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Actualités - CHRONOLOGIE

ÉCLAIRAGE L’Irak face au risque de démembrement ethnico-religieux

Cinq ans après l’intervention américaine censée faire émerger un état moderne en Irak, les différences ethniques et religieuses sont omniprésentes dans la vie politique et sociale du pays. Et des experts mettent en garde contre les risques de démembrement d’un état stratégiquement situé aux confins des mondes arabe, perse et ottoman. «L’intervention américaine a fait sauter le couvercle de la réalité irakienne, qui est celle d’un pays très divers », explique à l’AFP Adel Darwish, spécialiste du Moyen-Orient. « Mais les Américains n’avaient pas de plan face à cette nouvelle donne », estime cet auteur et commentateur, qui vit à Londres. La chute du régime de Saddam Hussein a eu comme conséquence de libérer les aspirations à plus de pouvoir des Kurdes et des chiites, qui se considéraient défavorisés ou persécutés, au sein de l’État centralisé irakien. Depuis sa révolution de 1958, l’Irak se voulait un pays laïc et républicain. Avec l’arrivée des baassistes au pouvoir en 1968, le régime avait également soutenu le nationalisme arabe et le socialisme. Saddam Hussein dès son accession aux responsabilités suprêmes en 1979 a fait évoluer l’idéologie dominante vers un nationalisme purement irakien, et a mis la structure étatique au service d’un cercle restreint de parents et de fidèles. Le baassisme était alors plus un outil de contrôle de la société qu’une idéologie de progrès, et la peur d’un régime arbitraire est rapidement devenu le ciment d’un pays ethniquement et religieusement divers. « Le baassisme, avec sa laïcité, était une arme qui visait tout le monde, et qui était utilisée contre tous avec une grande équité », assure encore Adel Darwish. Dès le début de son règne sans partage, Saddam Hussein a tourné sa violence contre ceux qui mettaient en cause son autorité. Les Kurdes ont été victimes de ses campagnes de répression, et les chiites, habités par un sentiment d’injustice depuis l’origine de leur communauté au VIIe siècle, ont payé cher leur rébellion. Les sunnites n’ont pas été épargnés, individuellement, par sa vindicte. Mais comme communauté liée à l’appareil public créé sous l’Empire ottoman et laissé en place par les Britanniques et la monarchie, ils ont été associés au fonctionnement de l’État. Avec la chute du régime baassiste, les particularismes religieux et ethniques, longtemps tenus sous silence, ont pris une place centrale dans la construction du nouvel Irak. Et ils se sont révélés rapidement des éléments de divisions, plus que de cohésion. « Les Américains ont su démanteler le régime et l’État », commente Moustapha al-Hani, directeur du programme de sécurité du Gulf Research Center, à Dubaï. « Mais aujourd’hui, ils sont incapables de le reconstruire », assure cet expert. « Une victoire militaire est facile, mais une victoire politique est plus compliquée », ajoute-t-il. Les revendications des communautés ethniques et religieuses ont été inscrites dans la Constitution et sont à l’origine de lois comme celles sur le partage du pétrole ou sur le rôle politique des provinces qui organise la décentralisation du pouvoir. Ces particularismes ont également servi de bases à l’affirmation identitaire des différentes communautés. Portés à leur paroxysme pas les extrémistes et les milices armées de chaque camp, ils ont justifié le rejet violent des autres, et conduit à de nombreuses tueries. Dorénavant, ces nouvelles identités irakiennes se définissent dans la différence et non plus dans la convergence, nécessaire à l’édification d’un État-nation démocratique. « Ce qui se passe en Irak est une insulte à la démocratie », estime le Dr al-Hani. « C’est la démocratie du kalachnikov. Ce que nous voyons au Parlement est le résultat du contrôle du processus politique par des milices. » Les Irakiens auront besoin de retrouver des causes communes, ou des intérêts communs explicites, pour résister à l’éclatement et procéder à la restauration d’une identité nationale solidaire mais diverse. Pour Adel Darwish, la peur de voir le pays se transformer en une simple « zone tampon » entre l’Iran et l’Occident pourrait contraindre les responsables irakiens à faire taire leurs différences. « C’est pour cela qu’ils veulent défendre l’unité du pays », assure-t-il. Mais pour M. al-Hani, il est déjà trop tard. « Les ingrédients pour la dislocation de l’Irak existent », assure cet analyste, qui prévoit l’éclatement du pays en mini-États, clients de leurs grands voisins (Iran, Arabie saoudite et Turquie), et en guerre les uns contre les autres. Jacques CHARMELOT (AFP)
Cinq ans après l’intervention américaine censée faire émerger un état moderne en Irak, les différences ethniques et religieuses sont omniprésentes dans la vie politique et sociale du pays. Et des experts mettent en garde contre les risques de démembrement d’un état stratégiquement situé aux confins des mondes arabe, perse et ottoman.
«L’intervention américaine a...