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Actualités - OPINION

Perspective d’avenir pour un développement durable au Proche-Orient III - Protéger un environnement très vulnérable

IV-3 Environnement et santé L’environnement du bassin méditerranéen est connu à la fois comme l’un des plus riches et des plus vulnérables du monde. L’Union européenne qui a lancé l’initiative en vue de dépolluer la Méditerranée dans le cadre de « L’horizon 2020 » a pour objectif principal de réduire le degré de pollution dans le bassin en identifiant et en s’attaquant aux pressions les plus significatives d’ici à 2020. Cette opération, qui nécessite la mobilisation de fonds financiers importants, semble être difficile à mettre en œuvre du fait que les investissements européens au Moyen-Orient sont restés limités (voir L’Orient-Le Jour des 4 et 5 mars 2008). L’Union de la Méditerranée pourrait relever ce défi en mobilisant des capitaux euro-arabes afin de financer les infrastructures (station de traitement des eaux usées…) et d’assurer l’exploitation de ces projets par un partenariat public privé. La mobilisation de ces capitaux pourrait aboutir à la création d’une banque euro-arabe ou bien euro-Méditerranée qui pourrait investir dans l’innovation financière et lancer des projets corrects, contrôlables et durables dans le temps. Cette initiative permettra aux pays des deux rives de la Méditerranée de tirer les enseignements des échecs du passé pour « décoller » de nouveau dans le cadre d’un scénario « gagnant-gagnant » pour l’ensemble des pays concernés. Le devenir du pourtour méditerranéen sera tributaire du lancement de projets rendus réalistes dans la plupart des cas par la création d’institutions légères et faiblement budgétisées. Quelle que soit l’importance stratégique de ces projets d’infrastructure, ils ne déboucheront sur des résultats concrets pour la dépollution du bassin méditerranéen qu’à une condition : c’est l’existence et l’affirmation d’une volonté politique conjointe aux pays des deux rives de la Méditerranée pour se protéger au travers d’un ensemble de projets communs dans le sens d’une véritable communauté méditerranéenne. Ce problème d’environnement est fondamentalement lié au processus de veille sur la santé humaine et le développement des pathologies qui concernent la qualité des milieux naturels déterminée par les sources de contaminations biologiques, chimiques et physiques. Il est primordial que les États du bassin méditerranéen lancent une action concentrée pour approfondir les connaissances sur le rôle de l’environnement sur la santé publique en matière d’hygiène de vie ou d’hygiène sur les lieux de travail. Un plan régional environnement et santé doit être mis au point afin de répondre à ces préoccupations et aux interrogations de la population méditerranéenne sur les conséquences sanitaires à court et moyen terme de l’exposition à certaines pollutions de leur environnement. Pour cela, les États de l’Union méditerranéenne doivent mettre en place une infrastructure d’observation de la santé humaine dont les objectifs seront : – Assurer une veille sanitaire et l’alerte épidémiologique précoce. – Approfondir les connaissances épidémiologiques. – Constituer une base de données pour une recherche épidémiologique de haute qualité. Ces différents objectifs constituent une approche originale et fortement innovante dans le domaine de la santé publique régionale. IV-4 Développement agricole et gestion des territoires L’agriculture des pays du nord de la Méditerranée tend à se concentrer dans les plaines et les piémonts, et s’appuie en partie sur l’irrigation. Cependant, l’eau qui n’est en général pas utilisée de façon efficiente est fréquemment consommée en excès, souvent polluée et affectée par la salinisation. De plus, les terres agricoles de haute qualité disparaissent de plus en plus en raison du développement urbain et les régions intérieures, principalement les zones montagneuses, ont été largement désertées avec comme conséquences une vulnérabilité accrue aux inondations et aux incendies et une perte de biodiversité. Quant aux paysages méditerranéens, ils sont souvent en danger d’exploitation par les carrières et menacés de dégradation irréversible. Dans les pays du Sud et de l’Est, l’agriculture continue à jouer un rôle social et économique important, bien que sa productivité soit globalement faible et qu’une attention insuffisante soit accordée à la gestion efficiente et durable des ressources en eau et en sol. Les populations rurales, restées nombreuses malgré l’émigration, sont en majorité pauvres et ont un faible niveau d’éducation. Les femmes, qui assument une grande partie du travail agricole, sont socialement marginalisées et ne bénéficient que d’un accès limité aux outils économiques et financiers. Des pressions considérables s’exercent sur les personnes concernées par le domaine agricole et l’émigration apparaît comme la principale réponse à cette pauvreté persistante. Les écarts déjà considérables de productivité agricole entre pays développés et pays en développement et entre agriculture moderne et agriculture de subsistance continuent de croître. En outre, les modèles agricoles et ruraux, qui sont au cœur de l’identité méditerranéenne, se trouvent de plus en plus menacés par la prédominance de modèles de consommation importés. Cette tendance est notamment illustrée par le recul du modèle alimentaire méditerranéen dont les mérites pour la santé sont pourtant reconnus. En regard de l’impact attendu de la libéralisation du commerce des produits agricoles, des effets du changement climatique et de l’insuffisance des politiques rurales, les perspectives de certains pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée s’annoncent sombres avec des risques de déséquilibres territoriaux grandissants, de dégradation écologique plus marquée et d’une instabilité sociale persistante. Il y a là un besoin clair de stratégies alternatives en matière de développement agricole et rural durable, à l’échelle nationale et régionale, si l’on veut que des progrès soient réalisés dans la réduction de la pauvreté rurale, la revitalisation des arrière-pays, le développement des marchés intérieurs et internationaux et la sauvegarde des biens publics environnementaux. La croissance de la demande internationale et interne en produits agroalimentaires méditerranéens typiques et de qualité représente une opportunité importante pour rendre l’agriculture méditerranéenne plus compétitive à l’échelle internationale. La région pourrait également tirer un avantage considérable si on trouvait les moyens d’apporter une plus grande valeur ajoutée à la multifonctionnalité de son agriculture. Un objectif souhaitable serait de réduire d’au moins un tiers, d’ici à 2015, les pertes de terres agricoles par érosion, salinisation, désertification, urbanisation ou autres formes d’abandon. Un autre objectif à atteindre en matière de biodiversité consisterait à mettre un terme, d’ici à 2015, à la perte de biodiversité terrestres dans les États membres de la Méditerranée. Le changement climatique pourrait également avoir une série d’effets sur l’agriculture. À titre d’exemple, les modifications des paramètres climatiques et de la composition chimique de l’atmosphère auront une incidence majeure sur la sécurité alimentaire. De plus, en raison du réchauffement accru du climat, nous assisterons à un déplacement des zones de culture en concomitance avec les zones climatiques. Ce phénomène entraînerait inévitablement des modifications substantielles des méthodes de production agricole. La production alimentaire, qui pose d’ores et déjà des problèmes très difficiles dans certaines parties du monde, deviendra encore plus difficile à l’avenir. Les effets perturbateurs sur l’agriculture mèneraient à une baisse des rendements dans beaucoup de régions, voire à la famine surtout dans les pays du Sud. Plusieurs pays méditerranéens ont déjà enregistré des productivités qui sont très médiocres et se trouveraient menacées d’une baisse supplémentaire des rendements. Il est essentiel de signaler qu’il existe des différents concepts agricoles entre les rives nord et sud-est de la Méditerranée. La favorisation du dialogue entre les experts en la matière aidera à mettre en œuvre un savoir-faire commun dans ce domaine. IV-5 Économie et société Toutes les données économiques relatives aux pays du bassin méditerranéen montrent que le processus de Barcelone, qui a démarré en novembre 1995 avec la signature de la charte fondatrice, a constitué un échec dans le traitement socio-économique de la question méditerranéenne. Plusieurs experts et analystes européens ont reconnu cette situation et ont exhorté tous les gouvernements des pays du bassin de se ressaisir, de faire face à l’inertie socio-économique qui a limité le développement de cette région et de proposer un avenir aux générations futures. L’enveloppe financière investie de la part des pays de l’UE par rapport aux pays du Sud-Est fut de l’ordre de 1 à 100. À titre d’exemple, 700 milliards d’euros ont été consacrés à la réunification de l’Europe de l’Est, 7 milliards d’euros destinés aux pays du Maghreb et 4 milliards d’euros aux pays du Machrek. Les résultats de ces dix ans d’investissements sont avérés très modestes du fait que : – La croissance économique des pays du bassin et restée faible, comparée aux pays asiatiques. – Les investissements européens dans les pays des rives sud-est sont restés limités. – Les échanges commerciaux nord-sud et vice versa n’ont pas véritablement réussi à démarrer. Les causes majeures de l’échec du processus de Barcelone sont dues au fait que l’UE ne s’est pas engagée et impliquée fortement dans la résolution des conflits politiques de la région. Il en est de même dans l’évaluation socio-économique d’une manière transparente et durable des projets investis dans les pays des rives sud-est du bassin. La Méditerranée est la première région touristique du monde. Ce secteur, principalement structuré sur un modèle balnéaire et saisonnier, représente pour tous les pays un enjeu majeur en termes d’emplois et de revenus. Les politiques publiques des États du Sud-Est doivent se centrer sur la standardisation de la qualité de l’offre en vue de favoriser un développement durable du tourisme. Ce concept donnera une valeur ajoutée à ce secteur en favorisant la promotion de la diversité méditerranéenne et le développement culturel et social. Bien que les retombées économiques du tourisme sont significatives dans beaucoup de pays, celles-ci sont inégalement réparties à cause de la faiblesse du secteur public dans quelques pays du Sud-Est. L’impact négatif sur l’environnement, transports, bruit, déchets, consommation d’espace, dégradation des paysages, des côtes et des écosystèmes n’est pas pris en compte en tant qu’élément prioritaire pour le développement touristique. Quelque 637 millions de touristes (internationaux et nationaux) sont attendus dans la région en 2025, soit une augmentation de 270 millions par rapport à 2000, dont la moitié environ dans les régions côtières. L’anticipation de ces flux représente une réelle opportunité si l’on veut modifier la demande internationale et interne, et encourager une évolution vers un tourisme plus culturel, rural et responsable, qui intégrerait les arrière-pays et les villes, les préoccupations environnementales et la protection des côtes, ainsi que le patrimoine culturel et les sites historiques. IV-6 Gouvernance La gouvernance est une action transversale commune aux thématiques présentées précédemment. La mise en application de la charte pour l’Union de la Méditerranée nécessite une préparation préalable du cadre institutionnel des pays membres surtout ceux qui sont situés sur les rives sud-est de la Méditerranée. La bonne gouvernance qui est considérée en tant que résultante du respect des dispositions législatives et réglementaires aboutit à l’émergence d’un système administratif impartial, efficace, intègre et antibureaucratique, agissant en toute transparence avec les citoyens. Le rôle des gouvernements ne doit pas se limiter seulement à rechercher une meilleure efficacité de l’administration et des services publics, mais aussi d’humaniser les rapports entre citoyens et fonctionnaires, de faciliter l’accès des administrés à leurs droits et de veiller partout et en tout temps qu’ils soient respectés sans considération de leur place dans la société. La bonne gouvernance doit privilégier dans les pays des rives sud-est du bassin méditerranéen l’application de la justice et de l’équité dans le système administratif. La création ou le renforcement d’institutions de médiateurs du gouvernement en tant qu’entité indépendante constitue une garantie pour le respect des droits de l’homme et le progrès de la bonne administration dans les pays du bassin. Cette idée de créer le médiateur du gouvernement est appelée à se répandre, car elle répond à un double besoin : celui des administrés de disposer d’un recours supplémentaire et d’un lieu d’accueil humain et personnalisé ; celui des pouvoirs politiques qui ont intérêt à ce qu’un regard extérieur à eux suggère, en toute indépendance et en toute liberté, les améliorations nécessaires au bon fonctionnement des services publics. Conclusion Le développement durable du Proche-Orient doit être intégré dans le contexte général méditerranéen en vue de satisfaire les exigences de bon état écologique de la mer Méditerranée ainsi que la politique de coopération euro-méditerranéenne dans les différents secteurs socio-économiques. Les débats régionaux et nationaux – cas du Liban – s’organiseront sous forme de démarches participatives au travers des différents organismes responsables des États et de la société civile. À l’exemple du « Grenelle de l’environnement » organisé en France, les forums régionaux et nationaux devront déboucher sur des propositions en vue de l’élaboration d’une charte durable de l’Union et notamment du pays du Cèdre. Fady COMAIR Directeur général des ressources hydrauliques et électriques
IV-3 Environnement et santé
L’environnement du bassin méditerranéen est connu à la fois comme l’un des plus riches et des plus vulnérables du monde. L’Union européenne qui a lancé l’initiative en vue de dépolluer la Méditerranée dans le cadre de « L’horizon 2020 » a pour objectif principal de réduire le degré de pollution dans le bassin en identifiant et en...