd, des ambitions contradictoires : tous les ingrédients sont réunis, depuis le scrutin législatif de janvier 2006, pour aider à la perpétuation de la crise, alors qu’aucun leader n’a assez d’ascendant moral pour imposer ses vues et refaire l’unité des rangs. Le drame de la Palestine, c’est cela aussi (on serait tenté d’écrire c’est cela surtout) : cette incapacité quasi caractérielle à s’entendre sur les grands thèmes qui touchent au plus près le devenir. Il serait tout aussi absurde pour le Hamas d’accepter de tourner définitivement le dos à sa victoire électorale – comme lui enjoint de le faire Abou Mazen – que pour celui-ci de renvoyer son Premier ministre Salem Fayad et les membres du gouvernement « pour paver la voie à un retour à la table des négociations », ainsi que l’exige un cadre de la formation intégriste, Taher Nunu. Plus que jamais, c’est donc l’impasse. Pour la plus grande joie des Israéliens qui peuvent ainsi poursuivre leur œuvre de « gruyérisation » de la Cisjordanie, à coups de quelques dizaines de colonies démantelées ici puis reconstruites là en dix fois, cinquante fois plus grand (dira-t-on jamais assez les bienfaits du préfabriqué pour un État sioniste qui en est lui-même le fruit ?...). Amr Moussa, le (faussement) candide secrétaire général de la Ligue arabe, peut bien accueillir par un grand sourire le « début de dialogue » engagé à Sanaa. L’Organisation de la conférence islamique peut sacrifier au sempiternel souhait de voir survenir la fin des divisions. Le chef de l’État yéménite, qui a longtemps attendu une réunification que l’on avait fini par croire impossible à s’accomplir, peut, lui, faire preuve de circonspection en parlant d’un premier pas qui devrait être suivi de beaucoup d’autres. Concrètement, il reste que, pour la bande contrôlée aujourd’hui par les hommes d’Ismaïl Haniyeh, le retour au statu quo prévalant avant juin 2007, ne pouvait qu’appeler à un traitement similaire pour la rive occidentale du Jourdain. Un parallélisme que le Hamas n’a pas manqué d’établir. En langage diplomatique, cela s’appelle un progrès important. On peut toujours formuler l’espoir d’en voir la concrétisation, en fin de semaine, lors du sommet de Damas.
Les Yéménites avaient leur plan : un retour aux accords de La Mecque de février 2007 dont nul, pas plus les Saoudiens que les Palestiniens eux-mêmes, ne parle encore et qui, en leurs temps, avaient été accueillis avec tiédeur par le parrain américain. À partir de là, on ne pouvait attendre grand-chose des autres clauses conclues le week-end dernier à Sanaa. La mise sur pied...