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Actualités - OPINION

La leçon du poilu Émilie SUEUR

Cinq ans. Dans quelques jours, la guerre d’Irak aura cinq ans. Un anniversaire est l’occasion de faire des bilans. Dans la colonne gains, on pourra inscrire, sur ce dossier, la chute d’un dictateur. Destitué, arrêté, jugé, exécuté. À dégager. Dans la colonne pertes, des dizaines de milliers de morts – des civils irakiens essentiellement –, un nouveau régime politique qui peine à se mettre en place, un pays divisé par un confessionnalisme rampant, une fuite des cerveaux, une fuite tout court. Pas glorieux. Ce qui l’est encore moins, glorieux, c’est l’incapacité de l’Administration américaine, chevalier blanc autoproclamé de la démocratie, à reconnaître ses erreurs, à assumer ses responsabilités. Dernier exemple en date, la tentative de non-publication, la semaine dernière, d’une vaste enquête du Pentagone basée sur l’analyse de 600 000 documents officiels irakiens et sur des milliers d’heures d’interrogatoires d’anciens collaborateurs de Saddam Hussein, reconnaissant l’absence de lien entre l’ancien dirigeant irakien et el-Qaëda. Argument pourtant brandi haut et fort par les responsables américains, Dick Cheney en tête, pour justifier le lancement de la guerre en Irak en 2003. Alors que la plupart des études officielles sont mises en ligne sur Internet et fournies à l’ensemble de la presse, les résultats de celle du Pentagone ne sont disponibles que sur demande et envoyés par courrier. Ce n’est pas la première fois que les États-Unis font le ménage en cachant la poussière sous le tapis. Ils avaient déjà tenté de minimiser les résultats d’enquêtes concluant à l’absence d’armes de destruction massive en Irak. Argument également utilisé pour justifier l’entrée en guerre. Mais la poussière ne reste jamais longtemps sous le tapis. Elle finit toujours par remonter. Le monde éternue, et ça fait du bruit. Pour être reconnue en tant que telle, une puissance mondiale doit accepter d’assumer les responsabilités qui vont avec son statut. Cette règle s’applique, ou devrait s’appliquer, à tous les niveaux. Un chef d’entreprise occupe une position privilégiée, bénéficie des avantages de cette position, qu’ils soit financiers ou autres, mais en contrepartie il doit assumer ses responsabilités, et notamment les conséquences de ses décisions. Dans les faits, la règle n’est pas toujours suivie, en témoigne l’imposante voilure des « parachutes dorés » qui accompagnent souvent la chute des PDG virés. À Washington, même pas besoin de parachute, on s’arrange tout simplement pour éviter de sauter. Au moment où la première puissance mondiale faisait son ménage au rabais, un homme qui a dignement assumé la responsabilité qu’il s’était lui-même imposée nous a quittés. Lazare Ponticelli, le der des ders en France, de la der des ders, avait survécu à l’enfer des tranchées. Après la Première Guerre mondiale et de multiples péripéties, l’émigré italien, issu d’un milieu extrêmement pauvre, était devenu français et avait réussi à monter une société des plus prospères. 480 millions d’euros de chiffres d’affaires et 3 800 salariés. De quoi cicatriser les blessures d’une vie étalée sur trois siècles et deux guerres mondiales. De quoi être tenté de profiter du confort d’une vie prospère décrochée à grand renfort d’huile de coude. Pourtant, Lazare Ponticelli n’a jamais oublié le serment des tranchées : « Si je meurs, tu penseras à moi. » Ne jamais oublier, toujours témoigner. Dans les écoles, dans les médias. Sa porte était toujours ouverte à ceux qui voulaient l’entendre. Son engagement, il l’a tenu jusqu’au bout de sa vie, jusqu’au bout de ses forces, jusqu’au bout de sa mémoire, alors même que les mots commençaient à le lâcher. Lazare était le témoin « privilégié » des heures noires d’un continent. Jusqu’au bout de ses 110 ans, il aura assumé cette lourde responsabilité.
Cinq ans. Dans quelques jours, la guerre d’Irak aura cinq ans. Un anniversaire est l’occasion de faire des bilans. Dans la colonne gains, on pourra inscrire, sur ce dossier, la chute d’un dictateur. Destitué, arrêté, jugé, exécuté. À dégager. Dans la colonne pertes, des dizaines de milliers de morts – des civils irakiens essentiellement –, un nouveau régime politique...