Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

L’espoir viendra d’ailleurs Amine ISSA

Le mardi 11 mars, George Bush, devant la convention nationale des reporters religieux, déclarait que la liberté était un don de Dieu et que cela justifiait la guerre en Irak. Huit ans après son entrée en fonctions et à quelques mois de son départ, le président des États-Unis n’à pas changé son discours messianique. Pourtant, sa guerre contre le terrorisme et son combat pour imposer la démocratie dans le monde arabe sont un échec. Dans un article récent, David Ignatius relate les propos de Marc Sageman, un ancien officier de la CIA qui démontre comment les combattants qui ont rejoint Oussama Ben Laden dans les années quatre-vingt n’étaient que quelques douzaines de musulmans radicaux, dangereux certes, mais ne constituant pas de menace « existentielle » pour les États-Unis. Il explique comment l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 a décuplé leur nombre, élargi leur champ d’action et démultiplié les zones de recrutement dont le vivier n’est plus exclusivement les écoles coraniques, mais également tous les faubourgs de la misère du monde musulman (1). Quant à la démocratie, la seule avancée notable fut la permission accordée au Hamas de participer aux élections législatives dans les territoires palestiniens, la victoire de cette formation et le refus de la lui reconnaître par ceux-là mêmes qui l’y avaient invité sous le prétexte que le Hamas n’était pas démocratique ! Et pourtant, c’est bien de l’Amérique que viendra le changement qui peut mettre fin à la dégradation des relations entre l’Occident et le monde musulman. En novembre 2008, Barack Hussein Obama peut être élu président des États-Unis. Cet homme n’est pas un thaumaturge, mais il représente ce que l’Amérique a de meilleur. Il n’en renie pas les fondements porteurs d’une mission, mais dit qu’il veut rendre à l’Amérique son « rôle moral dans le monde », ce qui signifie que ce rôle a été dénaturé. Il ne prétend pas se retirer d’Irak dès son premier mandat car il sait qu’un départ précipité entraînerait le chaos, mais il préconise, au lieu d’une occupation dans la durée, de recentrer le combat contre les bases des terroristes au Pakistan et en Afghanistan, ce que n’a pas fait l’Administration Bush et qui lui est reproché par la hiérarchie militaire. Il déclare qu’une fois élu, il rencontrerait tous les leaders opposés aux États-Unis, et que s’il est l’ami d’Israël, il n’est pas nécessairement celui du Likoud. Si son plan de couverture médicale est moins ambitieux que celui de Hillary Clinton, il prétend lutter contre les inégalités sociales en baissant les impôts qui touchent les classes moyennes, ce qui aura pour effet de relancer la consommation interne, principal moteur de la croissance, actuellement en berne. Il promet d’attribuer cent cinquante milliards de dollars pour développer les énergies propres de substitution aux énergies fossiles. Mais qu’est-ce qui rend toutes ces propositions, qu’aurait pu émettre n’importe quel autre candidat, susceptibles d’être appliquées par Barack Obama ? Comment incarne-t-il le « changement » qui ponctue tous ses discours ? D’abord, il est métis, et quoique converti au christianisme, il a fréquenté une école musulmane en Indonésie. Il ne joue pas sur la culpabilité des Américains par rapport à leurs concitoyens noirs. Tout en reconnaissant l’importance des valeurs religieuses chrétiennes de l’Amérique, il ne se présente pas, comme le fit George Bush, comme étant un « born again » touché par la grâce divine. Tout cela trouve un écho auprès d’une Amérique qui doit, à ce jour, son titre de première puissance politique et économique du monde à sa capacité de muer avec les transformations qui touchent notre planète. Les jeunes Américains sont ses principaux électeurs dans les primaires. Ils regrettent l’image négative des États-Unis dans le monde. Un sondage commandé par l’Union européenne en 2003 donnait l’Amérique pour 53 pour cent des sondés comme un pays dangereux pour la paix dans le monde. Les écoutes téléphoniques instaurées par le nouveau département de la Sécurité intérieure et les tortures pratiquées à la prison d’Abou Ghraib ont encore aggravé cette perception. Ces mêmes électeurs expriment leur enthousiasme pour ce candidat qui ne vient pas du sérail et qui ne connaît pas les compromissions de la coterie de Washington. Il n’a jamais dirigé de société commerciale comme l’actuel locataire de la Maison- Blanche et beaucoup de ses collaborateurs, qui n’ont pas su éviter les conflits d’intérêts entre leurs anciens employeurs et leurs fonctions dans l’administration. Sa discrétion religieuse et sa conversion récente sont à rapprocher avec les résultats d’un sondage récent qui conclut que 44 pour cent des Américains ont changé d’affiliation religieuse et aspirent à une religion plus personnalisée et moins organisée (2). Son programme économique, qui tend à alléger les charges des ménages tout en insistant sur la préservation de l’environnement, s’accorde avec une tendance en forte hausse, celle du « Downshifter », ou décroissance, qui signifie consommer moins et mieux de biens périssables tout en se préservant plus de temps à d’autres activités moins stressantes et polluantes. Si cette politique, dans un premier temps, peut induire un ralentissement de la consommation de biens, elle crée des opportunités de travail dans les loisirs et la vie communautaire, et réduit les dépenses allouées à l’assainissement de la pollution et aux soins médicaux, dégagés par la consommation d’énergies sales et de biens rapidement périssables et souvent malsains. Pour toutes ses raisons, la victoire de Barack Obama et l’application de son programme sont porteuses d’espoir dans une nouvelle approche de la gestion des conflits planétaires. Qu’est-ce qui, dans le monde arabo-musulman, pourrait accompagner cette nouvelle approche de la confrontation entre cette région et l’Occident ? Si l’on observe les régimes arabes et musulmans, à la surface, rien ne semble évoluer. L’Iran et la Syrie, dans la conduite de leur politique, appliquent encore des recettes d’un autre âge qui les isolent toujours plus du reste du monde. Les pays arabes dit modérés et ouverts ne sont pas mieux logés quant à l’administration de leurs affaires internes. Pour les principaux acteurs, l’Arabie saoudite reste une monarchie conservatrice qui ne veut toujours pas assouplir les règles du statut de la femme ni interdire efficacement les prêches incendiaires de ses imams salafistes. L’Égypte vacille entre le danger d’un régime dynastique et celui encore moins démocratique des Frères musulmans, tout en ployant sous une démographie galopante qu’elle ne parvient pas à contrôler. En Afghanistan, les talibans contrôlent désormais 10 pour cent du territoire et préparent une grande offensive pour le printemps. Au Pakistan, les attentats-suicide endeuillent même la capitale, et le président Moucharraf, pour avoir flirté avec les terroristes, est aujourd’hui incapable de les arrêter. Enfin, Israël n’a toujours pas admis, malgré les promesses et les sommets, la nécessité d’une paix juste et durable qui se traduirait par la création immédiate d’un État palestinien indépendant sur tous les territoires conquis en 1967 et le retrait du Golan syrien. Et pourtant, quelques événements, passés souvent inaperçus, laissent penser qu’un renversement de tendance se profile. Je n’en citerai que les plus importants. D’abord, la lettre adressée au pape en octobre 2007 par 130 dignitaires religieux sunnites et chiites. Ils y établissent des correspondances entre le Coran et les Évangiles, insistent sur l’amour du prochain et le refus de l’imposition de la conversion par la force. La résistance de la ministre koweïtienne de l’Éducation, qui refuse de porter le voile, à une motion de censure déposée par les députés salafistes. Aux élections législatives marocaines, le recul des partis islamistes, malgré la dernière place du Maroc pour l’éducation dans le dernier rapport de la Banque mondiale. Au Pakistan, le même revers électoral fut subi par les partis islamistes et il faut relever également la mobilisation de la société civile contre l’autoritarisme du président Moucharraf, mobilisation menée principalement par les avocats et les juges, garants du droit et de la Constitution. En Syrie, une opposition laïque s’organise. Sa vigueur se jauge à l’acharnement du régime à l’étouffer. En Iran, les critiques à l’encontre du président Ahmadinejad se multiplient et ne sont plus le seul fait de ses opposants, mais sont également émises par son propre camp. La dernière en date est celle de l’ayatollah Hassan Rouhani, conseiller du guide, qui reproche au président ses déclarations appelant à la disparition d’Israël. Pour le renouvellement de l’Assemblée nationale iranienne, des centaines de candidatures réformatrices ont été annulées par le Conseil des gardiens à la veille des législatives du 14 mars. El-Qaëda, en Irak, est en perte de vitesse depuis que la communauté sunnite, son principal allié, a décidé de le combattre. En Égypte, il y a désormais des femmes juges, et l’une d’entre elles a été élevée à la fonction religieuse qui consacre les mariages, fait sans précédent dans un pays musulman. En Arabie saoudite, le roi Abdallah appartient au courant initié par le roi Fayçal, qui prônait une intégration de toutes les composantes confessionnelles et communautaires du royaume, par opposition à l’aile dure des Saoud qui ne reconnaît que la domination exclusive des natifs sunnites et wahhabites de la région du Najd. Les libéraux saoudiens critiquent désormais haut et fort la sclérose dans l’enseignement, et la cause des femmes est défendue par des comités qui s’expriment dans la presse. Le 11 mars, à la veille du sommet de la Conférence islamique, son secrétaire général a proposé une modification de sa charte pour y inclure la lutte contre l’extrémisme. Je termine par deux déclarations qui, à mon sens, sont les plus significatives. D’abord celle de mawlana Margobur Rahman, chef du séminaire Déobandi, Dar el-Ouloum en Inde, le 25 février devant dix mille religieux, dans laquelle il condamne le terrorisme. L’école déobandie est la référence religieuse de tous les musulmans d’Inde, du Pakistan et de l’Afghanistan. De ces rangs sont issus les talibans et les radicaux de la mosquée Rouge d’Islamabad. Quand on connaît l’influence de l’islam asiatique sur le reste du monde musulman et les principaux réformateurs et radicaux qui en sont issus (Jamaleddine al-Afghani, Fazlur Rahman, Farid Esack, Abou el-Alaa el-Mawdoudi, pour ne citer qu’eux), on comprend l’importance de cette déclaration. En février également, Anwar el-Zawahiri, l’idéologue d’el-Qaëda, vouait aux gémonies les imams qui s’opposent désormais au jihad. Est-ce une tendance lourde ? Je l’ignore. Mais ce que je viens de citer était encore impensable il y a quelques années, voire, pour certains événements, quelques mois. En quoi tout cela nous concerne-t-il ? D’abord un développement interne de la démocratie, une plus grande participation de la société civile dans la gestion des gouvernements des pays arabes et musulmans dont nous sommes tributaires, et un repli du radicalisme ne peuvent que se répercuter positivement sur la violence endémique qui nous cerne de toutes parts et nous menace. Ensuite, l’élection d’un Barack Obama en rupture avec la politique impériale et manichéenne des républicains aura pour effet de détendre l’atmosphère entre l’Occident et le monde arabo-musulman où nous sommes immergés. Cela ne veut pas dire que la politique américaine sera conciliante avec les régimes qui lui sont opposés, mais les États-Unis mèneront une action plus efficace pour servir leurs intérêts. Or, je suis de ceux qui pensent que le chaos dessert les États-Unis, met en danger une région vitale pour l’économie de l’Occident dont ils sont le chef de file et ne protège pas Israël dont la sécurité est l’un des soucis majeurs de l’Amérique. Ce schéma s’applique également pour le Liban. La stabilisation de celui-ci et la garantie de sa souveraineté passent par la prise de mesures effectives contre ses ennemis, au lieu de parades navales et de menaces sans effet contre les régimes « voyous », et le soutien effectif des partisans de la démocratie et du consensus, tant l’on sait que le Liban ne peut être gouverné par une seule faction. Que ceux qui se sentent visés se réjouissent. Mais existent-ils vraiment ? Amine ISSA Agriculteur 1-David Ignatius, « The Fading Jihadists », « Washington Post », 28/2/08. 2- Nella Banerje, « Polls Finds a Fluid Religious Life In Us », « The New York Times», 26/2/08. Article paru le mardi 25 mars 2008
Le mardi 11 mars, George Bush, devant la convention nationale des reporters religieux, déclarait que la liberté était un don de Dieu et que cela justifiait la guerre en Irak. Huit ans après son entrée en fonctions et à quelques mois de son départ, le président des États-Unis n’à pas changé son discours messianique. Pourtant, sa guerre contre le terrorisme et son combat...